Chapitre 16 La communauté partie 1

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L'engouement avait conquis la communauté qui était fort heureuse de voir pour la première fois, des survivants des mangeurs de chair. Tous savaient que Luna avait un rôle à jouer là-dedans, mais personne ne sut qu'Arbol était l'acteur principal de cet exploit.

La fatigue eut finalement raison des enfants qui allèrent se coucher dans leurs petites tentes, dissipant ainsi l'attroupement autour de l'étrangère. C'est alors que l'exploratrice remarqua qu'il n'y avait aucune palissade séparant la clairière de la forêt menaçante. Aucun guetteur ne surveillait les environs afin d'avertir leurs semblables de tout danger. Le seul moyen de défense que les enfants possédaient semblait être leur nombre. L'aventurière constata aussi qu'il n'y avait aucun chef et que le nombre d'individus dans la communauté était étrangement bas. Trop peu pour permettre à ce regroupement de perdurer. Décidément, les humains approchaient très rapidement de l'extinction.

Luna se coucha dans l'une des petites tentes en repensant à tout cela. Arbol, à ses côtés, resta aux aguets d'une nouvelle attaque des peaux grises.

― Je ne comprends pas, avoua l'héroïne à son ami.

― Il y a bien des choses que nous ne comprenons pas. Laquelle t'empêche d'être tranquille?

― Pourquoi est-ce qu'il est parti dans cette direction?

― Tu parles de Lamentar?

― Oui. Ça me fait mal. Ici, au coeur. Je m'ennuie Arbol. Je suis heureuse que tu sois là. Je suis heureuse d'avoir connu Enfermo, Cicatriz et Sangre. Toutefois, il était juste là. Le dernier humain de mon âge. Il comprenait ce que je disais. Il était intéressé par mes propos. Tu vas trouver cela étrange, mais j'aurais aimé apprendre à le connaitre.

― Je ne trouve pas ce sentiment étrange. Je peux sentir tes émotions, Luna. Je comprends ton désarroi. J'aimerais pouvoir t'amener le réconfort que tu souhaites. Par contre, j'ai bien peur que ce vide dans ton coeur me soit impossible à combler. Tout ce que je peux te dire, c'est que si nous réparons le soleil, alors il serait possible d'arrêter les peaux grises. Cela signifie que nous sauverons tous ceux se trouvant dans ce monde. À ce que nous savons, Lamentar n'est pas mort. Alors, si nous menons à bien notre quête, tu auras peut-être la chance de le revoir.

― Peut-être. Je l'espère, Arbol. Je me sens seule depuis si longtemps. J'ai rencontré plusieurs humains et pourtant, je ne peux repousser ce sentiment de solitude. Je ne me sens pas à la maison, nulle part.

― C'est compréhensible. Ces endroits sont horribles. Je crois que personne ne se sent vraiment chez soi.

― Tu t'imagines, Arbol. Un endroit où tout le monde se sentirait de nouveau à la maison.

― Ce serait formidable.

― Ce le serait.

Luna marqua une courte pause, puis elle demanda:

― Arbol, pourquoi suis-je la seule à parler aux arbres? Est-ce à cause toi? Est-ce à cause de cet éclair?

― Je ne sais pas. Je crois que les humains de l'ancien monde pouvaient communiquer avec la nature. L'ancien nous a dit que les ancêtres tergiversaient avec les tiens. Cette faculté a peut-être été perdue avec le temps.

― Une chose est sûre, ce talent m'a sauvé à plusieurs reprises. Tu m'as sauvée, Arbol. Sans ton intervention, les esprits des arbres n'auraient pas guidé les fantômes jusqu'au campement. Je t'en suis infiniment reconnaissante. Accepter ta présence fut la plus merveilleuse action que j'ai posée. Merci, mon ami.

― Le plaisir est pour moi.

Luna fit un petit sourire puis elle ferma les yeux. Dans son repos, elle ne put s'empêcher de rêver aux mangeurs de chair et à la grande bouche. Son sommeil fut tourmenté comme d'habitude. Qu'elle le veuille ou non, elle avait affligé à son esprit une grande charge émotionnelle. Sa tête essayait de tout son pouvoir de contenir cette émotion, mais malgré ses efforts, elle ne pouvait empêcher la peur de revenir la hanter.

La lune traversa le ciel, les enfants restèrent couchés en espérant que les mangeurs d'âme ne balaient pas la communauté pendant la nuit. Puis, l'astre fit place à un lever du soleil. Les mangeurs d'âme, pour la plupart, rebroussèrent chemin jusqu'à la plaine fantôme. D'autres s'immobilisèrent en attendant la prochaine lune et certains se rendirent dans l'entre-monde.

Les rayons du soleil amenèrent le retour du brouillard et la montée des gouttelettes d'eau. Rapidement, les enfants furent détrempés par la rosée. Cela déplût hautement à Luna qui se sentait inconfortable depuis son arrivée dans ce monde. Elle ne dormait plus qu'à un oeil lorsqu'Arbol vint la secouer. Aussitôt, l'aventurière ouvrit les deux yeux. Si l'être spectral troublait son sommeil, ce n'était jamais pour une mauvaise raison. Elle se leva d'un coup, puis elle demanda:

― Qu'est-ce qui se passe?

Arbol fit signe de ne pas parler trop fort, puis il pointa le boisé. Aussitôt, l'aventurière plissa les yeux, puis après un temps, elle reconnut ce que son compagnon pointait. Juste à l'orée se trouvaient des mangeurs de chair qui se camouflaient entre les arbres. Luna se leva aussitôt, puis elle sortit de sa tente. Elle hésita longuement. Devait-elle crier? Devait-elle avertir quelqu'un? Elle aperçut Gritas non loin d'elle. Elle s'en approcha, puis elle lui dit:

―Ne panique pas, Gritas. Cela ne doit pas être la première fois que cela arrive. Mais...

L'héroïne ne put finir sa phrase qu'un enfant au loin se mit à crier. Aussitôt, tout se passa si vite. Les mangeurs de chair entrèrent dans la communauté en courant et ils saisirent les enfants sur leur passage. 

La plaine fantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant