Chapitre 1 - Val

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— VALENCÍA LOONA PEREZ!!!!!!!

— AAAAAAAAAAAAAAAH!!!!!!!

Avec un grand hurlement, je bondis de mon lit. Ma couverture s'emmêle dans mes jambes et je m'écroule sur le côté, m'empêtre dans mes draps et atterrit par terre comme un caillou. Le coeur battant à cent à l'heure, la main plaquée contre ma poitrine, je tente de reprendre mon souffle. 

C'est la deuxième fois cette semaine que je fais ce même cauchemar. Je croyais que les séances chez le psy m'avaient guérie, mais non. Je sens toujours le sang sur mes mains et je vois toujours cette silhouette qui se balance, lentement, sur une mélodie qu'elle est seule à entendre. 

Mon estomac se soulève. Je réussis à atteindre les toilettes avant de vomir mon dîner - ça aussi, ç'aurait dû être fini. 

Une fois mon affaire terminée, j'attends que les haut-le-cœur cessent, et m'essuie la bouche avec la serviette. Bien. Maintenant que mon estomac est vide, autant aller le remplir avec le p'tit dèj. 

Mes jambes dévalent les escaliers qui mènent au salon. Comme tous les matins, mon père est là, son visage fatigué tiré par une nuit sans sommeil. Ses cheveux gris lui tombent devant les yeux et pour une fois il n'est pas rasé de près. Ses mains creusées de cicatrices diverses préparent le p'tit dèj. Comme toujours, sa chemise sombre et son pantalon noir lui donnent un air glacial, air qui n'en est pas qu'un une fois qu'on le connaît. 

Il ne semble pas me remarquer, mais je sais qu'il m'a entendue - en même temps, avec ma tendance à toujours me cogner partout, on ne peut pas dire que je sois des plus silencieuses. 

— Papa, je fais d'un ton faussement plaintif en m'installant à la table, je t'ai déjà dit mille fois de ne pas hurler comme ça pour me réveiller. J'ai encore mon réveil pour ça. 

— Va manger, répond t'il simplement.

J'obéis sans discuter ; en général le matin je n'ai aucune force pour les interactions sociales. 

La vue de mon jardin me calme pour un court instant. Les oiseaux chantent, poursuivis par mon chat Hannibal, la chaleur humide de l'été tropical colle à ma peau, c'est un beau jour météorologiquement parlant. Il a plu toute la nuit, le ciel est désormais dégagé et la température monte rapidement.. 

Mon père me tend quelques tartines et se saisit en passant de son sac de travail. Comme je commence une heure plus tard, il ne m'emmène pas au lycée ce matin. Nous nous ignorons plus ou moins aujourd'hui, tels des glaçons forcés de cohabiter dans le même bac. 

Ça ne me pose aucun problème - enfin, avant du moins. Avant, j'avais maman pour ses jours où papa ne parle pas. 

Je m'interdis d'y penser et fixe mon regard sur mes céréales, qui comme toujours accompagnent mon petit déjeuner. Dans le liquide clair lacté dans lequel elles nagent, j'aperçois mon reflet. Celui d'une ado d'une quinzaine d'années, aux cheveux roux courts et bouclés, aux yeux d'un gris-bleu métallique rougis par le manque de sommeil, et qui tremble. 

Je tremble de partout, comme toujours après un cauchemar. 

Pour empêcher mon corps traître de continuer ses secousses intempestives, je me saisis le bras, enfonçant les ongles dans la chair de toutes mes forces. Mais rien n'y fait ; selon mon expérience, rien n'arrête les images, ni les tics nerveux. 

Je termine en vitesse mon repas et me dirige vers la salle de bains, où je me lave rapidement. J'évite de regarder vers l'escalier qui mène vers l'Endroit, comme d'habitude, et par réflexe me tourne pour répondre à une remarque stupide de mon père. Mais non. Aujourd'hui, mon père n'est pas là pour me lancer ses déclarations idiotes. Je suis seule. 

Enfin seule, non, pas vraiment. Je serai avec Jenny, ma meilleure amie - sans lui pour me taquiner dès le matin. Ce sera une belle journée. 

Je continue à me le répéter tout le long du temps que je prends pour me préparer, tout le long du trajet jusqu'à notre point de rendez-vous et même une fois dans la voiture - aujourd'hui c'est le père de Jenny qui nous emmène, au grand regret de mon propre paternel. 

Tout ira bien. Ce sera une belle journée.

Je ne pouvais pas plus me tromper.

                                                                    ° - °  :)

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