Un con pris

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Dans une société qui se dit dotée d'humanité et de bienveillance, où l'on prône l'indulgence pour tous, quant est-il véritablement concernant les cons ?

Je fais partie de ce spécimen loin d'être rare. J'emmerde le monde à tour de bras. Et je dois bien admettre que cela occupe le plus clair de mon temps. J'apprécie mettre au défi votre soit disant tolérance. Vous voir rougir de fureur ou répondre à mes agressions par des gestes similaires. Parce que oui, je suis un con qui teste sans vergogne vos dites valeurs. Je suis de ceux que vous détestez profondément, et je vous prie de crois que, d'une certaine façon je m'y applique.

Je vous observe à la loupe, je vous parle avec turbulence, et finalement tente parfois de vous comprendre. Et vous? En faites vous autant me concernant ? Avez-vous déjà songé au fait que mes actes ne puissent pas être dénués de raison, qu'ils pouvaient servir une noble cause ?

Est-il si impensable, que je sois celui qui ne retienne jamais l'ascenseur pour vous faire perdre de précieuses minutes afin de contempler le monde où encore vous forcer à l'exercice pour le bien de votre cœur. Celui qui prend impunément son temps à la caisse pour vous apprendre la patience. Qui lorgne exagérément sur votre femme alors qu'elle porte votre enfant, simplement pour vous rappeler votre chance, quand vous-même oubliez de la regarder. Celui là même qui fait des réflexions aux enfants trop bruyants alors qu'ils jouent sagement à l'air de jeu, dans le seul but de vous rendre plus appréciables à leurs yeux.

Celui qui imite scandaleusement un barjo juste pour passer devant à la pharmacie, car vous oubliez trop facilement que tous les handicaps ne sont pas visibles. Celui qui roule tantôt à 80, tantôt à 170 kilomètres heure sur l'autoroute, en vous éblouissant d'appels de phares pour vous rappeler d'être prudent. Celui qui essuie en retour vos insultes, vos regards emplis de dégout, votre mépris ou même votre indifférence que je sais légitimes.

Au fond n'aimez-vous pas déverser votre colère, votre rage sur ma personne ? Ne vous sentez-vous pas plus léger après nos altercations?

Peut-être que je ne suis qu'un con qui se fait chier à vous rendre la vue, quand votre cécité prend le dessus et opacifie tristement votre monde. Alors avec cette étonnante explication qui tout à coup vous pose question, vos réactions souvent ivres d'intolérance sont-elles remises en question ? Avez-vous déjà seulement envisager qu'un homme puisse agir ainsi dans votre propre intérêt ?

Mais soyons un peu honnêtes, voulez-vous bien ? Il est possible que je ne fasse pas cela uniquement pour vous. Non. Être un con est souvent synonyme d'égoisme. Pas toujours, et pas seulement. Je pourrais admettre que j'aime nos échanges, aussi brutaux soient-ils. Que je ne suis pas forcément capable faire autrement. Que lorsque je souris j'ai l'air d'un con, et qu'alors con pour con autant y aller franchement. Autant chercher votre riposte, et vous pousser à me regarder. Car la solitude est toujours accompagnée de l'absence de tout.

Il est plausible que si je m'esclaffe et siffle les jolies femmes, ce soit pour atténuer le vide abyssale de ma vie. Que je me moque des petits vieux pour oublier qu'un jour, pas si lointain je serai comme eux. Que lorsque j'engueule les marmots des autres c'est parce que les miens me font défaut. Et peut-être que j'urine sur les chiens qui me pissent dessus parce que nous ne sommes que des animaux. Si je m'arme d'un sourire forcé en lisant la pancarte d'un clochard, c'est probablement pour empêcher mes glandes lacrymales de déverser leur liquide salé. Et si j'insulte les hommes bien heureux, c'est parce que jamais je ne pourrais être eux.

Je suis un con, conscient d'en être un, et probablement qu'en bon con qui se respecte j'abandonne toujours pour ne jamais risquer de réussir. Je consomme les pires merdes pour ne jamais décevoir mon palais. Je ris jaune pour être solidaire de mon foie. Je ne vis pas, pour ne pas mourir. Je ne vous regarde jamais trop longtemps pour ne pas voir votre beauté alors que la mienne m'a quitté. Je mens peut-être pour être certain de ce que je dis. Et je dis des conneries pour entretenir ce que je suis.

Vous-êtes vous déjà seulement demandé qui pouvais-je véritablement être, à l'occasion de l'une de nos nombreuses querelles ? Peut-être qu'ailleurs, parfois, je suis différent, bon, courtois et souriant. Les regards et les mots que vous me portez sont-ils indubitablement mérités sous prétexte que je suis un con ? Où est donc passée votre compassion, pourtant si chère à votre cœur ?

Enfin, oui, je sens revenir cette bienveillance et cette humanité en vous. L'aviez vous seulement oubliée? Je vois d'ici vos visages attristés et désolés. Vous vous en voulait un peu, admettez le... Vous vous dites que la prochaine fois, il serait peut-être bien d'être plus clément. La vie des autres est importante à vos yeux, et je le sais bien. Vous n'êtes pas comme cela, non. Ce ne sont que des moments d'égarement, des réponses trop impulsives. Les mots bravent parfois nos lèvres trop rapidement. Et je le comprends parfaitement. Aisément.

Je le comprends parce que les miens me brûlent souvent la langue. Alors je vous en prie, vous pouvez dès maintenant faire disparaitre ce faux air de repentance sur votre visage et par la même occasion votre masque de bonté, cela sera plus respirable. Vous voyez, je suis un con, qui prend soin de vous. Un pour qui l'indulgence et la bienveillance ne sont que foutaises, car elles n'existent pas ou peu. Pas suffisamment pour être un des effets secondaires notable de l'humanité. Je n'ai au grand jamais pensé à vous de cette façon, mes excuses sont imaginaires, comme votre peine pour le con que j'ai inventé.

Personnellement, je pratique la connerie uniquement par ennui. Sans l'ombre d'un doute, cela m'amuse de vous emmerder. Je ne suis pas un menteur. Je vous ai dit ce que j'étais, je n'ai seulement pas spécifié dans quelle case je me rangeais. Alors faites moi disparaitre ces visages artificiels bourrés de prétendus remords à présent offusqués. Vos faux-semblants sont usants, vous savez. Ne vous méprenez pas, je vous ai trouvé très doués. Très convaincants mais les cons qui s'ignorent, seul un vrai con sait les reconnaitre. Au fond, ne sommes nous pas tous le con de quelqu'un? Vous êtes le mien et j'accepte d'être le votre avec plaisir.

Évidemment si nous sommes ainsi c'est bien à cause de nos actes, de nos paroles, nos attitudes et nos choix. Arrêtez donc de remettre la faute sur les autres, c'est digne des cons. Les miens m'ont mené jusqu'ici sur ce banc miteux jonché de fientes de pigeons où je vous regarde passer, en hurlant les grossièretés les plus adaptées, celles qui sauront vous faire frémir de peur ou de colère. Et tranquillement je réceptionne vos réponses agressives. C'est souvent amusant et surprenant de jouer avec vous.

Les bancs publics ne sont pas fait que pour les amoureux. Les bancs c'est aussi et avant tout pour les cons, rappelez-vous en. Et de ceci également : c'est celui qui dit qui l'est.

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