Chapitre 6 Viejopico partie 4

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Luna regarda l'arbre tandis que les habitants de la tribu commencèrent à se chamailler sur le sujet de la fin du monde. Puis, elle s'avança vers le conifère sous le regard de mépris que lui lançaient les pauvres femmes incapables de donner la vie. L'aventurière mit la main sur l'arbre et flatta son écorce en murmurant:

― Est-ce que tu es là?

Arbol fit le tour du conifère, puis d'un coup, sous une petite lumière blanchâtre, un petit esprit tout rabougri apparut. Celui-ci semblait fatigué et malade comme tous les membres de la tribu.

― Cela fait si longtemps que je n'ai pas vu un esprit fringant, dit l'esprit blanc.

― Je te remercie. Qu'est-ce qui s'est passé? demanda doucement Arbol pour ne pas brusquer l'esprit. Pourquoi es-tu dans cet état? Toi qui n'as pourtant pas atteint un âge vénérable?

Le petit esprit avait de la difficulté à rester présent, mais il réussit tout de même à dire:

― La dégradation. Tout sur cette montagne se dégrade. Je n'ai pas toujours été ainsi.

― Qu'est-ce qui en est des membres de la tribu ? Ont-ils toujours été ainsi?

― Ainsi? Non. Je ne les ai jamais vue beaux comme cette jeune femme, mais il fut un temps où ils étaient plus nombreux et plus robustes. Mais... cet air... elle a eu raison d'eux sur les générations.

Enojada s'approcha de Luna en demandant:

― Que fais-tu? Es-tu folle?

Luna se tourna vers les membres de la tribu qui semblaient si intéressés par cette étrangère. C'est alors qu'elle confessa:

― Je parle aux arbres. Celui-ci a beaucoup à nous apprendre.

Un large sourire montra les quelques dents noires qui restaient dans la bouche d'Enojada. Puis, les membres du village se mirent à rire. Les femmes furent heureuses de voir que la beauté de Luna venait avec la folie et les hommes s'amusèrent simplement de l'état de la jeune femme. Le petit esprit blanc regarda Luna et sourit en disant:

― Dis-lui que Baja ne serait pas fière d'elle.

Luna hésita un instant. Elle observa les horribles personnages se moquer d'elle, puis elle balbutia les mots de l'esprit. Tous se mirent à rire de nouveau, sauf Enojada qui resta sans voix. Elle prit un bâton sur le sol et elle le lança à Luna en criant:

― Ne parle pas de ma mère!

Puis, l'esprit blanc suivit:

― Suspira, la mère de Baja, est la dernière femme aux yeux bleus. Baja est la dernière femme à avoir visité les ruines de l'ancien monde.

Luna répéta les mots de l'esprit, puis Enojada s'effondra au sol, le corps tremblant. Les souvenirs de ses ancêtres l'ébranlèrent jusqu'à faire surgir des larmes. Décontenancés, les autres membres de la tribu restèrent sans voix. Puis, tout en bégayant, la vieille femme demanda :

― Comment sais-tu tout cela? Comment sais-tu tout cela!

La femme criait de colère. Une colère que Luna ne comprenait pas. L'adolescente sentait en elle sa propre frustration, mais elle ne comprenait pas la rage des autres qui pourtant, était interconnectée. C'est alors qu'Arbol lui dit:

― Tu es fâchée d'être la dernière des tiennes. Ils sont en colère de ne pas avoir eu la chance d'avoir la santé dans leur vie. Ils ont toujours vécu ainsi, n'est-ce pas?

L'esprit blanc lui répondit:

― Les pauvres, ils sont si malades depuis leur naissance qu'ils n'arrivent plus à donner naissance eux-mêmes. Ils sont les derniers humains vivants. Ils mourront dans la misère.

La plaine fantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant