Jenny ne bouge pas.
Elle se contente de fixer sans rien dire la phrase. Pendant un moment je crains qu'elle ne se rappelle plus sa provenance. Pourtant, c'est dur de l'oublier. Surtout, que pire encore, je n'ai pas retrouvé ces mots seulement dans le carnet de ma mère.
Non, ils apparaissent également dans le journal de la première victime, Keysha Libel.
Je me dépatouille de mes couvertures et ouvre ledit journal à la page correspondante, avant de le poser à côté du carnet de Julia.
— Regarde moi ça. Une coïncidence? Je ne pense pas. Un mystère? Peut-être. Un hasard? Je m'y prépare. Un hôtel? Trivago.
Et je rigole toute seule à ma blague - nulle, comme toutes mes blagues d'ailleurs. En voyant la tête que fait Jenny, je perds l'envie de rire. Comme toujours, mon humour s'est manifesté dans un mauvais moment. Mais après deux semaines dans un hosto, j'ai bien besoin de me marrer. Même si ça me fait mal à l'abdomen.
Jenny parcoure rapidement les pages, feuillette un peu. Elle semble plongée dans ses pensées, marmonne dans sa barbe. Je reconnais un état de réflexion intense, qu'elle utilise surtout dans les cours non-scientifiques. Je décide de l'imiter et joins mes doigts sous mon menton, ma propre méthode de concentration.
— Alors? C'est bizarre, on est d'accord?
— On est d'accord, grommelle mon amie, soucieuse. Mais tu sais quoi? J'ai entendu cette phrase récemment, et pas que dans la bouche d'Anna Libel ( Ouf! Elle s'en souvient! ).
Je fronce les sourcils. Sans y penser, je me mets à mordre mes ongles.
— Comment ça?
— Ma mère. Juste avant que James et moi on parte te voir. Elle tenait absolument à me le dire. Sur le moment, je n'ai pas remis dans son contexte, mais je savais que je l'avais déjà entendu. Maintenant, c'est beaucoup plus clair.
Nous nous regardons fixement pendant de longues minutes. Puis, soudainement, Jenny bondit de sa chaise, plonge la main dans son sac et en ressort un bloc-notes sur lequel elle écrit rapidement des noms. Je me soulève légèrement pour observer ce qu'elle fait.
Tout en fabriquant son plan, elle me l'explique, excitée.
— Anna Libel ( elle écrit son nom puis l'entoure ) est la mère de Keysha Libel ( elle la relie à une autre bulle comportant le nom susmentionné ), et elles sont toutes les deux mortes, chacune de manière violente qui exclue un suicide. Julia Perez est également morte ( elle ajoute un rond avec le prénom ), mais elle s'est suicidée. Pourtant, elle semble vouloir te transmettre un message. Haylee Mikkaelson ( dernière bulle ) est vivante, mais veut elle aussi me dire quelque chose. ( Elle relie toutes les bulles ensembles. Je remarque qu'elle a laissé un espace libre autour, et que les ronds sont eux-mêmes disposés en cercle. ) Tu sais ce qu'elles ont comme points communs?
— Ce sont des femmes.
— Exactement. Mais aussi : elles ont toutes dit la même phrase. Et trois d'entre elles sont mortes, dont deux non naturellement. Tu sais ce que je pense?
— Que c'est un complot! je m'exclame, des étoiles dans les yeux. Comme par hasard!
Jenny se laisse aller à sourire.
— Non, Val. Enfin, pas des extraterrestres en tout cas. Je pense qu'elles ont été victimes... d'un tueur en série.
Le souffle court, nous nous observons dans le blanc des yeux. Un frisson me parcoure le dos. Un tueur en série. Un psychopathe qui tue pour le plaisir. Un personnage intéressant, plus que la moyenne des gens en tout cas. Punaise de bois de lit. Dans quel genre de problèmes sommes nous fourrées?
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Éducation mortelle
Mystery / Thriller"Le monstre existe peut-être...Peut-être que c'est seulement nous." -William Golding, Sa Majesté des Mouches. Lorsque la police est incapable de démêler les ficelles d'une affaire de meurtres en série, il faut que deux mineures s'en mêlent. Valenc...