Chapitre 14 Libellulas Partie 1

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Dans l'étrange monde rouge, l'air était morose. Les arbres morts restaient debout, mais d'un simple mouvement de la main, Luna était en mesure de les faire tomber. Arbol les regarda avec tristesse, car ce fut autrefois des végétaux matures dotés probablement d'une grande sagesse. Les fantômes avaient réussi à attraper chaque esprit abritant cette portion de la forêt ternissant ainsi le paysage d'un sol recouvert de feuilles mortes. Le temps avait eu raison de la couleur de la chlorophylle, mais pour une raison inconnue, celles-ci ne s'étaient pas décomposées. Luna en attrapa quelques-unes qui se transformèrent aussitôt en poussière. Ce qu'elle voyait n'était que le vestige d'un temps passé. Aussitôt, la conscience de l'exploratrice se remit à l'oeuvre et la protégea en la poussant dans le déni. Elle ne voulait pas croire que ce qui se produisait là, était la suite des événements pour le reste des mondes.

C'est alors que la jeune femme les aperçut au loin, les fantômes. L'aventurière fit de son mieux pour rester à l'écart. Elle s'éloigna le plus loin possible de ces êtres en essayant de traverser ce monde sinistre sans se faire voir.

Le cœur battant, les lèvres pincées, les mains moites, l'exploratrice contournait ou enjambait la végétation silencieuse, jusqu'à ce que le piège se referme sur elle. Derrière, à droite, à gauche et devant, les mangeurs d'âme semblaient se multiplier. Tous faisant face vers le monde d'Arbol, ils continuaient leur lente marche destructrice.

Luna s'arrêta et retint son souffle le temps de déterminer un trajet qui lui permettrait de passer incognito. Lentement, elle sillonna le vaste terrain en se soustrayant de leur attention.

La jeune femme espérait avec ferveur de traverser ce monde le plus vite possible, bien qu'elle sût que ce fardeau durerait longtemps. Les mondes étaient relativement grands et elle n'était qu'au début de celui-ci. La route allait être longue, mais Luna garda espoir, bien que son coeur lui suppliait de quitter ce lieu sordide.

Tout de même, elle réussit à se frayer un chemin jusqu'à un arbre vivant. Elle avança davantage et en aperçut un autre, puis un autre. Peu à peu, la végétation grandissait jusqu'au moment où le nombre de cadavres égalait le nombre de vivants. Ceci encouragea l'aventurière, heureuse de voir que la vie tenait bon. Ce monde n'était pas encore perdu.

C'est à ce moment qu'elle se mit à voir des cadavres de petits animaux au sol. Malheureusement, plusieurs n'avaient pas eu la chance de prendre la fuite. Luna ne s'en soucia pas longtemps. Elle se concentra à avancer dans ce monde obscur. Toutefois, le sommeil la rattrapa rapidement et elle dût faire une sieste dans cet endroit infesté de fantôme.

― Je dois m'arrêter...

― J'espérais que tu sois en mesure de marcher plus longtemps, répondit son compagnon.

― Si je ne prends pas le temps de m'arrêter, je ne serais pas en mesure de courir à ma pleine capacité si un fantôme me voit.

― Si tu restes immobile et inconsciente, un fantôme risque de te voir et t'attraper avant même que tu ne commences à courir.

― C'est pour ça que je compte sur toi.

― Sur moi?

― Tu n'as pas besoin de dormir, n'est-ce pas?

― En effet.

― Alors, veille sur moi.

― Tu vas me laisser là? Seul?

― Tu n'es pas seul, Arbol. Je suis là, près de toi. Seulement inconsciente.

― Ce n'est pas rassurant.

― Nous n'avons pas le choix.

Arbol soupira, car il n'aimait pas cette idée. Toutefois, il accepta tout de même le choix de son hôte. Il l'observa s'endormir, puis il regarda autour de lui. Rapidement, il se mit à imaginer le pire. Il se cacha, car il savait que les fantômes étaient en mesure de le voir. Puis, il scruta les alentours, à la recherche des agents de la mort. Ceci ne fut pas la meilleure nuit pour l'être spectral. Ce ne le fut pas non plus pour Luna qui dormit que très peu. Cependant, elle réussit tant bien que mal à se rendre sans encombre au lendemain matin. Lorsqu'elle se réveilla, l'aventurière remarqua qu'un grand brouillard s'était levé sur ce monde qui avait perdu son air rougeâtre et pourtant, n'en était pas moins sinistre.

L'humidité pénétra dans les vêtements de la jeune femme lui procurant un grand inconfort. Après quelques enjambés, elle remarqua que le sol était couvert de gouttelettes d'eau. Chaque pas déplaçait une quantité d'eau et en peu de temps, ses souliers devinrent complètement mouillés. C'est alors que la randonneuse remarqua les champignons qui poussaient à la cime de presque tous les arbres. Des liasses de lichens pendaient des branches et envahissaient la plupart des troncs.

Puis d'un coup, le pas de Luna s'enfonça un peu dans le sol mou. La jeune femme eut immédiatement le réflexe de pousser un petit cri de colère, puis elle se rattrapa sur l'arbre à ses côtés. L'arbre se recula sous son poids avant de l'attraper par le bras. Luna resta complètement surprise, car elle ne comprit pas immédiatement ce qui se passait.

Elle leva alors les yeux et elle remarqua que le tronc avait un visage et une bouche pleine de dents acérées. Vraisemblablement, ce n'était pas du tout un arbre, mais plutôt une affreuse créature. De ses doigts démesurément longs, le monstre tira la jeune femme par le bras. L'aventurière se débattit et parvint à se défaire de l'étreinte de l'abomination. Aussitôt, elle se jeta en arrière et se mit à courir. Le monstre réagit aussitôt et se mit à la poursuivre en émettant un hurlement s'approchant d'un rire macabre.

Grâce à sa grande taille la créature ne fit que quelques enjambées pour rattraper la jeune femme. Heureusement, l'aventurière réussit à passer entre deux arbres et à lui échapper temporairement, mais tout près, une autre de ces abominations grises s'approcha en courant. Celle-ci, Luna ne réussit pas à l'éviter. Le prédateur l'attrapa de ses longs doigts et la fit tomber au sol. Le premier monstre vint la rejoindre et aida à l'immobiliser. Lorsque la première créature eut d'assez bons points d'appui, elle tira Luna sur le sol. Complètement prise au piège, la jeune femme fut trainée dans la forêt.

― Aide-moi, Arbol! cria Luna.

― Je ne peux rien faire, dit son compagnon forcé de la suivre. Je ne vois rien autour de nous qui pourrait nous venir en aide. Je ne sais pas quoi faire.

― Aidez-moi! Je t'en prie.

― Je ne sais pas quoi faire, Luna. Je ne sais pas. Je ne veux pas mourir.

― Aide-moi.

― Je suis désolé, Luna.

Totalement désemparé, Arbol ne fut pas en état d'aider qui que ce soit. Il resta sous le choc et suivit les monstres qui se dirigeaient décidément vers un endroit qui lui était alors inconnu. Tout ce temps, Luna essaya de se défaire de l'emprise des monstres en forçant et en se tortillant, mais il n'y avait rien à faire. Ils la tenaient fermement. Elle cria, elle se débattit, mais l'étreinte du monstre était trop forte. Impuissante, la victime ne put qu'observer son trajet dans cette forêt humide. C'est alors qu'elle réussit à attraper une racine. Elle la tint fermement, mais le deuxième monstre s'approcha d'elle et lui écrasa les doigts. Luna cria de douleur, puis elle relâcha son étreinte. C'est ainsi que son pénible périple dans la forêt continua. Complètement détrempée, le corps endolori par le frottement sur le sol, l'exploratrice arriva à un lieu cauchemardesque. Des cages en bois et des pièges suspendus en corde jonchaient sur un campement de ces horribles monstres. Il y avait une dizaine de ces créatures dans le lieu de rassemblement.

La plaine fantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant