12 | Que la pièce vole dans les airs

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🎨 DEVON 🎨
Paris.

MOONFALL : Je viendrai. Que votre talent soit supérieur à la mienne, enfin, si cela est possible, il faut déjà qu'il l'égale.

Son dernier message date de deux heures et cette provocation torturante me donne envie de planter mes griffes dans sa jugulaire pour la faire taire.

Travailler avec elle ne sera pas de tout repos.

— Attends, mais Jim m'a tout raconté, s'égosille la voix féminine à mon oreille, me sortant de mes pensées. Une muse ? Tu as besoin d'une muse ? Toi qui prétends suffire à l'art ?! Wow...

— Je...

— En plus de ça, c'est la femme de l'autre soir ?! Tu ne l'as pas vu danser, mais elle a quand même été désignée ? Wow !

— Leo...

— Mais encore, c'est pas fini : tu es allé lui parler du contrat toi-même et pas ton manager ? Qu'est ce qui t'es tombé sur la tête pour que tu sois aussi...

— Leonora, je vais raccrocher si tu ne te tais pas.

La menace résonne et un silence parfait s'ensuit. En un temps record, elle ne dit plus un mot, si ce n'est qu'un gloups de travers. Cette fille m'exaspère. Et c'est ma sœur. Les doigts resserrés autour de mon téléphone, j'écrase mon mégot dans le cendrier à droite et penche la tête en arrière. Leonora a cette manie d'étaler nos erreurs de but en blanc avec tellement d'ironie que rien que de l'écouter, on a envie de s'enterrer.

Oui, c'est vrai que mon obsession envers Ana est flagrante, puissante et meurtrière. Peut-être que j'aurai dû suivre le processus et ne pas me laisser entraîner par cette vague de domination avec elle. Peut-être que j'aurai dû penser au vrai projet. Mais cela signifierait l'oublier, ce que je ne peux pas. Je ne veux pas. Ça fait trop longtemps que je n'avais pas ressenti cette sensation.

— Reste encore à savoir de quelle façon Jim a interprété les choses et comment il te l'a dit, c'est pas comme s'il était du genre à ne pas être dans l'excès quand il est contrarié, me moqué-je alors que je l'imagine aisément lever les yeux au ciel derrière son écran.

Jim et elle sont comme deux énormes slimes quand ils décident de faire front contre moi. Gluants, inutiles, avec des bruits de pets comme langage et ils sont insupportables. Ils ne s'aiment pas comme des frères et sœurs s'aiment, mais assez pour m'attaquer ensembles. Leurs passe-temps favoris ? Me rendre dingue quand je prends des décisions trop... Brutales et conséquentes. Mon manager a raconté à ma petite sœur tous les phénomènes qui se sont passés depuis trois jours et pour elle, c'est comme si on avait trouvé un remède pour une maladie incurable ou, devrais-je dire, empiré le cas d'un psychopathe interné. Au fond, je sais que si elle a pris la peine de m'appeler, c'est parce qu'elle connaît mes pensées et mes pulsions sombres. Elle me connaît par cœur : même si ce projet prétend de mettre en lumière un nouveau moi, mon habitude à tout foutre en l'air reviendra toujours. De toute façon, on ne peut plus faire machine arrière.

J'ai vu Anabella hier et c'était déjà la bombe nucléaire en personne qui me tombait à la gueule. Ses conditions ont été mises sous mon nez de force, elle m'a contre-attaqué sans répit et j'ai détesté ça.

Comment est censé se dérouler notre travail ensemble si c'est autant percutant dès les premières heures ?

J'aurais la réponse dans pas très longtemps. D'ailleurs, je regrette de l'avoir invitée chez moi. Venir ici, c'est comme entrer dans mon intimité, voir mon refuge et inhaler ma fragilité. Empiéter sur mon espace vital. Je soupire à cette idée. Avec Anabella et ses analyses, je suis mal barré. Merde, je ne pouvais pas faire autrement : c'est mon coin de travail, il n'y a pas d'autre endroit où j'expose mon art que mon loft. Dépenser de l'argent pour un atelier ? Pas question.

Nectar Of GodsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant