Chapitre 21 - Val

40 3 1
                                    

Jenny et sa famille disparaissent à l'horizon. Je prends une profonde inspiration et me prépare à affronter la tempête qui va suivre. 

Curieusement, mon père se contente de me regarder sans rien dire. Après de longues minutes à nous jauger pour voir qui craquera en premier, je me décide à briser le silence. 

— Je suis...

— Ça va. J'ai compris que tu étais désolée. Ça ne change rien au fait que je suis convoqué au poste de police pour la troisième fois en un mois. Ils vont finir par m'y réserver un lit. 

Mâchoire serrée, il se dirige en claudiquant vers le parking. Je le laisse prendre les devants, me place stratégiquement derrière lui au cas où il tomberait. Même si il semble se maîtriser parfaitement, je m'attends à tout. 

Tout en marchant, je repense aux évènements de la nuit. Et au fait que je viens de voir mon troisième cadavre en moins d'un an. Je pensais en avoir fini avec les ennuis, mais non. Comme disaient les grecs, "Jenny et moi tombons de Charybde en Scylla". 

Je n'arrive pas à me rendre compte de l'ampleur de la situation. Je pensais que cette année de seconde serait de tout repos. Bien sûr, j'avais conscience du fait qu'avoir mon père en professeur principal ne serait pas facile tous les jours, mais jamais je n'aurais imaginé qu'il arriverait des horreurs pareilles. 

Ça me rend de plus en plus décidée à trouver le coupable. 

Mes pensées dérivent lentement vers Jenny. Je me demande comment ça se passe avec ses parents en ce moment même. Mikkaelson semblait prêt à étrangler Perez, alors que pour une fois il n'a absolument rien fait pour le mériter. Des fois, notre cher prof d'anglais agit vraiment comme un gamin. Mais ce n'est pas la préocuppation principale. 

Arrivés devant la voiture familiale, Perez me fait signe de monter. Je me fige et lui lance un coup d'oeil éberlué: 

— Qu'est ce que tu fais, là? Tu ne vas pas conduire, j'espère? 

— J'ai l'air de me faire des crêpes peut-être?

Bras croisés, il me désigne du menton le siège passager. J'imite sa posture et tente de le raisonner: 

— Papa, je t'ai vu t'enfiler une dizaine de verres avant d'aller littéralement t'écrouler dans ton lit. Tu penses réellement que c'est sage de prendre la voiture? 

Haussement d'épaules. Et il s'assoit à la place conducteur. Avec un gros soupir et énormément d'appréhension, je m'installe à côté. 

— Papa, je te préviens, je viens d'échapper à un psychopathe en courant dans des escaliers sans me casser la figure, alors si je meurs maintenant dans un accident de voiture à cause de toi je te hante jusqu'à la fin de ta vie. 

— Tant mieux, comme ça tu seras toujours avec moi. 

Son regard insistant me met mal à l'aise. Je détourne les yeux pour éviter de le fixer et m'accoude à la vitre. La fatigue me rattrape avec la vitesse d'un cheval au galop. Mes paupières se ferment d'elles-même, sans que je puisse les en empêcher. 

Quand je les rouvre, je suis dans mon lit, encore habillée. Groggy, je roule sur le côté. Mes pensées sont encore embrumées par l'épuisement. Impossible de me rappeler comment je suis arrivée dans ma chambre. Je ne suis même pas sûre de m'être réveillée. J'essaie de me lever pour me mettre en pyjama, mais dès que je fais mine de me mettre debout, un vertige abrutissant me force à me recoucher. Et je replonge presque immédiatemment. 

Quelques heures plus tard, j'émerge de nouveau, l'esprit bien plus clair. Décidée à me préparer rapidement, je prends appui sur mes coudes et me relève. 

Éducation mortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant