Chapitre 25 Partie 2 - Jenny

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Je n'ai jamais autant détesté un repas de ma vie. 

Assise entre James et mon père, je suis obligée de manger mes pâtes à toute allure de peur que Mikkaelson ne renverse la table dans un mouvement de colère. De temps à autre, Val et moi nous lançons des oeillades de profond désespoir. Même Haylee et les autres profs paraissent avoir jeté l'éponge. Nous pouvons tous sentir l'ambiance électrique entre les deux ennemis. 

Sans commenter la dernière réplique de Perez, je resserre de l'eau à James qui semble beaucoup s'amuser. Depuis une bonne heure, il ne peut s'empêcher de glousser à chaque fois que son frère embête le prof de physique. Son attitude enfantine me donne envie de lui jeter son verre à la figure, mais je force à respirer profondément. C'est mon oncle, je ne peux pas lui en vouloir à lui aussi. 

En attendant que le débat - actuellement autour des résultats de notre classe de seconde - se termine, je joue avec ma nourriture et observe autour de moi. Haylee semble au bout du bout de sa vie, les trois ou quatre autres professeurs présents font semblant de ne pas sentir la tension, et Val a sorti son bouquin de son sac. Je soupire. James enroule son bras autour de moi. Je le repousse gentiment pour ne pas attirer l'attention sur nous, mais je croise le regard moqueur de Perez. Il s'apprête à lancer une pique moqueuse, que je coupe immédiatement en me saisissant du broc.

Malheureusement, cet idiot ne comprend pas mon message subliminal.

— Tu sers de l'eau à ton tonton, jeune Mikkaelson, comme c'est mignon... 

James réplique par un hochement de tête. 

— Ça s'appelle la galanterie, Élias. C'est quelque chose que tu ne peux pas comprendre, soulève mon oncle en se saisissant du verre. 

James porte son eau à sa bouche et boit lentement, les yeux fixés sur moi. Je rougis et lui donne un petit coup de coude. Cet idiot finira par nous faire prendre, avec tous ses sous-entendus de gamin. D'ailleurs, Perez ne nous quitte pas du regard depuis tout-à-l'heure. Mon oncle ne paraît même pas s'en rendre compte, trop occupé qu'il est à me mettre dans l'embarras. 

Ce serait le bon moment pour détourner la conversation vers des paroles plus utiles, mais Val ne s'aperçoit pas que je lui fais des signaux explicites depuis tout-à-l'heure. L'irritation s'empare peu à peu de moi. Si mon oncle et ma meilleure amie ne sont pas de mon côté, qui le sera? 

Contrariée, je décide de prendre les choses en main et pousse légèrement James pour mieux voir Val. Je  fronce les sourcils à la vue de sa grimace de douleur ; j'ai trop appuyé sur son bras droit. Cette information m'inquiète. Je n'ai pas vu mon oncle se blesser, et pourtant il semble avoir vraiment mal. Nous ne sommes pas censés avoir de secrets l'un pour l'autre, il aurait pu me signaler cette donnée essentielle! 

Je tends ma main de toutes mes forces et réussis enfin à atteindre Val. Je me saisis de sa fourchette et la cogne contre son assiette. Mon amie relève la tête de son livre et me contemple d'une mine perplexe. Je désigne d'un coup de menton ma mère et écarquille mes pupilles. 

Val me fixe. 

Je la fixe en retour. 

Nous nous regardons dans le blanc des yeux, elle avec un regard perdu, moi en essayant de lui faire passer le message silencieusement. 

Alleeeeeez Val, je prie intérieurement. Ce n'est pas si difficile que ça, concentre toi un peu! Tu liras ton bouquin après! Tu dois orienter ma mère sur un sujet de conversation pour que je puisse renchérir derrière!

Nous nous passons des messages silencieux jusqu'à ce que Perez se racle la gorge:

— Jeunes filles, je ne sais pas combien de fois je vais devoir le répéter, la télépathie n'existe pas. Vous êtes adorables, à vous jauger de cette manière, mais vous rendez l'ambiance autour de cette table embarrassante. Si vous avez quelque chose à vous dire, dites le vous. 

Éducation mortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant