— Bonjour, Valencía.
— Bonjour...maman?
La personne qui me fait face ne ressemble en rien à Julía Perez.
De taille moyenne, un peu plus petite que moi, elle se tient légèrement recroquevillée sur elle-même, comme si elle cherchait à disparaître. Elle se mord la lèvre, ses yeux d'un bleu ciel grands ouverts.
Ses beaux iris me parcourent, me jaugent, puis remontent pour m'agripper visuellement. Sans savoir pourquoi, j'ai soudain honte de la nuance grise que les miens contiennent. Honte de leur froideur actuelle, après ma crise de nerfs dans la rue. Honte de mon incapacité à leur redonner leur chaleur habituelle.
— Tu as... grandis, depuis la dernière fois, souffle la femme.
Je suis incapable de répondre. Je me contente de rester plantée là, dégoulinante de pluie et de chagrin. Je me demande ce qu'elle pense de moi, petite chose trempée et déboussolée qui tremble de peur et de froid sur le seuil de sa maison. Sûrement pas que du bien, à en juger par l'hésitation dans son regard.
D'un geste brusque, comme si elle se souvenait soudain que je suis un humain capable de parler et respirer et qui est en train de se congeler sur place, elle me fait signe d'entrer.
— Oh, excuse moi, tu dois avoir froid! Viens, entre!
Je ne réagis pas.
Une petite dent apparaît hors de la bouche de la femme, pince ses lèvres, signe évident de son inconfort. Une goutte rubis roule le long de sa mâchoire. Un frisson me secoue. Je devrais partir. Je devrais tourner le dos à cette personne, je devrais rentrer chez moi, retrouver mon père, m'excuser, lui fondre dans les bras en pleurant pour qu'il me rassure et me dise qu'il ne m'en veut pas de mon coup de sang, terminer la soirée devant la télé avec un chocolat chaud dans les mains, blottie sur le canapé avec mon père.
Je devrais retourner là où est ma place.
J'entre.
La maison de la femme est joyeusement en désordre. Elle n'est pas grande, juste assez pour une personne seule, mais donne une curieuse sensation de chaleur. Je remarque avec appréciation que des piles de livres côtoient des croquis éparpillés un peu partout. Des plantes, surtout des orchidées, prennent le soleil pour l'instant inexistant sur les rebords de fenêtre.
Sans trop savoir quoi faire et où me mettre, je m'approche d'une pile de bouquins et me saisit de celui du haut du tas, avant de l'ouvrir à une page au hasard. Il s'agit d'un roman de fantasy, ce qui me fait aimer instantanément la jeune femme. Qui aime la fantasy ne peut pas être mauvais.
— Tu... tu aimes la fantasy?
Je me retourne en sursautant. Le livre m'échappe des mains et s'écrase par terre. La femme bondit aussi, sur les nerfs. Me confondant en excuses, je ramasse son livre et le replace. Elle se tord les mains, un sourire figé sur les lèvres. Un malaise perceptible envahit l'atmosphère.
La jeune femme m'incite à m'assoir sur le canapé, très mal à l'aise, puis part chercher une tasse de chocolat. J'obtempère, tout aussi gênée. Je ne comprends pas pourquoi je reste, ce que je fais là ni même si j'ai le droit. Je ne pense pas que papa apprécie beaucoup que je rencontre...
— A-Alors comme ça tu es ma mère?
La question, posée sur un ton faussement désinvolte, précipite la tasse que tenait la femme sur le sol. Elle s'y brise en morceaux, en fragments coupants qu'elle s'empresse de ramasser. Je plonge pour l'aider, me confondant en excuses. Elle me repousse avec douceur, se blessant au passage sur une arrête tranchante. Une marque rouge apparaît sur sa peau trop blanche.
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Éducation mortelle
Mystery / Thriller"Le monstre existe peut-être...Peut-être que c'est seulement nous." -William Golding, Sa Majesté des Mouches. Lorsque la police est incapable de démêler les ficelles d'une affaire de meurtres en série, il faut que deux mineures s'en mêlent. Valenc...