Chapitre 8 Bosquexuberante partie 1

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Luna resta longuement devant les symboles jusqu'à ce qu'elle déchiffre le dernier mot. Elle s'éloigna un peu, puis elle s'exclama haut et fort:

― Voilà le résultat, Arbol:

Charte de Valeur

1. Le soleil, il est tout puissant. Il repousse le mal, éclaire nos vies et nourrit la terre. Il doit être bien soigné.

2. La vie, elle est le fondement de l'esprit et de l'être.

3. Le respect des morts, de ceux qui nous ont ouvert la voie et qui ont participé à bâtir ce que nous sommes.

4. La famille, c'est là que la vie commence et que l'amour n'a pas de fin.

5. La communauté, au coeur l'altruisme et du partage.

6. La société, où fleurissent les lois et l'innovation.

7. La balance entre l'égoïsme et l'altruisme, la liberté individuelle et collective.

8. L'individu de chair et de sang, doit être préservé dans son intégrité.

Son compagnon regarda les inscriptions et écouta attentivement. Lorsqu'elle eut terminé, il avoua:

― Tant d'effort de la part de la tribu, seulement pour trouver une charte de valeur.

― Ne dis pas cela, Arbol. C'est fantastique! Les gens qui vivaient ici se pliaient à ces priorités. Le plus grand et le plus puissant, le soleil. Ensuite, la vie elle-même. Les respects des morts, la famille, la communauté, la société, la balance et finalement l'individu. Les huit sacrés. C'est formidable, Arbol! C'est gens, ils avaient complètement raison. C'est l'ordre ultime des valeurs.

L'être spectral resta assis sans ressentir l'enthousiasme de son hôte. Il repensa à ces valeurs, puis il demanda:

― Pour toi, c'est l'ordre exact des valeurs que nous devrions prioriser?

― Exactement!

― Je crois que cela prouve que tu as vécu ici...

La jeune femme resta surprise par les paroles de son ami, puis elle lui demanda:

― En quoi cela est une preuve?

― De mon côté, je ne crois pas qu'il y a un ordre exact de ces valeurs. De plus, il manque la confiance, l'amitié et bien d'autres. Cela te semble une charte évidente, mais pour moi, ce n'est qu'une tentative de mettre en ordre des concepts tous importants.

― Que veux-tu dire? maugréa l'adolescente. Tu ne vois pas que les anciens avaient raison?

― Je n'en suis pas si convaincu. Je crois que ces valeurs t'interpellent parce qu'elles ont été ancrées en toi durant ta jeunesse, dit Arbol en marquant une pause, puis il reprit: Au final, cela ne nous aide pas exactement comme nous le souhaitions. Ils ne parlent en aucun cas de la fin du monde. Nous avons fait toute cette traduction pour rien.

― Ne dis pas cela. Les anciens étaient très sages et ils ont probablement prédit la fin du monde ainsi que la façon de l'arrêter.

Arbol laissa le bénéfice du doute à son hôte, puis il se gratta le menton longuement. Il pensa à la dévotion que Luna vouait aux anciens et à la dévotion que les arbres dévouaient aux leurs. Au fond, ils n'étaient pas si différents. C'est alors qu'il exprima tout fort ce qui mijotait dans son esprit.

― Le soleil, il est tout puissant. Il repousse le mal, éclaire nos vies et nourrit la terre. Il doit être bien soigné. Comment soignons-nous le soleil? L'ancien arbre avait lui aussi parlé de réparer le grand astre. Cela me laisse à croire que du temps des anciens arbres et des anciens humains, le soleil pouvait être restauré. Est-ce que cela signifie que le soleil est malade?

Luna réfléchit un instant et s'assit sur une pierre non loin d'elle, songeuse sur ce que cela signifiait:

― Le soleil ou les soleils? Est-ce une mauvaise traduction de ma part? Les anciens devaient savoir qu'ils y en avaient plusieurs.

― Peut-être ou peut-être pas.

― Dans tous les mondes que nous avons vus, nul soleil n'était apte à repousser le mal soit, les fantômes.

― C'est exact.

― Mais il y a quelque chose que je ne comprends vraiment pas. Comment l'on pourrait réparer un soleil puisqu'ils sont si hauts dans le ciel!

― Selon les mots de l'ancien arbre, les humains au-delà de la fin du monde ont fait quelque chose aux soleils. Ou plutôt, ils n'ont peut-être rien fait. Est-ce possible que les humains soient les gardiens du soleil et qu'ils n'aient pas pu répondre à la tâche? Dans ce cas, pourquoi n'ont-ils pas réparé les soleils comme ils le devaient? Qu'est-ce qui s'est passé ici? Pourquoi ne sont-ils... plus là? S'ils avaient été si sages et si advenant, ils auraient dû prévoir ce moment avant qu'il n'ait lieu. Ils... Ils seraient là, près de nous et nous ne serions pas dans ce pétrin. Qu'est-ce qui est arrivé aux humains? Comment ont-ils passé de cette grande cité à des huttes au-dessus d'une montagne irrespirable? Les réponses ne font qu'amener plus de questions.

Arbol se laissa enfin tomber sur une roche lorsqu'il s'aperçut que la lumière faisait place à l'ombre. Il leva les yeux, puis il aperçut une forme diffuse s'érigeant jusqu'au ciel.

― Luna, bégaya l'être spectral.

Toutefois, il n'eut pas à répéter. L'aventurière regarda le monstre et son cœur s'arrêta de battre l'instant d'un moment.

― Je l'avais oublié, dit-elle.

― La... La grande bouche.

Le monstre était enfin arrivé dans la cité en ruine.

L'aventurière se pencha et s'immobilisa, son coeur ne battait plus. Chaque seconde semblait prendre une éternité et son corps bouillonnait d'une chaleur soudaine. Les mains devenues moites et la mâchoire tremblante, Luna fit signe à Arbol de se pencher. Cependant, l'esprit n'avait pas peur d'être aperçu. Il s'éloigna du mur et fixa avec horreur le terrible monstre qui se dressait devant lui. La grande bouche scruta chaque parcelle de la ruine en espérant y trouver un repas à engouffrer. L'exploratrice regarda l'être spectral en souhaitant qu'il agisse, mais il resta là. Alors, sans crier gare, l'aventurière se déplaça le long du mur afin de s'éloigner du monstre. Lorsqu'elle fut assez loin d'Arbol, la ligne qui reliait les deux êtres tira l'esprit qui se mit à flotter. C'est à ce moment qu'Arbol se rappela qu'il devait tout faire pour que son hôte reste vivante, sinon, lui-même allait mourir.

― Luna, tu dois fuir!

Cela, l'adolescente le savait très bien. Tous ses sens étaient alertés et elle retint son souffle à mesure qu'elle s'éloignait lentement de la bête. C'est alors que la grande bouche avança sa tête. Luna put l'apercevoir l'instant d'un moment, mais elle se dépêcha à passer derrière un autre mur. Elle se mit alors à courir en pensant pouvoir remporter sur la vitesse. Le lien reliant Arbol à son hôte tira l'esprit dans les airs qui la suivit sans effort. C'est ensuite que le monstre prit la même direction que sa proie. Il tourna le coin de mur et Arbol s'écria:

― Cache-toi!

Luna se jeta derrière un petit muret au centre de la grande rue. Inquiète et stressée, l'aventurière agrippa le gazon avec ses mains et le serra très fort. Elle avait si peur que la grande bouche la trouve. Puis, après une courte attente, les jambes du monstre passèrent au-dessus de l'aventurière et la créature continua son chemin sans remarquer la présence de sa proie. Luna resta sans voix, car le monstre était colossal. Chacun de ses pas faisait trembler le sol. Pendant l'espace d'un moment, la jeune femme crut qu'elle allait s'en tirer, mais le prédateur ne se rendit pas très loin avant de se mettre à chercher. Arbol tapota aussitôt l'épaule de son hôte et il lui cria:

― Il faut absolument partir d'ici. Lève-toi!

La plaine fantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant