Chapitre 33 - Jenny

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Je reste longtemps après le départ des Perez à fixer le vide. 

Impossible de sortir de cet état de sidération.

Ma mère est partie reconduire une Val désemparée chez elle, Clara et Jehan ont ramenés Noa et Anna chez leur père, et moi je reste plantée au milieu du salon, les yeux et l'esprit dans le vague.

Dans ma tête, une tempête fait rage. Perez, un meurtrier. Perez, un violeur. Je savais que notre prof principal n'était pas normal, mais même en le sachant, ça n'atténue pas le choc. Et surtout, je suis horrifiée par le fait que Val ait été incapable de voir la vérité pendant si longtemps. Jusqu'au bout, elle s'entêtait à le défendre. Mais elle a enfin compris. 

Elle a réalisé ce que je voulais lui montrer depuis si longtemps. 

Alors pourquoi je me sens si mal d'avoir eu raison?

La porte d'entrée s'ouvre, me sortant de mon état réflexionnel. James, accompagné de Mikkaelson, pénètre dans la maison sans prendre le temps de nettoyer ses bottes - ça fera hurler Haylee à son retour. Il se débarasse de son manteau et de son chapeau avec un flegme très anglais - sous la pluie et le ciel gris, il ressemble plus que jamais à un prince tout droit sorti de Disney.

Mais pour une fois, son charme ne me fait rien. Je reste indifférente face à son beau visage, face à ses mimiques. Je ne réagis pas lorsqu'il fonce sur moi pour me faire tournoyer dans les airs, sa manière de me saluer. Je suis une statue de pierre au coeur gelé par l'horreur. 

Mikkaelson nous jette à peine un regard et file dans sa chambre, sans doute pour aller se doucher après sa balade sous la pluie. Je le suis des yeux, pressée contre James qui s'étonne de mon manque de réaction.

Je ne veux pas de tendresse ni de câlin. Pour me sortir de ce cauchemar, il m'en faut un autre. 

Je me libère de l'étreinte serrée de mon oncle, lui adresse un sourire d'excuse, et suis mon père jusque dans sa salle de bain, sans me soucier de savoir si il est occupé ou pas. J'ouvre la porte et prends une grande inspiration. 

Avant que je puisse parler, vomir l'abjection qui emplit mon organe vital, Mikkaelson se retourne vers moi et pose ses mains sur mes épaules avec hésitation. 

— Qu'est ce qui ne va pas, Jenny? 

À ces mots, j'explose.

— Tu avais raison! Depuis le début, tu avais raison, Perez est un enfoiré de première classe. Je... je ne sais pas comment t'exprimer ça... Tu avais raison et je n'ai pas su t'écouter... 

Mikkaelson retire ses mains de mes épaules et entreprend de plier ses vêtements propres. Je sens un changement d'humeur chez lui. Et je ne suis pas certaine qu'il soit positif. 

— Eh bien... il t'en a fallu, du temps, pour admettre que tu avais tort. 

J'acquiesce, la gorge nouée. La colère couve toujours au fond de moi, mais pour l'instant j'arrive à la juguler. Son ton narquois, fier de lui, me donne envie de le noyer dans sa baignoire, mais l'abrutissement provoqué par les révélations précédentes m'empêchent de laisser libre court à mes pulsions meurtrières. 

Mikkaelson se rend compte rapidement que je n'apprécie pas son air suffisant et reprend son attitude paternelle du début de la conversation. Cela m'encourage à continuer et à m'exprimer enfin.

— J'avais peut-être tort mais tu...

Mes paroles se bloquent dans ma gorge. Je recommence à le chercher, je cherche de nouveau à créer du conflit là où il n'est pas nécéssaire. 

Éducation mortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant