À peine après avoir mis les pieds dans la vaste vallée bondée de verdures, Luna s'extasia à la vue des merveilleux flancs enneigés qui dominaient de part et d'autre son chemin. Elle se sentait si petite à côté de ces pans gigantesques. Pourtant, du point où elle se situait, elle voyait une inclinaison descendante prononcée, ce qui lui indiquait qu'elle se trouvait toujours très haute dans les montagnes. Au-delà de la vallée, elle pouvait apercevoir la terre sur une distance surprenante.
― Que c'est beau, admit-elle.
― Je confirme.
― Je me sens si grande. Reine au-dessus du globe.
Arbol sentit l'enthousiasme de Luna et il trouva cela très rafraichissant. Mais, soudainement, sa compagne ressentit un grand vide étrange. Un vide qu'il n'avait jamais ressenti auparavant et qui semblait propre à son hôte. Il la regarda et remarqua que son visage avait changé avant qu'elle ne dise:
― Il doit y avoir quelqu'un comme moi dans tout ce vaste monde.
Ressentant cette étrange sensation de solitude, Arbol compatit avec son hôte. La créature mi-arbre mi-humaine mit sa main sur l'épaule de l'aventurière en lui murmurant, dans l'espoir de lever ce doute une bonne fois pour tout, ces quelques mots:
― Sans doute, Luna. Sans doute...
Il tapota l'épaule de la jeune femme, puis l'esprit fit signe d'avancer vers cette vallée enchanteresse. C'est alors que Luna remarqua que le flanc de montagne le plus éloigné qu'elle pouvait apercevoir se couvrait d'une couche bleutée. Un rideau qui l'empêchait de voir plus loin. Pendant un instant, Luna pensa que sans ce rideau bleu, elle pourrait apercevoir la limite du monde. Elle continua à contempler les alentours tout en descendant. Derrière elle, le petit temple dans lequel elle s'était réveillée avait complètement disparu. Cela lui indiquait qu'elle avançait. Pourtant, la plaine semblait s'éloigner d'elle et s'agrandir. Ce qui semblait être une petite plaine se révéla être immense. Cet effet de perspectives impressionna Luna. Ce qui lui semblait si petit du haut des monts se révéla démesurément plus grand qu'elle ne le pensait. C'est alors qu'elle regarda la jonction entre le ciel et le voile bleuté au loin. Peut-être était-ce simplement la limite du monde. Il n'y avait possiblement rien derrière. Cette pensée lui donna froid dans le dos. Instinctivement, elle pointa le rideau bleu et elle posa la question à son ami :
― Cette barrière bleue, est-ce le bout du monde?
Sans même réfléchir, Arbol avoua :
― Certainement. Le monde n'est pas sans fin. Il y a une limite à tout. Ce pour quoi je suis resté surpris lorsque tu as dit que tu étais la reine du globe. C'est une drôle de façon de décrire le monde. Mais, je n'ai pas senti le besoin de te le faire remarquer parce que tu étais si heureuse à ce moment. Peut-être que tu pensais que la terre était sphérique puisque le soleil forme un arc au-dessus de notre tête.
Luna réfléchit un instant. Pourquoi avoir nommé le monde de cette façon puisque rien n'indiquait la forme d'un globe. Toutefois, un souvenir enfoui l'avait poussé à utiliser cette appellation. Au même moment, Arbol sentit un combat naître dans le cœur de son hôte entre ce qu'elle savait et ce qu'elle croyait savoir. Impuissant, l'esprit espéra que cela allait lui passer. Au contraire, Luna se doutait qu'elle allait continuer d'être tourmentée encore longtemps par son passé inconnu.
Puis, pendant sa descente, Luna croisa de nouveau quelques arbres. Lorsqu'elle arriva à quelque pas d'eux, des esprits comme Arbol apparurent. Elle les salua et ils la saluèrent en retour. Elle en croisa des centaines avant d'enfin mettre les pieds sur le plateau qui s'étalait dorénavant à perte de vue. L'air était devenu plus chaud à cette hauteur et les bourrasques de vent qui fouettaient le visage de Luna ne purent l'empêcher de sourire.
À la suite d'une longue marche sur le plateau, le duo distingua au loin des formes qui bougeaient rapidement comme Luna le faisait. Lorsque Arbol les aperçut, il se tourna vers un arbre non loin d'eux et s'adressa à celui-ci.
― Est-ce les formes qui bougent rapidement dont nous avons si souvent entendu parler?
― Oui, elle bouge très vite, dit l'arbre.
Satisfait, Arbol fit un signe à Luna de le suivre comme si elle ne voyait pas la destination. Cependant, à mesure qu'elle s'approchait, elle se rendit compte que quelque chose n'allait pas. Les formes se tenaient à quatre pattes et elle marchait la tête baissée. Bien avant qu'Arbol ne s'en rende compte, Luna remarqua que ceux-ci ne possédaient que très peu de caractères pouvant être associés aux humains. Elle soupira, puis elle lui révéla:
― Nous avons fait tout ce chemin pour rien. Ils ne sont pas comme moi!
― En es-tu sûr? Allons voir de plus près, reprit Arbol.
Luna pencha la tête et son désarroi fit place à la moquerie. Comment Arbol ne pouvait-il pas voir la différence flagrante entre elle et ces animaux? Le duo s'approcha des formes et finalement, Arbol avoua un peu honteux:
― Je crois que tu as raison. Il y a quelques différences. Peu nombreuses par contre. Un cousin?
― Voyons Arbol, je me rappelle ce que c'est. Nous appelons cela des chevaux. Ils ne sont pas du tout comme moi.
― Pourtant, ils ont un air de ressemblance. Il mange par une bouche, ils ont deux yeux, un nez et des oreilles. Ils ont du poil sur le corps et tu en as sur la tête...
Puis, les yeux d'Arbol s'illuminèrent lorsqu'il comprit enfin que Luna et les chevaux étaient deux formes de vies extrêmement différentes. Un peu honteux, il cacha son visage entre ses mains et avoua:
― Je suis désolé. Je suis si désolé. Je ne voulais pas te décevoir. Je me suis trompé. Je t'ai fait du mal.
Luna, les yeux braqués sur les chevaux avoua en s'avançant vers eux:
― J'ai eu tort de dire cela. Nous n'avons pas fait ce chemin pour rien. Ils sont magnifiques et seulement pour cela, le chemin en valait la peine.
―Vraiment? reprit Arbol inquiet.
― Je te le jure. Tu ne m'as pas déçu Arbol, au contraire, je suis heureuse d'assister à ce spectacle. Puis, en continuant notre chemin dans la vallée, peut-être que nous allons enfin en voir... Des gens comme moi. Je ne peux pas être la dernière. N'est-ce pas?
Arbol ne voulait pas insuffler un faux espoir à Luna. Toutefois, il ne voulait pas non plus mettre un doute dans la tête de son hôte. Alors, il arbora un large sourire et dit avec enthousiasme :
― En effet. Je vais consulter l'arbre là-bas. Peut-être qu'il pourra nous éclairer sur la situation.
Luna hocha la tête et suivit Arbol jusqu'à un arbre de petite taille. Son esprit rougeâtre s'éveilla et s'approcha immédiatement du duo qui salua avant qu'il les salue en retour.
― Peux-tu m'aider mon ami. Nous cherchons des créatures comme mon hôte. En as-tu rencontré? Sais-tu où nous pouvons en trouver?
D'un air intrigué, l'esprit inspecta Luna pendant un instant. Il fit le tour d'elle en gardant sa connexion avec son arbre. Les lèvres retroussées, il avoua:
― Jamais vue auparavant. C'est une espèce très exotique qui t'accompagne. Peut-être que l'ancien pourra vous aider. Il doit avoir vu cette forme au cours de sa longue existence. Veuillez descendre du plateau et pénétrer dans la forêt. La direction vous sera offerte une fois rendue là-bas.
― Merci, dit Luna.
― De rien, étrange créature.
Arbol salua l'arbre et il reprit le chemin avec Luna. Ils parcoururent le plateau, puis ils se tournèrent une dernière fois pour y apercevoir le grand troupeau de chevaux qui galopait au gré du vent.
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La plaine fantôme
FantasyÀ son réveil, Luna apprend qu'elle est la dernière humaine sur terre. Accompagnée par l'esprit d'un arbre, elle contemple un monde qui s'effrite et meurt. Arrivée au crépuscule des temps, elle doit affronter les obstacles qui se dressent sur son che...