20 | Muse ombragée

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🩰 ANABELLA 🩰
Paris

Dixon. Dixon Allen.

Personne. Il n'est personne pour moi.

Fermer les portes aux ombres. Ne pas regarder le passé. Ne pas se morfondre. Jamais.

Il faut que je me reconcentre sur moi-même. J'ai réussi à vivre avec son souvenir pendant des années, ce n'est pas maintenant que ça va changer. Pourtant, la pensée de l'homme qui m'a tout pris m'opprime. De vieux flashs de mémoires m'agressent, des fantômes se mettent à rôder bruyamment dans mon esprit et je tombe un peu plus depuis que je l'ai revu au pied de mon appartement.

Réveille-toi, merde !

Enfilant un des sweats de Devon, je me mords le coin de mes lèvres en repensant à ma perte de contrôle dans la voiture. J'inspire difficilement en fermant les yeux. J'ai vrillé. Le peintre a bien dû se réjouir devant ma vulnérabilité et mon angoisse non maîtrisées. Pour sa victoire, son prix est de me faire passer la nuit chez lui dans son havre de paix, teinté d'art et d'érotisme. Je me demande ce qu'il a pu voir sur mon visage et ce qu'il a interprété. Il a fallu que notre rendez-vous se termine ainsi... Comme si le beau Diable voulait me voir suffoquer entre les eaux les plus sombres et l'âme obscure de Devon. C'est terrible d'être victime des aléas extérieurs qui vont et viennent quand ça leur chante.

L'horloge murale m'indique qu'il est vingt et une heures et d'après Devon, il n'est pas prêt de dormir. La nuit est sa deuxième muse, paraît-il.

Je soupire doucement pour m'aider à vider mon cerveau de toutes ces saletés, passe mes mains tremblantes sur mon visage avant de fixer mon portable sur la table de basse. j'ai peur de voir l'écran s'allumer et son prénom s'afficher. Si j'ai pris l'initiative auparavant de bloquer le numéro de Dixon, mon père a très bien pu être mis au courant de la situation. Il ne va pas tarder à m'appeler pour me demander des explications pour son cher et tendre. Je suis même sûre que c'est lui qui lui a communiqué mon adresse. Quel enfoiré.

Sans réfléchir une seconde de plus, je récupère mon téléphone et le mets en mode avion pour éviter tout trouble avant de passer mes doigts dans mes cheveux emmêlés. Je mordille mes ongles, anxieuse de sa réaction qui pourrait me tomber à la gueule un jour au l'autre.

Ce n'est pas moi.

Distraction. Distraction. Distraction.

La gorge sèche et les joues échauffées, je balaye du regard la véranda où Devon installe son matériel de peinture. Je suis dans le salon, mais les vitres transparentes n'érigent aucun obstacle visuel entre nous. Son corps va et vient de chaque côté de la pièce, des pinceaux, des palettes, des pots pleins les mains. Les battements de mon cœur ralentissent devant ce spectacle artistique. Il installe son terrain avec aisance et grâce. Je ferme les paupières une seconde, le temps de me reprendre en main puis souffle et sourit.

Distraction. Distraction. Distraction.

Tout va bien.

Quand j'ouvre de nouveau les yeux, Devon s'est arrêté au milieu de sa salle, le regard rivé sur mon visage. Mon ventre se noue, le silence nous entoure. Il me sonde de ses astres colorés brûlants et pénétrants comme des étoiles jumelles. Nul doute que des milliers de questions résonnent dans sa tête. Cependant, il y a aussi quelque chose de nouveau au fond de ses pupilles. Une chose vivante. Une chose que je n'avais jamais vue encore sur lui. Une sincérité, une inquiétude, une fragilité. Mais en un temps record, son visage réintègre l'aspect d'une façade insondable. Ma respiration s'accélère.

Nectar Of GodsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant