Comme je m'y attendais, un sous-fifre de Bazan m'attend à la sortie du mur d'enceinte du château. Je regarde l'être ignoble qui est venu me chercher. Avec sa tête de souris et ses dents en avant, je le trouve laid à souhait.
— Comment vas-tu Basilique ?
— Mieux que toi, ça, c'est sûr. Il me sourit de toutes ses dents. Tu as beau être sa préférée, ça ne t'épargnera pas aujourd'hui.
Je l'ignore et marche droit devant en direction de la planque de Bazan. Je sais ce qui m'attend et j'y suis préparée, je n'ai pas besoin qu'il me le rappelle et j'ai encore moins besoin d'une escorte. J'allonge mes foulées pour essayer de le semer, mais il fait quelques pas rapides avant de m'imiter. Nous traversons les rues désertes de Requiem. Personne n'ose sortir de nuit, de peur de se faire agresser ou pire. Bazan et ses hommes ont pris possession de ce quartier il y a bien longtemps. Les plus pauvres y vivent et aucun garde n'ose y pénétrer. Ils sont payés assez grassement pour ignorer certaines des actions frauduleuses de Bazan.
Nous arrivons finalement face à la porte de la planque. Le caïd qui la surveille hausse un sourcil et me détaille de haut en bas comme à son habitude. Je me suis changée. Je suis entièrement vêtue de noir et ma cape à capuche cache mes formes, pourtant j'ai l'impression qu'il voit au travers. Je le pousse de l'épaule et pénètre dans la pièce sombre et lugubre qui sert de repère pour tous ceux à la solde de Bazan.
— Aaaaaaah, enfin te voilà ! Je t'ai attendue toute la nuit. Je me suis langui de toi, ma Léo.
Son regard est vicieux, ses yeux oranges me détaillent. Un sourire mauvais éclaire son visage. Sa beauté est violente, source de peur, ce qui est totalement paradoxal. Il paraît avoir à peine la quarantaine, mais je sais qu'il est bien plus vieux que ça. Le démon qui contrôle une partie de la ville et ma vie se lève et s'approche de moi. Il m'attrape les deux joues, je me crispe. Il fait une moue boudeuse.
— Je suis déçu, ma Léo. Tellement déçue. Tu devais venir à 22 heures et qui je vois débarquer avec une heure de retard ? Ton frère. Heureusement qu'il était là pour faire le boulot.
— Je suis désolée, j'ai eu un imprévu...
Bazan retire enfin ses mains de mon visage. Il fronce les sourcils et paraît dépité. Je sais qu'il joue la comédie, c'est ce qu'il fait de mieux. Quand il rouvre les yeux, son regard orange me paraît fou. Il se met à hurler.
— MAIS QU'EST-CE QUI EST PLUS IMPORTANT QUE MOI ? Ne t'ai-je pas aidé quand tu n'avais rien ? N'ai-je pas été bon avec toi ? JE T'AI TROUVÉ UN TRAVAIL.
Sans que je le voie venir, il me met une gifle monumentale sur la joue gauche. Je bascule vers la droite par la force du coup. Alors que j'encaisse la douleur fulgurante qui me vrille la joue et qu'il continue de me hurler dessus, je repense à ce que j'ai fait pour mériter un tel sort. Je regrette tellement d'avoir appris à voler avec Ban à 12 ans. Sans parents nous n'avions rien à nous. Le roi et la reine étaient généreux de nous laisser loger chez eux, mais nous n'avions aucun bien, rien de personnel. Alors bêtement on a décidé de commencer à voler sur la place du marché les bourses bien remplies de riches badauds. L'un de nous deux faisait diversion pendant que l'autre volait l'argent des riches. Je suis devenue experte en petit larcin jusqu'à ce qu'on s'en prenne à la mauvaise personne. Bazan m'a attrapé la main dans le sac. Il nous a proposé un marché. Il ne nous dénoncerait pas aux gardes en échange de quelques services. On avait 12 ans, on était idiots et nous avons accepté. Depuis je rembourse une dette fantôme sans réussir à me défaire de ce monstre sous peine d'être torturé ou pire. Si je ne lui obéit pas, il frappe, mais le plus souvent il s'en prend à Ban, parce qu'il sait que je le vis mal. La dernière fois, il l'a frappé tellement de fois qu'il a eu une côte cassée et un œil au beurre noir pendant des semaines. J'avais essayé de tenir tête au démon, lui expliquant que j'avais plus que remboursé ma dette, il n'a rien voulu entendre. Et je sais qu'il menace Ban de me torturer s'il se rebelle à son tour. Le pire c'est que j'ai réalisé tellement de « missions » illégales qu'il peut me faire tomber quand il le souhaite. Je sais qu'il garde des preuves de chacun de nos crimes. Si je n'étais coupable que de vol, je demanderais à Ban qu'on se dénonce, parce que je ne peux pas vivre une vie comme celle-là ! Mais j'ai commis des actes bien plus répréhensibles que des vols... Je suis un assassin. J'ai commis mon premier meurtre à 15 ans. Bazan m'a spécialement formé et le plus horrible c'est que je suis douée. Je sais tuer de tellement de manière que c'en est risible, à mains nues, avec couteaux, épées, sabres, par empoisonnement et bien d'autres...
— Tu as de la chance que ton frère soit venu te sauver les miches. Parce que le contrat de ce soir était important. Ton frère s'est fait une petite somme rondelette pour ce crime.
C'est bien le seul point positif de ce « travail ». Nous sommes payés. Comme dit Bazan, tout travail mérite salaire. Je sens déjà fleurir un hématome sur ma joue depuis la gifle. Je réfléchis à ce que je pourrais dire à Ombeline pour expliquer ce bleu.
— Elle ne m'écoute même plus, la petite.
Basilique me pousse dans le dos et je trébuche sur Bazan. Il me rattrape par les épaules. Je m'excuse doucement sachant que je ne dois pas l'énerver plus qu'il ne l'est déjà. Pourtant je m'imagine placer mes mains autour de son cou et serrer jusqu'à ne plus en pouvoir. Jusqu'à voir la peau de son visage bleuir et ses lèvres réclamer de l'air que je ne lui offrirai pas.
— Alors, ma jolie, tu veux te rapprocher de moi ?
Il me dégoûte. Son sourire salace me donne envie de vomir. Je devrais le corriger pour cette proposition, mais je sais encore une fois qu'il me le fera payer. Il poursuit :
— Non, non. Désolé Léo, mais tu es comme une fille pour moi. Je ne te baiserai pas.
C'était la réflexion de trop. Je recule vivement et fronce les sourcils avec dégoût.
— Oh, mais j'en suis ravie ! Jamais je ne voudrais que tu me touches.
Je m'attends à une nouvelle explosion de fureur, mais il se met à rire.
— Pourquoi ? Je ne te plais pas ? Pourtant je suis beau comme un dieu, ingénieux, conciliant, éloquent...
— Tu peux rajouter humble à ta liste. Je crache avec sarcasme.
— Oooh, oui humble. Ça me correspond si bien. Comme ces putains d'anges. Aussi humble qu'eux.
Toute l'assemblée rit de sa réflexion. Il y a bon nombre de démons en commençant par Basilique. Je ne comprends pas l'humour dans sa phrase, mais je l'ignore. Bazan m'attrape la main et me fait un baise-main.
— Rentre chez toi. Je te revois dans deux soirs pour ta nouvelle mission. Ne sois pas en retard et n'envoie personne te remplacer cette fois.
Il finit sa phrase en me comprimant la main, c'est un avertissement. Si je merde, il me broiera les doigts. Sur cette dernière menace, je me glisse dans les rues, profitant de l'obscurité de la nuit pour me déplacer telle une ombre.
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Fall out
FantasyIl y a 350 ans le jugement dernier a été rendu. L'enfer s'est déchaîné sur le monde, les anges sont descendus du ciel pour exterminer les pécheurs et ont ouvert les portes de l'enfers afin que les démons détruisent les ruines encore fumantes. Certai...