Caballo faillit perdre pied en évitant deux fantômes avant d'aboutir à un troisième. Il ne pouvait pas prendre toute sa vitesse. Il devait éviter puis courir le plus vite qu'il pouvait avant d'éviter de nouveau. Cette cadence allait au-delà de ses capacités. Il sentait que son coeur n'en pouvait plus. Malgré l'air froid de la plaine, le cheval sentait la chaleur altérer ses sens. Les distances devinrent plus dures à juger. Il s'approcha de trop près d'un agent de la mort et il fit un mouvement d'évitement trop d'avance. Il n'était plus en mesure de tromper les fantômes à cause de ses réflexes devenus trop lents.
C'est alors qu'il regarda l'arbre, puis il fonça. L'évitement devint secondaire. Il fonça droit vers son objectif. Il n'y avait plus de détour. Il savait qu'il lui restait juste assez d'énergie pour se rendre. Il ne pouvait plus soutenir aucune mascarade. Il devait galoper. Il devait se rendre. Il accepta alors le risque que cette stratégie impliquait. Puis, ce qui devait arriver arriva. Luna se mit à crier et elle ferma les yeux tandis que Caballo passa trop près de deux fantômes qui lui lacérèrent le poitrail.
De grandes marques blanches apparurent sur son ventre et sur son cou. Le sang ne s'irrigua plus à ces endroits. Ces blessures minèrent sa volonté d'atteindre son objectif. Il sentait qu'il avait fait un mauvais choix. Il n'aurait pas dû faire confiance à son amie. Lui aussi avait été aveuglé par la curiosité et la volonté de sauver les mondes. Rapidement, le corps de Caballo fut couvert de marque blanche. La vie lui était retirée petit à petit par les fantômes qui se délectèrent de sa négligence. La respiration forte, les muscles brûlants et une sensation d'étouffement dans ses poumons, Caballo écouta les cris de panique de sa cavalière qui résonnaient dans ses oreilles. Pour elle, il poussa la cadence en sachant pertinemment qu'il s'agissait de la dernière course de sa vie. Sa dernière chance de faire une différence dans ce bas monde.
Pendant un instant, tout se passa au ralenti. Pour Caballo, sa course dura une éternité, mais enfin, il y arrivait. L'arbre n'était qu'à quelques pas. Affolé, Luna lui commanda:
― À gauche Caballo! À gauche!
Il n'entendit que le battement de son coeur dans ses oreilles et les ordres de l'exploratrice lui parurent comme des murmures. Il ne tourna pas, ce qui le mena droit sur des fantômes qui marquèrent son corps à jamais d'un pelage blanc. Le cheval commença à perdre pied. Il allait vers la gauche, puis vers la droite. À tout moment il risquait d'éjecter sa passagère. Il ralentit un peu, mais ce ne fut pas assez pour l'empêcher de s'emmêler les pattes et de tomber par terre en produisant un vacarme et une nuée de poussières.
Luna fut projetée au sol au même moment et, dans sa chute, la jeune femme se fracassa le bras. La douleur parcourut des doigts jusqu'à l'épaule. Toutefois, malgré la souffrance, l'aventurière se releva immédiatement. Elle savait que les fantômes pouvaient l'attraper à tout moment. Sans attendre, la jeune femme s'approcha de son cheval et le tira par la crinière.
― Debout Caballo!
Sa monture essaya de se lever, mais il perdit pied et retomba.
― Non! Lève-toi, exigea Luna en crise.
Son destrier fit un deuxième effort et, avec difficulté et une volonté de fer, il se remit sur pieds. Sans attendre, la cavalière prit moins d'une seconde pour agripper la crinière et se relancer sur le dos de sa monture. Le cheval releva ses fesses avant d'être attrapé par un fantôme. L'une de ses jambes arrière lâcha prise. Luna débarqua immédiatement et aperçu le fantôme se tenant juste là devant elle.
―Non! Caballo! On sort d'ici! Allez!
L'exploratrice tira le plus fort qu'elle put sur la tête de son cheval pour le pousser à avancer, mais il ne bougea pas. Le fantôme continua à enlever la vie de sa jambe et sa malédiction s'empara peu à peu de son second membre. La pauvre âme tira son corps avec ses pattes avant, mais il était trop lourd.
― Luna! Il faut partir! cria Arbol.
― Pas sans lui!
― Luna! Ils sont là!
Autour d'elle, à gauche à droite derrière et devant. Elle était cernée si près du but. Ses oreilles bourdonnèrent entre les hennissements du cheval, les demandes d'Arbol et les cris dans sa tête. Elle devait agir maintenant ou mourir. C'était un choix immédiat! Maintenant! Elle courut en direction d'Arbol en laissant le fantôme glisser leurs doigts dans l'âme même du cheval. Dévorer par les agents de la mort, son pelage blanchit et sa respiration s'arrêta en même temps que son coeur. Caballo venait de perdre la vie, laissant ainsi Luna dans une fâcheuse position. Les ombres se trouvaient ici et là.
Piégée, elle ne pouvait plus s'en sortir. Elle allait mourir en échouant. Si près du but, elle pouvait même toucher l'arbre. Elle était rendue à son objectif et pourtant elle était encore toujours si loin. La plaine fantôme allait avoir raison d'elle. À moins qu'Arbol, attentif, ne voit quelque chose qui lui avait échappé. Une brèche dans la formation des fantômes. Mais, il fit encore mieux. Courant devant elle en évitant les fantômes, Arbol se jeta aux pieds des racines de l'immense arbre et passa sous le couvert d'une porte encastrée sous l'être ancien. Sans hésiter, l'aventurière plongea dans ce trou sombre et peu rassurant.
Elle n'y voyait rien à l'exception d'une petite lueur au fond d'une salle dont elle ne saurait distinguer la grandeur. Derrière, les mangeurs d'âme suivaient leur proie dans ce qui semblait être le temple qu'elle convoitait visiter. Malgré l'exploit d'être parvenue enfin à destination, aucun sentiment de victoire n'émergea puisqu'elle constatât qu'elle s'engageait dans un piège meurtrier. Une voie sans issue qui la rendait vulnérable aux plus effroyables créatures que la nature pouvait offrir. L'endroit idéal pour s'assurer de ne jamais revenir vivante.
En s'approchant de la lueur jaunâtre, la condamnée remarqua les racines de l'arbre qui s'incrustait du plafond jusqu'aux murs du temple. Quel endroit étrange qu'elle n'aurait point le temps de visiter! L'exploratrice finit par se tourner pour voir la progression de ses adversaires, puis elle s'arrêta. Ils étaient plusieurs dizaines sur le seuil de l'entrée. Ils ne bougeaient pas. Ils attendaient. La jeune femme arqua les sourcils et regarda autour d'elle. Que pouvaient effrayer des êtres sans chairs?
C'est alors que la source de la lueur attira son attention. En s'y approchant, elle y découvrit un liquide coloré et visqueux dont elle ne pouvait détourner le regard. Puis, d'un coup, Arbol lâcha un petit cri. La jeune femme se tourna immédiatement en s'attendant au pire. Toutefois, elle resta surprise d'apercevoir un immense êtres spectral tout blanc. Celui-ci la regarda droit dans les yeux et lui dit d'un air dubitatif:
― Une humaine?
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La plaine fantôme
FantasyÀ son réveil, Luna apprend qu'elle est la dernière humaine sur terre. Accompagnée par l'esprit d'un arbre, elle contemple un monde qui s'effrite et meurt. Arrivée au crépuscule des temps, elle doit affronter les obstacles qui se dressent sur son che...