Chapitre 5

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Le regard fixe sur le plafond, je n'arrive pas à dormir. D'ordinaire, je m'endors dès que ma tête touche l'oreiller, mais ce soir, je n'arrête pas de penser au sang. Des centaines et des centaines de litres de sang habitent mes pensées. Des corps blessés et des visages défigurés. Et un putain de Black Bikers en son centre qui me hante de son regard vert sapin.

Je me tourne et me retourne, change de position, me lève pour boire un verre d'eau, allume la télé pour regarder un épisode de série, me rallonge, éteins la lumière et la télé, rallume pour lire un livre, referme le livre, me couche, fixe le plafond, me tourne et me retourne.

Lorsque je regarde mon portable, je vois qu'il est quatre heures du matin et le sommeil est encore loin. Je le sens. Je suis épuisée, mais mon corps est désireux de sortir du lit et s'occuper. Je dois bouger. Il faut que je m'occupe.

Lorsque j'enfile mes écouteurs et mets la musique à fond, je cherche à m'occuper et commence à récurer ma douche. J'y passe une bonne demi-heure, étourdie par l'odeur du vinaigre et de l'eau de javel et ce n'est que lorsque je ne sens plus mes mains que je m'arrête. Je me redresse, les yeux brûlants, et retire mes écouteurs.

Je suis encore plus épuisée, mais lorsque je regarde le carrelage blanc briller, le sang s'efface de mon esprit. J'ai l'impression d'avoir lavé mon âme et ça me fait du bien.

Je me lave les mains avant de repartir dans ma chambre, me rallonge dans le lit et ferme les yeux.

Au bout de dix minutes, je les rouvre. Je n'arrive pas à dormir. Je pousse un long grognement en battant mes pieds dans la couverture et me redresse en tailleur au milieu de mon lit.

Lorsque j'attrape mon crayon et mon bloc-notes, je laisse mon esprit s'évader et je ne réalise que bien trop tard que je suis en train de dessiner l'image qui me hante l'esprit depuis des heures.

Elijah, droit, le regard froid et sombre, au centre d'une mare de sang et de corps avachis sur le sol. Le dessin est tellement exact qu'il me faut de longues secondes pour me ressaisir et refermer brusquement le bloc-notes avant de le jeter dans le vide. Il rebondit sur un des oreillers sur le sol et s'éclate dans un bruit sourd. Comme le bruit de la tête de l'homme contre le banc.

Je fixe le vide sans savoir comment je dois réagir. Je me relève et commence à tourner en rond dans ma chambre. Je ne sais plus quoi faire. Il faut que je m'épuise.

Lorsque j'attrape une corde à sauter, je sais que j'ai touché le fond, mais c'est la seule manière de m'épuiser. Et je saute. Je saute. Saute. Saute. Saute.

Ce n'est qu'en entendant des coups contre ma porte que je m'arrête et sens mon souffle se couper. Je suis essoufflée après mon effort physique, mais c'est surtout ce bruit qui me terrifie et accélère ma respiration.

Tout doucement, j'éteins toutes les lumières et m'approche de la porte pour regarder par le judas. Je ne vois qu'un dos, en premier, puis, la personne se retourne et je reconnais les cheveux blancs. Comme s'il savait que j'étais là, il regarde vers le judas et arque un sourcil.

J'arrête soudainement de respirer, sautant en arrière et pose mes mains sur ma bouche pour m'empêcher de faire le moindre bruit. Il ne doit pas savoir que je suis là, il doit croire que je dors. Je ne peux pas lui ouvrir.

La peur s'insinue dans mes veines. Et s'il venait me tuer parce que j'ai vu ce qu'il avait fait ? Et s'il venait pour me frapper comme eux ? Et s'il était énervé ? Est-ce que mes parents vont bien ?

À cette pensée, je cours vers la fenêtre pour regarder en direction de leur camping-car, mais rien ne semble avoir changé. Il fait nuit, mais je vois d'ici la porte fermée et le calme dans la rue. Ils vont bien ? Et si je les appelais, pour m'en assurer ?

Black Bikers, Tome 4 : La renarde passionnée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant