La plaine fantôme

Chapitre 1 Le réveil

Le corps complètement submergé dans un liquide froid, la jeune femme reprit contact avec la réalité. À mesure que ses sens s'éveillaient, elle sentit la fatigue s'emparer de son être. Elle réalisa ensuite qu'elle recouvrait ses esprits dans un endroit peu orthodoxe.

Confuse, elle ouvrit les yeux, mais elle ne vit qu'une lumière bleutée et éblouissante à travers l'épais fluide dans lequel elle baignait. Sentant qu'elle étouffait, elle leva instinctivement ses bras en essayant de s'agripper à quelque chose. Ses mains se heurtèrent à un rebord. Elle s'y agrippa fermement et extirpa sa tête d'un tombeau rempli d'eau.

En se relevant, elle prit une grande respiration qui apporta un soulagement immédiat à ses poumons asphyxiés. Enfin, la douleur se taisait pour faire place à un état plus stable. Lorsqu'elle reprit le contrôle de son corps, l'amnésique passa ses mains sur ses yeux puis sa vision s'éclaircit.

Elle distingua d'abord le bassin dans lequel elle reposait ainsi que les lumières bleutées qui s'en extirpaient. Où était-elle? Pourquoi elle gisait à cet endroit? L'adolescente ne connaissait pas les réponses à toutes ces questions. Aucun souvenir ne pouvait lui donner une piste sur la raison de sa présence. Pire encore, des souvenirs, elle n'en avait pas. Qui était-elle au juste?

Désemparée, la jeune femme examina les alentours tout en restant assise dans le sarcophage qui accueillait son corps depuis trop longtemps. Doucement, ses paumes caressèrent l'eau qui la recouvrait en faisant de petites vagues. Étrangement, elle appréciait cette sensation qui lui sembla nouvelle.

Puis elle passa ses mains dans ses longs cheveux avant de caresser ses cuisses et de réaliser qu'elle était nue. Curieusement, elle sentit une gêne s'emparer d'elle comme s'il ne fallait pas que son corps soit exposé à la vue. Rapidement, elle tourna la tête en cherchant âmes qui vivent. Mais, elle ne vit rien. Il n'y avait personne. Seulement elle. Le seul bruit qu'elle entendait était le clapotement de l'eau qui suivait ses mouvements.

La jeune femme se leva tranquillement en cherchant un indice lui indiquant l'endroit où elle se situait. Puis, dans sa recherche, elle remarqua une boîte disposée non loin de sa position. Intriguée, l'amnésique l'ouvrit et elle entendit de l'air sortir du petit caisson. À l'intérieur se trouvaient des vêtements. Elle se sécha le corps à l'aide d'un petit linge, puis elle s'habilla. Les apparats lui allaient à ravir comme s'ils avaient été conçus pour elle. Son accoutrement bleuté était ajusté et il lui permettait de se mouvoir aisément.

L'adolescente réfléchit longuement en espérant trouver une réponse à ses nombreuses interrogations. Elle ne se rappelait rien de concret. Même son nom lui était un mystère. Elle se trouvait tout simplement là, dans cette étrange caverne contenant un tombeau magique et des lueurs bleutées sur les murs. L'adolescente aperçut également dans la boite un sac et une cape. Elle prit tout avec elle avant de regarder au loin.

Au bout de la caverne se trouvait une lumière éblouissante. Elle s'en approcha, la vue troublée par l'intense rayonnement. Puis elle sortit de cet étrange endroit. D'un coup, l'air frais entra dans ses poumons et après un certain temps immobile, la jeune femme réussit à ouvrir les yeux. Devant, elle contempla un paysage de rêves. Sous la clarté du soleil se trouvaient d'impressionnantes chaînes de montagnes qui s'étendaient à perte de vue.

Debout sur l'un des grands pics rocailleux, elle observa un lever de soleil sur un monde totalement inconnu. En voyant ce spectacle splendide, un sentiment de légèreté s'empara d'elle. Sans souci ni crainte, l'adolescente contempla un paysage animé par de grands oiseaux parcourant les montagnes et le mouvement de la végétation au loin dansant au gré du vent. La brise faisait voler ses cheveux qui lui chatouillèrent la nuque tandis qu'elle prit une grande respiration comme si c'était la première depuis de longues années. Sereine et confiante, la jeune femme s'engagea dans ce monde nouveau.

Ses muscles semblaient se réveiller d'un long repos. À mesure qu'elle marchait, la jeune femme sentit son corps se délier. Les premières douleurs qu'elle avait ressenties se dissipèrent et lentement, l'adolescente prit plaisir à se mouvoir. Elle sentait une force s'emparer d'elle et elle se mit à courir. Une énergie sans précédent parcourait son être. Elle souriait tandis que ses jambes l'emportaient là où ses yeux se posaient. Sans fatigue ni douleur, l'exploratrice parcourait le monde sans jamais arrêter sa course. Elle descendit le long de la montagne en faisant glisser les cailloux sous ses chaussures. Sur son passage, elle posa sa main sur la mousse qui poussait sur les rochers humides. Cette sensation éveilla les sens de l'adolescente qui s'étonna de la douceur de ces petits organismes. Elle se sentait vivante.

À mesure qu'elle progressait, la végétation s'épaississait autour d'elle. Chaque tournant et chaque saut qu'elle exécutait révélait une nouvelle facette de ce monde magnifique. Puis elle dut s'arrêter. Non pas par manque d'énergie, mais plutôt par émerveillement face à ce paysage animé. Des montagnes d'une hauteur à couper le souffle se dressaient devant elle et une immense vallée pleine de splendeurs s'étendait au loin. Quel monde incroyable s'offrait à ses yeux! Puis, la brise amena un air chaud sur ses joues ainsi qu'un amalgame d'odeurs agréables qui se rendit à son nez. La randonneuse reprit une cadence lente tout en gardant le sourire. Elle se sentait comme un nouveau-né dans un corps d'adolescente. Curieuse, surprise et surtout fascinée par cette expérience, celle d'être vivante.

Toutefois, malgré toutes les beautés du monde qui s'offraient à elle, la jeune femme sentit un désagrément qui la tenaillait de plus en plus, la faim. Elle marcha longuement en espérant trouver de la nourriture qui ferait taire ce mal qui s'éveillait en elle. C'est alors que son regard s'arrêta sur des petites plantes qui prenaient racine à travers le roc. Sous les feuilles vertes se trouvaient des petites sphères rouges. La jeune femme fut invitée par ces étranges structures. Elle en agrippa une et l'écrasa dans sa main. Un petit liquide rougeâtre se répandit sur sa paume accompagné d'une odeur exquise. La jeune femme s'empressa de les mettre dans sa bouche. Un goût rafraichissant s'empara de ses papilles gustatives. D'un coup, elle ne pouvait plus s'arrêter. Le goût sucré la faisait rêver. Son estomac en demanda plus et, à son grand bonheur, ces petits fruits rouges s'étalaient sur le chemin menant jusqu'à la vallée.

Tout en se délectant des baies, la jeune femme regarda les hauts murs de roche qui la cachaient du soleil. Quelle beauté! D'un côté, l'ombre et de l'autre, la clarté. Cela ne cessa d'émerveiller sa personne. Elle resta longuement à cet endroit à simplement vivre. Ce n'est que lorsque sa bouche lui réclama de l'eau qu'elle reprit la route et continua sa longue descente de la montagne. Elle ne savait pas ce qui la poussait vers la vallée, mais elle voulait s'y rendre. La curiosité avait raison de n'importe quelle crainte qu'elle aurait pu avoir.

C'est alors qu'elle entendit un bruit qui l'attira. Un son qu'elle avait déjà entendu. Le claquement de l'eau qui s'écoulait. Elle s'approcha du petit ruisseau et s'y abreuva. Après s'être délectée d'eau fraiche, elle se rendit compte que le soleil avait parcouru une trajectoire en cercle dans le ciel. Il devint très lumineux, puis devint orange. La randonneuse se remit en route, mais il se mit à faire plus froid. Le soleil passa proche de la grande montagne, puis le ciel devint noir. Sa lumière disparut et la jeune femme dut s'arrêter pour la nuit, faute de voir où elle mettait les pieds. C'est alors qu'une crainte s'empara d'elle. La peur que le point lumineux ne revienne pas et que le froid ne s'intensifie jusqu'à devenir insoutenable.

Soudainement des fragments de souvenirs lui apparurent. Ceux-ci lui semblèrent nets bien qu'elle ne saisît pas la nature de ces souvenirs. Une chose était certaine, elle se remémorait le passage des jours. D'un coup, la crainte se tut à mesure que l'aventurière s'adossa contre une roche. Ses yeux fixèrent alors le ciel étoilé avant de devenir lourds. Fatiguée par cette éprouvante journée qu'elle venait de vivre, la jeune femme se couvrit de sa cape pour se tenir au chaud. Avant de tomber dans le sommeil, elle observa le soleil éteint prendre une couleur blanchâtre et puis retourner dans le ciel. Celui-ci éclairait la montagne d'une faible lumière. Sans se poser de question, l'adolescente ferma les yeux et s'endormit.