La plaine fantôme

Chapitre 19 Sarcofagovida partie 1

Le soleil chaud frappa les joues de Luna qui prit le temps de profiter de cet instant. Les enfants la rejoignirent les uns après les autres et restèrent surpris de la beauté du monde d'Arbol. Les grandes montagnes et la forêt verdoyante. Un air frais et chaud agrémenté par les odeurs que les arbres produisaient lorsqu'ils discutaient. Plusieurs enfants affichèrent un sourire tandis que d'autres pleurèrent en apprenant qu'un tel monde existait depuis le début de leur existence et qu'ils avaient été contraint de vivre dans le monde maudit.

― Nous voici dans notre nouveau monde. Nous sommes enfin chez nous, leur dit Luna d'une voix rassurante.

― Enfin, chez moi, répéta Arbol

Heureux de cette nouvelle, les enfants se mirent à courir dans la forêt sans crainte d'être surpris par une peau grise. L'un d'entre eux trouva une rivière et il se délecta d'une eau plus fraiche que n'importe quelle eau qu'il avait pu boire. Puis, un autre trouva des petits fruits et rapidement tous se mirent à s'empiffrer. Même Luna ne put s'empêcher de prendre quelques baies. Un grand bonheur pouvait se sentir au sein du groupe jusqu'à ce qu'un petit garçon trouve un rongeur mort. Il le prit dans ses mains en ressentant une appréhension dont il devait faire part à ses partenaires.

― Il n'a pas de blessure. Est-ce qu'il a été tué par... un mangeur d'âme?

Luna hésita un moment. Comment leur expliquer sans briser leurs espoirs?

― Nous devons continuer notre chemin. Même dans ce monde, la lisière n'est pas très sécuritaire. Nous devons monter dans les montagnes. Nous y serons à l'abri. Allons, nous devons nous mettre en marche.

Les enfants obéirent et suivirent l'exploratrice qui regarda la sphère céleste, intrigué par la localisation du temple de ce monde. Après avoir observé l'axe que prenait le soleil, elle demanda à un esprit de la forêt:

― Excuse-moi, j'aurais besoin de trouver une porte. Cette porte se situe au centre du monde. Pouvez-vous le trouver pour moi?

L'esprit acquiesça avec plaisir et renvoya la demande à son voisin qui la donna à son voisin.

― Tu parles aux arbres? demanda un enfant.

― Ils sont d'une grande utilité si tu tends l'oreille pour les écouter.

Les gamins regardèrent autour d'eux pendant un instant, puis une jeune fille dit:

― Je les entends. Ils murmurent. Non, ils parlent. Je crois que je les vois.

Puis, un autre enfant fit le même témoignage et un autre. À mesure que la croyance en la présence des esprits se propageait dans le groupe, ceux-ci se mirent à apparaitre aux enfants qui étaient agréablement surpris de rencontrer ces êtres insoupçonnés. C'était pour eux, un moment magique. Impensable avant ce jour. Devant cet incroyable spectacle, les enfants trouvèrent enfin une joie de vivre qui leur était jusqu'à présent inconnue. À leurs yeux, les jours de grande souffrance étaient terminés et une nouvelle vie s'offrait à eux. Cependant, Luna savait que les jours noirs étaient loin d'être terminés. Ils étaient aussi leurrés qu'elle l'avait été au début de son épopée. Elle savait que la fin s'approchait rapidement et qu'un jour ou l'autre, les mangeurs d'âme envahiraient ce monde.

Malheureusement les fantômes se rendaient toujours plus loin à mesure que les nouveaux soleils perdaient leurs énergies. La seule façon de garder les enfants à l'abri le plus longtemps possible était de monter la montagne. C'est alors qu'Arbol tira son hôte de ses pensées en lui présentant un grand sourire sur son visage et en disant:

― Je suis heureux d'être à la maison. Ici, tous les problèmes ne semblent pas exister.

Reculée du groupe d'enfants, l'aventurière s'adressa à son ami en s'assurant de ne pas être entendue, puis elle lui répondit:

― Je sais, j'ai moi aussi cette impression, mais cela ne les fait pas moins exister. Ce monde n'offre qu'une illusion de sécurité. La mort guette toujours.

― Tu sais que tu pourrais rester ici, avec les enfants. Les fantômes n'envahiront pas complètement ce monde avant la fin de tes jours.

― Probablement pas avant la fin de mes jours. Mais, peut-être avant la fin des jours de ces enfants ou de leurs enfants. J'aimerais ne penser qu'à moi, mais je dois penser aux générations futures qui auront un rôle à jouer bien après ma vie. Si des générations futures il y a.

L'être spectral baissa les yeux en sachant pertinemment que la curiosité de son hôte la pousserait jusqu'au bout du monde, comme il l'avait fait par le passé. Désemparée, la jeune femme demanda à son ami:

― Je dois savoir, Arbol. Viendras-tu au bout du monde avec moi ou t'arrêteras-tu ici? Je peux céder la connexion que nous partageons à l'un de ses enfants qui prendra soin de toi.

― Je ne veux pas être lié à un autre Luna. Notre amitié est trop importante pour moi.

― Je suis heureuse de l'entendre. Toutefois, gare à toi. Je compte bien aller au fond des choses. Je veux savoir pourquoi les humains n'ont pas réparé le soleil.

L'être spectral réfléchit un instant, déchiré entre deux désirs. D'un côté, il voulait rester avec son amie et enfin connaitre la vérité. D'un autre côté, il voulait vivre une vie paisible. Il espérait être capable de persuader sa coéquipière de rester dans ce monde hospitalier.

― Tu ne veux pas rester avec les enfants? Tu es un guide pour eux.

― Ils ont su survivre avec la menace des mangeurs de chair, je crois qu'ils seront en état de survivre dans un monde sans prédateur.

― Tout n'est pas seulement une question de survie, Luna. Grâce à toi, ces enfants peuvent vivre une vie meilleure.

― Pendant ce temps, Enfermo et les autres étouffent en haut d'une montagne en attendant des secours. Un arbre est isolé du reste du monde, entouré par les mangeurs d'âme. Les arbres du monde rouge se font terrasser chaque jour par l'avancement des fantômes. Ce monde qui est le tient dépérit petit à petit. Chaque jour, les agents de la mort avancent un peu plus loin. Puis, il y a le monde de la grande bouche. Ce monde sera tôt ou tard détruit par les fantômes. Je ne peux vivre le coeur en paix en sachant que la fin des mondes est à nos portes et que je n'ai rien fait pendant qu'il était encore temps. Encore quelques jours, sans mon intervention, les derniers enfants humains auraient perdu la vie. S'il y a un temps pour agir, c'est maintenant et c'est moi qui dois le faire.

― S'il est trop tard? Si la fin du monde ne peut pas être empêchée?

― Je ne serais jamais en paix sans savoir. Tu me connais depuis un temps déjà, tu sais que ma curiosité me pousse vers cet arbre. Je dois savoir Arbol. Je dois apprendre ce qui s'est passé.

― Ce n'est pas toi qui disais que le passé était du passé et qu'il fallait regarder vers l'avant pour façonner l'avenir?

― Oui, je le pense. Mais avec la fin du monde à nos portes, il n'y a pas d'avenir. Tout ce qu'il me reste, c'est le passé. Pour mes derniers jours de vie, je ne regarde plus en avant, je veux savoir ce qu'il y a derrière.

― Tu parles comme si la mort était imminente.

― Pour moi, il est au chevet de mon lit. J'accepte sa venue, mais avant qu'il ne me prenne dans ses bras, je me dois d'apprendre la vérité.

― Tu es courageuse, Luna. C'est une qualité que j'admire chez toi. Avec de la chance, le temple de ce monde nous apportera des réponses à nos questions.

L'exploratrice lui fit un petit sourire, puis elle regarda au large. Cet endroit était si magnifique. Les arbres, les montagnes, il y avait quelque chose qui appelait et enjouait sa personne. Quelque chose qu'elle n'avait pas ressenti dans le monde vert et rouge. Probablement à cause du brouillard qu'abritait ces mondes et la sensation de fatalité qui flottait dans l'air. Pourtant, ces mondes devaient être aussi beaux que celui-ci autrefois.

C'est alors qu'un enfant sortit Luna de ses pensées en pointant l'être spectral. Rapidement, la communauté envia la jeune femme d'avoir son esprit personnel et tous voulurent en avoir un avec eux. Cependant, Arbol leur expliqua que cela n'était pas dans l'habitude des arbres de former un lien aussi étroit avec des êtres humains. Toutefois, avec le temps, ils apprendraient rapidement à se faire amis avec les esprits de la forêt.