Chapitre 23 - Val

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— Je ne comprends rien. 

Accoudée sur une table du lycée, tête dans les mains, je me frappe le front comme si ça pouvait aider. Autour de moi, mes amis réunis au grand complet révisent qui pour l'évaluation de maths prévue le lendemain, qui pour celle de français censée se dérouler cet après-midi.

Pour ma part, je planche sur les calculs. Même en ayant refait l'exercice trois fois de suite, il y a toujours un truc qui bloque. Je ne comprends vraiment rien, et ce ne sont pas les explications fumeuses d'un Math et d'un Julius exaspérés qui vont changer la donne. 

En face de moi, Jenny relit ses cours de français. Elle relève la tête de temps en temps pour me donner des conseils, mais rien n'y fait, je reste dans le flou. Les chiffres dansent devant mes yeux, les 6 et les 9 se confondent, un 7 devient un 4 et je suis incapable de les replacer dans le calcul. Quel nombre va avec quelle formule? C'est un mystère aussi grand que les récents meurtres dans le lycée. 

Avec un profond soupir, je pousse ma feuille de cours et me saisis d'une page vierge. Je dégaine mon critérium et commence à crayonner un dessin. Mais au bout de trois coups de crayon, mon illustration ressemble furieusement à un corps poignardé, alors je laisse tomber. À la place, je reprends l'arbre des relations de Jenny et essaie d'y voir clair. 

Quelques minutes plus tard, après avoir ajouté le nom de Céline dans le schéma et noté la course-poursuite avec son potentiel meurtrier, je joins mes mains en simulacre de prière, ma position favorite pour me concentrer. Perez est toujours au centre, malgré le fait que je refuse de croire à sa culpabilité. Comme le dit Adamsberg dans les romans de Fred Vargas, quand trop de preuves mènent à une personne, c'est qu'elle n'est pas le coupable. 

J'ajoute également le détail de Loona et le tatouage sur le bras de Céline, CMP "Méfie toi de Ceux qui ont le Pouvoir", sans oublier ce que Céline Grondin cherchait à me dire sur ma mère potentiellement non-suicidée. Je ne sais pas si ça a une réelle importance, mais j'ai comme un mauvais pressentiment, comme dirait Han Solo.

Je me lève du siège pour avoir une vue d'ensemble. La partie est un peu plus claire, mais j'ai toujours l'impression désagréable de passer à côté d'un élément important. 

— C'est pas des maths ça, remarque Perle, penchée au dessus de moi. 

Je croise les bras. Effectivement, ce schéma n'est pas une équation. Alors pourquoi ais-je autant de mal à le résoudre? Peut être que tout comme pour les maths, je ne pense pas de la bonne manière. 

— Qu'est ce que c'est que ça encore? interroge Math en levant les yeux au ciel. Tu planches sur ton roman, Val? 

Je secoue la tête en signe de négation. J'entends vaguement Jenny expliquer nos théories à nos amis, en espérant qu'ils nous aident. Le "on garde cette enquête pour nous" est définitivement passée à la trappe. 

Lorsque Jenny mentionne le journal de Keysha, je décide de le sortir. Je me rappelle soudain de celui de ma mère, et de "cherche Loona Perez". Avec empressement, je les jette sur la table. Ils viennent s'entrechoquer avec le schéma de Jenny. Celle-ci se penche au dessus à son tour, perplexe. 

— Tu restes convaincue que ce n'est pas Perez? 

Je m'apprête à acquiescer, mais une image me revient avec la brutalité d'un soufflet. 

Mon père, sur le bord de mon lit, le bras bandé. 

Il n'avait rien hier.

Et la personne qui nous a coursé dans les couloirs a été blessée au bras. 

Je me force à déglutir et à répondre d'une voix posée, sans me départir de mon sourire fétiche: 

— Bien sûr. Il est bizarre parfois, mais il ne ferait jamais réellement de mal à une mouche. 

Éducation mortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant