Chapitre 17 - Val

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Mon corps part en avant, entraîné par le poids de mon sac. Je vois le ciel, les nuages, vaguement les visages des autres élèves. 

Je tombe. 

Petite explication : je courais normalement, tout allait bien, je rattrapais mon retard, lorsque mon pied gauche a décidé que c'était le moment de trébucher sur le sol pourtant plat, puis ce même pied traître s'est pris dans son coéquipier de droite et, tiens! Une Valencía volante. 

Je sens déjà le contact du sol contre ma chair. Un vertige soudain me prend. J'ai le réflexe de protéger mon oreille droite, la seule qui me reste de fonctionnelle, de mes bras. 

Et je tombe. 

Jenny, trop loin, ne peut rien pour moi, pareil pour Julius. Je vais me fracasser la tête contre le béton pour la troisième fois de ma vie. 

Un objet mou me réceptionne violemment. Je le percute de tout mon élan, nous envoyant bouler dans le couloir. Je sens chaque impact de mes os sur la terre. Un goût de fer envahit ma bouche ; je me suis mordue la langue. 

Un sifflement aigüe résonne dans mes oreilles, dans mon cerveau. Je porte précautionneusement une main à mon oreille droite ; je la ramène intact. Un soulagement profond se répercute dans mon cœur : j'ai mal, mes oreilles sifflent, mais je n'ai pas définitivement perdue l'ouïe. Je suis sauvée. Mon bandage qui portèrent mes points de suture n'a rien non plus. Tout va bien. 

— Val! Ça va? 

Quelqu'un me saisit par le bras sans ménagement et me remets sur mes pieds. Les jambes flageolantes, je m'appuie sur mon sauveur le temps de retrouver maîtrise de moi-même. 

— Espèce d'idiote! Quand on court, on regarde ses pieds! 

Je reconnais Perez à sa voix rauque, empreinte d'inquiétude à demi-masquée. J'esquisse un de mes sourires rassurants, pour lui montrer que je vais bien, pas besoin de m'envoyer à l'infirmerie.

— Tu vas bien? demande mon père d'un ton plus doux. Tu veux aller à l'infirmerie? 

— Non, non, plus de peur que de mal, t'inquiètes pas, papa, je vais très bien. Juste un peu les oreilles qui sifflent, mais sinon tout est impec'. 

Et je lève le pouce pour appuyer mon propos. Perez me dévisage longuement, puis se tourne vers une autre personne, qui attend sagement. Jenny et Julius nous rejoignent en courant, essoufflés. Julius secoue la tête pour montrer qu'il n'y croie pas, que ma maladresse l'étonne encore même après presque six ans qu'on se connaît, Jenny me saisit par les épaules et entreprend d'inspecter chaque endroit de ma peau à découvert, à la recherche de blessures. 

— Bon, c'est bon, elle n'a que quelques éraflures. 

— Pas comme la dernière fois où Julía avait dû l'emmener à l'hôpital, précise Julius. 

— Merci, Mikkaelson, Raynard, filez dans la salle maintenant, je termine de régler le problème. Raynard, fais attention à ce que les autres ne mettent pas le bordel. 

Et Perez m'accorde toute son attention. Il m'inspecte à son tour, vérifie mes oreilles grâce au fameux test du claquement de doigts, puis me serre brièvement le haut du bras, sa manière à lui de me dire qu'il est soulagé que j'aille bien. 

Puis il s'intéresse de plus près à mon infortuné coussin. Ce dernier se trouvait être une fille, d'environ 17 ou 18 ans, aux cheveux crépus et à la peau sombre. Elle me fixe d'un air aimable, légèrement timide, et ne me paraît pas trop amochée. Je rougis en pensant que la pauvre avait dû me servir d'oreiller contre son gré. 

Perez s'incline à moitié devant elle, un peu pour la remercier et beaucoup pour se moquer d'elle. 

— Je te remercie, mademoiselle, d'avoir amorti la chute de ma stupide élève. Aurais tu besoin d'être accompagnée à l'infirmerie? 

Éducation mortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant