Chapitre 18 - Jenny

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Dans la nuit, tout paraît plus terrifiant. 

Les ombres s'allongent avec le coucher du soleil, englobent la terre. Plus personne n'y voit clair. Et je ne fais pas exception. La nuit, les bus se font rares et les personnes qui les fréquentent, étranges. Celui qui m'a déposé quelques virages plus bas contenait quelques toxicos, qui heureusement m'ont évitée. 

Le portail du lycée est encore plus impressionnant de nuit que de jour. Sa couleur verte a disparue, fondue dans le noir environnant. Les bâtiments, visibles de l'extérieur, paraissent menaçants, bien plus qu'en temps normal. 

Je prends une grande inspiration et tire sur la bretelle de mon sac, ce qui a pour effet de le remonter sur mon dos. Son poids familier est rassurant, protecteur. Cachée dans les buissons qui bordent le lycée, je cherche à rassembler tout mon courage pour sortir et m'exposer à la lueur de la lune. 

Un bruit de craquement doux, comme si quelqu'un cherchait à être discret, se fait entendre non loin. Je me raidis dans ma cachette, tendue à l'extrême. 

Un caillou roule devant ma planque, et un bruit plus sourd retentit soudainement, suivit d'un "Aïe! Caillou à la noix!" chuchoté. Et quelques secondes plus tard une Val se tenant le pied apparaît sous la lune. Sa peau claire brille dans l'obscurité, la faisant ressembler à une créature spectrale. Si un individu noctambule décide par malheur de sortir à ce moment là, il prendrait sûrement peur en voyant ce faux fantôme. Je bénis ma propre teinte, plus sombre et plus pratique pour se cacher dans le noir.

Devant moi, Val tourne la tête de tous côtés, cherchant probablement sa coéquipière - c'est-à-dire moi. J'hésite à sortir de moi-même, mais le spectacle de mon amie peu rassurée cherchant un point de repère est à mourir de rire. Pour m'amuser et me distraire de mon inconfort, j'imite le "boooouu" d'un esprit mauvais. La rousse sursaute et se met à trembler légèrement. Je retiens un éclat d'hilarité. 

Finalement, Val me trouve et se penche vers ma planque, me chuchote avec vexation:

— Jenny... C'est pas drôle!

— Pour moi, si! je réplique en rampant pour m'échapper de ma cachette. Détends toi, trouillarde, il n'y a rien de dangereux ici, j'ai tcheké avant que tu n'arrives. 

La "trouillarde" contemple le ciel sans rien dire. Je devine qu'elle admire les étoiles, particulièrement visibles en cette période de l'année. Les pétrêles étant de sortie, la pollution lumineuse baisse de moitié, et les astres brillent plus fort que jamais dans un ciel plus sombre que d'ordinaire. Comme je sais que Val adore l'astrophysique, elle doit être aux anges actuellement. Personnellement,  je n'ai jamais bien vu l'intérêt de ces boules de gaz qui flottent dans du vide. Mais si ça l'amuse, tant mieux. 

— C'est pour ça que tu te cachais dans un buisson? me demande Val d'un ton faussement innocent. 

Je hausse les épaules, lui prend la main et l'entraîne vers le portail. Elle se laisse faire, son attention toujours fixée sur ses constellations. Je constate qu'elle a la chair de poule. Je ne suis moi-même pas des plus rassurées, mais Val brise les records en matière de trouillardise. 

— Oh, tu sais, j'aime les buissons, je fais en haussant les épaules. S'installer dedans, c'est un plaisir rare que peu de personnes ont eu la chance de connaître. 

— Ah ah, ricane ironiquement Val. Bon, et sinon tu n'as pas rencontré trop de problèmes pour sortir?

Je repense à ma fugue de la maison. Mes parents dormant comme des souches - on en revient au thème des arbres, j'ai pu m'éclipser sans trop de soucis. Je craignais plus de tomber sur James, mon oncle étant un incorrigible insomniaque, mais non, il dormait paisiblement quand je suis passée devant sa chambre. 

Éducation mortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant