Nectar Of Gods

9 | Goûte l'Art

🎨 DEVON 🎨
Paris, Auditorium de l'Opéra de Paris.

Absorbe cette galaxie aux corps fins et à la modestie aveuglante. Attrape la passion qui les anime. Dévore leur conscience aiguisée.

L'inspiration m'arrache les ongles et le fruit de mon imagination se métamorphose en une teinte de vernis pour les embellir. Mon envie de peindre encercle l'intégralité de mes entrailles pour en faire une œuvre d'art, un gribouillis de croquis mal achevés. Cette sensation est nouvelle et j'adore l'apprivoiser. Je n'ai jamais été inspiré sur le moment, comme ça.

L'Opéra de Paris. Voilà le lieu idéal pour nourrir mes pensées obscures après une matinée d'interview et de rendez-vous redondants. Ces danseurs acharnés, emprisonnés dans leur espace confiné aux exigences et au travail constant, stimulent mon sens de l'observation.

L'excitation me ronge de l'intérieur.

J'analyse tout. Je vois tout. Je décrypte tout. Sans faute. C'est assez bluffant, il faut l'avouer. Je n'avais jamais mis un pied dans ce genre d'atmosphère impérieuse et je dois dire que c'est impressionnant de contempler des corps se plier aux ordres des plus belles partitions. Il y a ceux qui bossent dur pour garder leur place dans ce ballet prodigieux. Ceux qui s'arrachent les membres pour atteindre les échelons. Ceux qui, trop passionnés, en viennent à oublier les objectifs. Et ceux qui meurent par la difficulté qu'on leur impose. La professeure qui m'a accueilli se vantait d'avoir une compagnie parfaite et sans problème, mais, la rivalité de chacun afflux à grande vitesse dès que la mélodie classique résonne.

Elle, elle, ne fait partie d'aucun groupe. Elle n'a pas dansé devant moi, mais son regard et sa posture, son souffle irrégulier et sa façon de lisser son justaucorps me le confirment amplement. Elle dégage une puissance que je ne pourrai décrire. Tandis que les autres dansent pour parvenir à une perfection des plus demandée, elle, ne cherche qu'à combler le déséquilibre de sa vie.

Je ne lui donnerai pas le plaisir de se pavaner en tutu devant moi, je sais que c'est ce qu'elle souhaite faire. Lui en empêcher la frustrera.

— Anabella Leroy. C'est toi que je veux.

Ma voix tonne. Un silence inquiétant plane dans l'auditorium. Mon regard se plante sur son visage d'ange déchu alors qu'elle ouvre grand les yeux, perdue. Ses sourcils se tordent et elle pivote la tête pour observer les autres élèves.

Oui, toute l'attention est dirigée vers toi. Oui, je connais ton prénom. Oui, je t'ai choisie.

Mon plan marche à merveille. Après avoir discuté avec Jim, je l'ai convaincu de venir ici, car je savais pertinemment qu'elle s'y trouverait. Mon œil scrutateur ne s'était pas trompé : elle avait bien le gabarit pour faire de la danse classique. L'appel téléphonique avec l'organisateur de l'événement ainsi que mes recherches des photos prises à cette soirée dans les journaux numériques locaux, me l'ont confirmé. Puis voilà, le tour était joué. L'ébauche de ma machination était déjà en train de se former petit à petit. Il fallait juste poursuivre dans le bon sens des ordres.

Simuler. Charmer. Accomplir.

Nous avons négocié et mis les choses en place avec le directeur et les professeurs du lieu avant d'être dirigés vers Marta Robinson. Rapidement, un papier incluant les photos et les noms des danseurs m'a été confié et je n'ai pu que jouir de ce pouvoir en voyant son visage cristallin et ses cheveux dorés apparaître devant mes yeux. Comme une étoile filante. Je l'avais enfin trouvée après des jours de silence.

Trois fois, c'est le destin. Je lui ai juste donné un coup de main.

Jim veut me faire sortir de ma zone de confort avec sa théorie de l'émotion. J'ai décidé de l'accepter, mais à ma manière. Pour ça, je veux Moonfall comme modèle.