Chapitre 2 Arbol partie 1

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À son réveil, la jeune femme s'étira. La boule blanche était redevenue orange et un autre jour commençait. C'est alors que plusieurs souvenirs firent surface. La parole commença à lui revenir et elle remua les lèvres en prononçant les premiers mots qui lui vinrent en tête.

― Beauté, vivante, aventure, soleil, montagne, l'air. Les mots, je me souviens. Mon nom est... Mon nom est...

Un peu désemparée, elle dut s'avouer à elle-même :

― Je ne me souviens pas.

La jeune femme regarda le ciel pendant l'espace d'un instant. Son nom était au bout de ses lèvres! Elle leva ses mains dans les airs et elle dit:

― Luna. Je me nomme Luna. Maintenant, ça me revient.

Heureuse de cette révélation, l'adolescente se coucha sur la mousse et laissa la chaleur du soleil la dorloter. Elle sentait une légère brise qui lui apportait des odeurs agréables. Prise par la faim, Luna trouva des petites baies qu'elle dévora rapidement avant de reprendre sa descente de la montagne. À mesure qu'elle avançait, elle sentit la fatigue se dissiper pour faire place à une folle énergie qu'elle ne pouvait contenir. Les pas s'enchaînèrent l'amenant toujours plus loin et toujours plus bas. Derrière chaque magnifique paysage se trouvait toujours un autre panorama tout aussi saisissant. À tout instant, elle leva les yeux pour y apercevoir la splendeur des grands monts qui l'entouraient. Ce monde dans lequel elle existait était si magnifique. Pourtant, il y avait quelque chose d'incongru. Un sentiment étrange s'emparait de la jeune femme à mesure que son cerveau s'éveillait.

D'où venait-elle? Que faisait-elle? Qui était-elle? Qu'est-ce qu'était le monde? Pourquoi était le monde? Était-ce qu'un rêve? Pourquoi vivait-elle? Quel était le sens de tout cela? De toutes les façons dont aurait pu être le monde, pourquoi était-il fait ainsi? Toutes ces questions la forcèrent à s'arrêter. En elle, un grand vide grandissait à mesure qu'elle réalisait son insignifiance et son ignorance face à ce monde gigantesque et inconnu. D'un mouvement rapide de la tête, elle chassa ces pensées de son esprit, en laissant l'appel de la vallée prendre le dessus. Il ne servait à rien de se tracasser avec toutes ces réflexions. Tout ce qui l'importait, c'était le besoin de découvrir ce qui se cachait plus bas.

L'exploratrice se remit en marche et lorsque la faim fit surface, elle mangea des petits fruits non loin d'elle. Lorsque la soif se présenta, elle s'abreuvera aux maigres cours d'eau. Lorsque le froid s'installa, elle s'emmitoufla dans sa cape. Ce simple rituel la tenait vivante, mais cela ne suffisait plus à son bonheur. Elle devait savoir, elle devait voir. Toutes sortes d'idées lui parcouraient la tête. Tellement de questions sur ce qui l'entourait la tourmentaient.

Puis, il y avait cette obsession. Cette question primordiale à laquelle elle devait à tout prix répondre. Que se trouvait-il plus loin encore? Il n'y avait qu'une seule façon de répondre à ce questionnement intérieur, continuer de descendre la montagne sans relâche. Passant sur des chemins parfois doux, parfois escarpés, de petits lacs d'eau en petits lacs d'eau, Luna se dirigea vers le pied de la montagne qui semblait inatteignable comme s'il s'éloignait à mesure qu'elle s'approchait. C'est alors que la jeune femme regarda derrière elle, le sommet du mont où elle s'était éveillée semblait toujours aussi près. Pourtant, Luna savait qu'elle avait fait du chemin.

C'est alors qu'elle remarqua que la végétation se condensait en des arbustes toujours plus grands les uns que les autres offrant ainsi une variété plus abondante de succulents petits fruits colorés. Luna s'engouffrait dans un paradis pour les papilles gustatives. Elle dégusta chaque fruit en étudiant scrupuleusement le goût et la texture.

La sphère dans le ciel passa de nouveau d'une couleur blanchâtre à une couleur orangée. Il se mit à faire de plus en plus froid. Alors, l'adolescente en profita pour s'arrêter et se mettre en boule dans sa cape. Elle se garda au chaud et observa le soleil orange s'éteindre, puis devenir une faible couleur blanche avant de repartir dans le ciel noir. Puis, petit à petit, le soleil devint plus sombre et finit par disparaitre. Cependant, Luna ne put s'en rendre compte, car elle s'était endormie au pied d'un arbre.

Ce n'est que plus tard, lorsque la lumière revint, timide et légère, que Luna se réveilla à cause d'un léger contact avec de l'eau. Il y eut une goutte, puis une deuxième et puis rapidement, il fut impossible de les compter. La jeune femme ouvrit les yeux et aperçut la pluie qui lui tombait dessus. Elle qui ne connaissait rien, elle se mit à se poser plusieurs questions. D'où venait toute cette eau? Est-ce que ce phénomène allait se terminer? Avait-elle provoqué tout ceci? Elle ne le savait pas. Elle ne savait rien. Elle ne se rappelait de rien.

― J'ai froid...

Le vent se leva et les bourrasques amenèrent un inconfort intolérable. Par réflexe, Luna se recroquevilla sur elle-même, tandis que des larmes coulaient de ses yeux. Elle souffrait et elle ne comprenait pas pourquoi elle vivait ce supplice. Elle vint même à se demander si ce phénomène n'était pas un retour du pendule. La joie qu'elle avait éprouvée devait résulter en une grande tristesse.

C'est alors qu'un éclair parcourut le ciel en émettant un bruit sourd qui résonna dans la montagne. Le coeur de Luna rata un battement, puis elle se recroquevilla de peur. Ensuite, il y eut un deuxième éclair, puis un autre. Chaque fois que le tonnerre retentit, Luna sentit son être se figer par la crainte que ce soit la fin. Puis, soudainement, un flash éblouit l'adolescente et un son assourdissant eut lieu. Luna perdit temporairement son ouïe et sa vue. La respiration rapide, la jeune femme se mit à paniquer. Qu'est-ce qui se passait? Venait-elle de vivre sa fin? La pluie toujours battante sur ses épaules, les mains sur les yeux, Luna finit par apercevoir une forme lumineuse devant elle. Le décor s'éclaircit lentement, puis elle remarqua que celui-ci avait grandement changé. Un arbre solitaire à quelque pas d'elle se faisait dévorer par des flammes. Immobile, les yeux fixés sur le brasier, Luna reprenait peu à peu le contrôle d'elle-même. La peur s'estompa pour faire place à une attirance ardente vers l'incendie. Invitée par la balade dansante d'une lumière qui consommait le bois, Luna s'approcha. La chaleur qu'elle dégageait réchauffa les mains de la jeune femme. Toutefois, l'aventurière ne sut quoi penser de ce qu'elle voyait. D'un côté, les flammes lui apportaient chaleur et réconfort, de l'autre, l'arbre sur lequel l'éclair s'était abattu était craquelé et passait de l'état d'écorce à la cendre. Luna fut à la fois émerveillée et déconcertée. C'est alors qu'elle entendit une voix apeurée et anxieuse dans sa tête:

― Aide-moi!

D'où provenait cette voix étrangère qui se mêlait à ses pensées? Il n'y avait pourtant personne dans les alentours pour inciter cet étrange phénomène.

― Je meurs! Aide-moi! Laisse-moi une place! Sauve-moi, je t'en prie!

― Qu'est-ce qui se passe? se demanda Luna, intriguée par cet appel à l'aide.

― Nous n'avons pas de temps à perdre! rétorqua la voix tremblante de peur et de douleur. Sauve-moi! Accepte-moi dans ta tête! Je t'en prie! Je ne suis pas prêt à mourir! Sauve-moi, humble créature!

Comprenant que la voix s'adressait à sa personne, Luna fut décontenancée. Elle prit du recul et regarda les alentours. Il n'y avait pourtant personne.

― Ne perds pas de temps! Je me sens mourir! reprit la voix terrifiée.

― Que dois-je faire? demanda Luna sous le choc.

― Accepte-moi! Connecte-toi à moi. Touche le bout de mon écorce et accepte ma présence! Je t'en prie!

Confuse, Luna ne savait pas ce qu'elle devait faire. Cet être inconnu semblait avoir si peur. Le temps était compté, elle devait agir. Toutefois, elle ne comprenait pas ce qui se passait et ne pouvait aucunement évaluer s'il était sage de suivre impunément les mystérieuses instructions qui s'imposaient dans son esprit. Elle regarda de nouveau autour d'elle et, dans l'urgence, décida de simplement obéir à cette voix qui s'était invitée dans sa tête. 

La plaine fantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant