CHAPITRE 49

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AUGUSTINO

Ces dernières quarante-huit heures avaient été les plus longues et les plus difficiles de toute ma vie. Je n’avais presque pas dormi. Je subissais chaque seconde qui m’éloignait du moment où j’avais appris à l’hôpital que tout était finis, que ma vie venait de se briser en mille morceaux. L’enquête n’avait rien donné. L’affaire avait été classée comme « accidentelle ». Leandro s’était chargé de faire une demande pour rapatrier les corps à Acapulco. J’avais été incapable d’appeler qui que ce soit. Je n’avais même pas été capable d’appeler mon père, ou Marina. Lui savait, par le biais de Leandro, mais pas la mère d’Elia. J’étais tout bonnement incapable de l’appeler. Je savais que j’allais devoir le faire en rentrant à Acapulco. C’était à moi de lui dire, de lui dire ce qui s’était passé. Je m’étais même demandé si elle n’était pas déjà au courant, mais elle m’aurait appelé immédiatement. 

Le jet allait bientôt atterrir et je n’avais presque toujours pas fermé l’œil. Cet avion que j’avais partagé avec Elia pour aller à Rio me donnait envie de me jeter dans les airs. J’étais tellement épuisé que j’avais même l’impression d’être endormi. Cette sensation ne me quittait pas depuis l’hôpital. Je me sentais complètement mort à l’intérieur, complètement impuissant. J’avais encore du mal à croire tout ce qui s’était passé dernièrement. J’avais même l’impression d’attendre sagement qu’Elia et mon fils réapparaisse devant moi, qu’ils n’étaient pas vraiment… morts. 

Je prenais une grande inspiration avant de m’enfoncer dans mon siège. J’avais la gorge sèche et les yeux humides. Jamais je ne m’étais sentie aussi mal. Je savais que cette douleur n’allait jamais disparaître. En plus, l’idée d’affronter ma famille en rentrant me terrifiait. Je n’avais pas envie qu’on ressente de la pitié pour moi, pour que je me sente encore plus mal après. J’avais envie de disparaître. 

Le jet atterrissait un peu avant dix-huit heures à Acapulco. J’avais l’impression que ce vol avait duré une semaine. J’avais mal à la tête et je n’avais pas la force de me lever de mon siège. J’étais sûr que mon père m’attendait près de la voiture. C’était obligé. Je ne tournais même pas la tête vers le hublot pour vérifier. Je me levais maladroitement en silence, ignorant l’hôtesse qui me demandait si j’avais besoin d’aide. Ce n’étaient pas trois Whisky qui allaient m’handicaper. Je ne l’avais même pas senti passer dans ma gorge en le buvant. 

C’était sans surprise que je voyais mon père debout devant la voiture que conduisait Leonardo. Mon cœur se serrait un peu plus, me rappelant que j’avais la chance lamentable d’être encore en vie. Je descendais au ralenti, essayant de faire le vide dans ma tête pour ne pas penser à ces trois derniers jours. Je ne voulais pas craquer devant lui, même si j’en avais terriblement envie. 

En me plantant devant lui, je retenais ma respiration en voyant ses yeux tristes qui me jaugeaient avec compassion. Il ne bougeait pas d’un centimètre pendant plusieurs secondes, avant de lever les bras. 

- Mon fils. 

Il m’attirait contre lui et je ne résistais pas. Il me serrait dans ses bras pour la première fois depuis mon enfance. La dernière fois qu’il l’avait fait de cette manière, c’était quand je pleurais pour la mort de ma mère dans ma chambre. Ce geste me réconfortait autant qu’il me faisait mal. C’était Elia qui me prenait de cette manière, d’habitude, et elle ne pourra plus jamais le faire. Plus jamais je ne pourrais la toucher, l’embrasser ou la sentir contre moi. 

Je retenais ma respiration en sentant une boule remonter dans ma gorge. Je ne voulais pas craquer. Si je le faisais, j’avais trop peur de ne plus jamais pouvoir m’arrêter. 

MONSIEUR GÓMEZ (TOME 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant