Chapitre 9 - Val

56 3 0
                                    

— Jenny!!! Je sais à qui appartient le bracelet!!!

Mon frère, toujours à mes côtés, me dévisage d'un air perplexe. Je comprends qu'à sa place, il ne doit pas comprendre toute l'affaire, mais ce n'est pas une raison pour faire une tête pareille. 

Je lui fais signe que je lui expliquerai après, et il laisse tomber en poussant un profond soupir. Sans bruit, il va rejoindre notre sœur et son père. Enfin seule, je prends une profonde inspiration et explique tout à ma meilleure amie.

— Jenny, le bracelet... c'est  celui de Keysha, tu sais, ma pote du journal. Je te l'avais présentée une fois, je ne sais pas si tu te souviens.

Jenny reste silencieuse pendant un temps, signe qu'elle réfléchit intensément. J'attends avec impatience, émoustillée par ma découverte. Keysha Libel. Notre enquête avance enfin. 

Finalement mon amie prend la parole, un léger doute dans la voix, comme si elle doutait de la véracité de ses propos.

— Keysha... une fille de terminale? Les cheveux blonds, la peau blanche - un peu moins pâle que toi, je veux dire - un petit mètre cinquante-sept? 

— C'est ça, je confirme vivement. Tu remets?

— Je crois. ( Un sentiment de triomphe transparaît dans sa voix. ) Bien. Bien. Parfait. On a l'identité de notre victime. Maintenant, le mobile.

— Peut être qu'elle savait quelque chose sur quelqu'un. Et ce quelqu'un n'aurait pas voulu voir son secret révélé au monde entier. Comme par exemple la NASA avec les extraterrestres... 

Jenny éclate de rire derrière le téléphone, me voyant venir. 

— Val. Non. Keysha n'était pas une alien. Mais je crois bien que nos réponses sont à chercher du côté de la physique...

Ma bouche est soudain sèche. Physique. Mon père, actuellement en réunion de crise avec la police. Le pauvre. Il doit en ce moment même se défendre contre toutes les accusations, prouver qu'il n'est pas le monstre que tout le monde dépeint. Le malaise m'envahit.

Et l'énormité de la situation me tombe brutalement dessus.

Keysha est morte. 

Elle ne reviendra pas au club journal la semaine prochaine. Ni la suivante, ni celle d'après, ni jamais, parce qu'elle est morte. Je ne la croiserai plus dans les couloirs du lycée, elle ne m'expliquera plus ses tableaux et ses œuvres, je ne la forcerai plus à parler à ma place lors d'une interview, elle ne subira plus mes blagues stupides, tout simplement parce qu'elle ne sera plus là. 

Quelque chose me comprime soudainement la cage thoracique. J'ai l'impression horrible que mon cœur se retrouve bloqué, écrasé par quelque chose. Comme quoi, ce n'est pas parce qu'on a expérimenté une tristesse innommable une fois que les pertes suivantes deviennent plus faciles à encaisser. 

— Jenny... je fais d'une petite voix. Je me sens pas bien. 

Mon amie réagit immédiatement. 

— Ok, Val. Respire, d'accord? Je sais que ça fait mal. Je sais que c'est compliqué. Respire. On va la venger. Son tueur souffrira deux fois plus qu'elle, quand on l'aura foutu en prison. Tu pourras te défouler sur lui autant que tu voudras. Tu passeras ton chagrin dans tous les coups que tu lui mettras. 

Je me force à reprendre contenance. Je ne veux pas faire de mal à cette personne, mais à présent, la donne a changée. Je veux la justice, pour Keysha. Je veux que son tueur subisse les conséquences de ses actes. Je veux avoir le plaisir de mettre moi même la main dessus. 

Et pour ça, il va falloir qu'on devance la police.

Un plan se forme rapidement dans ma tête. Quoi que puisse en penser mon père, je suis capable de mettre sur pieds des plans rapides. Et qui tiennent la route, en plus. 

Je reprends le téléphone et commence à expliquer, survoltée:

— Écoute, Jenny. J'ai un plan. 

Je l'entends dire « oulah » à l'autre bout du fil. 

— Je sais où habite-habitait Keysha. On va aller parler à sa mère. Peut être qu'elle saura ce que savait sa fille.

— Excellent. Prends ta carte de bus, on se retrouve devant notre ancien collège. 

J'acquiesce, réflexe idiot car elle ne peut pas me voir. 

Sans décrocher, je pars chercher ma carte de bus. Évidemment, je ne la trouve pas. Du côté de Jenny, je l'entends prévenir sa mère qu'elle « va chez une amie ». La bonne vieille excuse. 

Finalement, je relève la tête de mon bazar et demande, toute penaude, de mon meilleur air mignon. 

— Pierre-Yves? Tu peux me déposer devant le collège, st'eu plaît???

                                                   °–°  ;)


Éducation mortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant