J'ai passé les deux pires semaines de ma vie.
— Alors? Ils t'ont dit quoi?
Ma mère se mord les doigts, terrifiée à l'idée que son mari puisse aller en prison. Depuis le jour de la bagarre, elle ne dort plus, elle reste à se morfondre. Campée devant la porte, attendant dans un état d'hystérie le retour de Charles, elle semble plus que jamais fragile. Je serre les dents de toutes mes forces. La personne la plus en danger ici, ce n'est pas son cher abruti de mari, c'est Val, la victime de ce même mari. Sa victime non voulue, mais sa victime tout de même.
Plus que jamais, la colère gouverne ma vie. Sans Val, je ne peux pas me contrôler. Heureusement qu'ils ont gardés mon père en garde à vue jusqu'à hier, sinon je l'aurai tabassé. Je me serais jetée sur lui comme il s'est jeté sur le prof de physique, j'aurai dressé un couteau contre lui comme il l'a dressé contre Val, j'aurai hurlé comme il hurlait contre son ennemi.
Et ça me dégoûte.
J'ai vu comment il a laissé sa rage le gouverner, devenir plus forte que lui. Je n'ai jamais su la raison de son inimité envers Perez, mais rien ne justifie ce débordement de violence. Rien.
J'aurai préféré qu'il reste au poste de police.
Mon père se passe la main dans les cheveux, puis sur le visage. Il a une mine hagarde, brouillée par la fatigue. Il se tient sur le seuil comme sur celui d'un funérarium. Sa peau blafarde me rappelle celle de Val, étendue sur une civière de pompiers. Il n'a pas le droit de se montrer épuisé quand il est responsable d'une blessure sur ma meilleure amie.
— Je n'irai pas en prison.
Haylee soupire de soulagement. Je détourne le regard et remonte légèrement les escaliers, pour lui montrer que je suis toujours hostile à sa présence. Mikkaelson me jette un regard triste. Il m'a répété qu'il ne voulait faire de mal à personne, que Perez l'a juste mis dans un état déplorable. « Va dire ça à Val » je lui ai rétorqué. « C'est elle qui est dans un état déplorable, maintenant. »
— Mais je vais devoir verser une indemnisation à gros montant à la famille de la victime.
— Val, je crache. Elle s'appelle Val, la victime.
— Jenny! N'en rajoute pas! proteste ma mère, pour désamorcer une dispute.
Mikkaelson m'ignore et vient s'installer sur le canapé, sa femme sur ses talons. Je le fusille du regard et me détourne. Avec empressement, je file vers ma chambre, mon seul refuge dans cette maison de fous.
Un corps chaud m'arrête avant que je puisse m'enfermer. Je lève les yeux et aperçoit Oncle James, ses cheveux chocolats en bataille, son sourire faisant écho à celui présent sous forme de smiley sur son pyjama. Mes joues s'empourprent instantanément. Il vient de se réveiller, à midi, un dimanche matin. Au moins il profite de la vie, lui.
Sa présence me rassure immédiatement, comme toujours, sans que je puisse me l'expliquer. Il a toujours été là pour moi, à la fois comme un ami, un oncle et un grand frère. Nos huit ans et demi d'écart n'ont jamais été un obstacle à notre bonne relation. La dispute avec Perez ne changera rien entre nous, malgré le fait qu'il a participé.
Je me laisse aller contre lui, la tête contre son torse. Sans surprise, il entoure mon corps de ses bras et pose son menton sur mon crâne.
— Tu ne devrais pas faire la gueule à ton père comme ça, princesse.
Sa voix chaude résonne jusque dans mes os. Je grogne de dépit, sans me dégager.
— Je sais. Mais c'est de sa faute si Val ne va pas bien.
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Éducation mortelle
Mystery / Thriller"Le monstre existe peut-être...Peut-être que c'est seulement nous." -William Golding, Sa Majesté des Mouches. Lorsque la police est incapable de démêler les ficelles d'une affaire de meurtres en série, il faut que deux mineures s'en mêlent. Valenc...