Chapitre 16 - Jenny

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Méfie toi de ceux qui ont le pouvoir. 

La phrase tourne en boucle dans ma tête. Préoccupée, je ne prête attention à personne, que ce soit mon père, avec qui j'ai pris le petit-dèj ce matin, ou ma mère, qui de toute façon réagit à peine à ce que je lui dis, ou même à James qui sent bien que quelque chose ne va pas. 

Jamais une phrase n'a eu autant d'impact sur moi. 

Mais le pire, ce n'est pas cette litanie incompréhensible. Le pire, c'est celle présente sur la feuille que Perez m'a tendue, qui n'était absolument pas ma copie. 

«  Je sais que ce que vous cherchez. »

J'aurai aimé pouvoir répondre avec humour, comme l'aurait fait Val, d'un « oh, mon cerveau est déjà dans ma tête », ou «  votre humour est définitivement perdu », mais je n'ai rien pu répliquer. 

Rien. Parce que la peur m'a paralysée. 

Encore maintenant, en cours de SNT, je sens des frissons me courir le long de l'échine, et pas des frissons de froid - nous sommes encore en été, il fait 33 degrés, pas de quoi se geler, à part pour notre pote Portois.  

Val voulait une preuve que son père est le coupable : la voilà. « Je sais ce que vous cherchez. » Il est au courant de tout ; comment, c'est un mystère en plus, mais ce qui compte présentement est le fait que nous sommes désormais en danger. Si Perez est réellement le coupable, il est capable de nous tuer pour nous réduire au silence. Il l'a bien fait pour Keysha et Anna Libel. 

À la place de la colère habituelle s'est désormais logée une terreur sourde, prête à ressurgir à tous moments. Lorsque j'ai croisé Perez dans le couloir, à la récréation du matin, alors qu'il allait fumer dehors - il fait ça toutes les heures, pas étonnant qu'il soit de mauvaise humeur après - j'ai senti les griffes de la peur se planter dans ma poitrine. Et le regard qu'il m'a jeté n'a rien arrangé.

«  Je sais ce que vous cherchez. »

«  Méfie toi de ceux qui ont le pouvoir. »

Mais le pouvoir de quoi? Et pourquoi les lettres M et P étaient elles en majuscules sur le carnet de la mère de Val? Qu'est ce qu'elle cherche à nous dire? 

Pourquoi j'ai l'impression de m'être embourbée dans un piège immense?

— Euh... Jenny, c'est pas pour te presser mais faut aller en histoire là. 

Je sursaute au son de la voix de Éli, qui semble soucieuse. Rapidement, je fourre mes affaires dans mon sac et fonce à la suite de mes amis, qui se pressent déjà devant la salle. James nous fait entrer, sans oublier de me donner une légère tape sur l'épaule lorsque je passe. Val n'a droit qu'à un regard glacial - je crois que mon oncle digère mal le fait que je reste avec mes amis de mon âge la journée au lieu de le rejoindre. Mais je n'ai pas le temps pour ses crises de jalousie ridicules. J'ai autre chose à penser. 

Comme notre enquête. 

En parlant de notre enquête, Val n'arrive toujours pas à ouvrir le compartiment secret du journal de Keysha. Nous avons hésité à demander à Julius de nous aider, après tout c'est notre ouvreur de clémentines attitré, mais après concertation nous avons décidé qu'il valait mieux éviter de parler de notre enquête à nos amis. Pas qu'ils soient indignes de confiance, mais ça nous appartient, et ni Val ni moi ne voulons partager notre expérience. 

Même si maintenant nous sommes assez désespérées pour aller demander de l'aide à n'importe qui. Sauf à Perez, évidemment. 

— Je continue à dire que tu devrais en parler à ta mère. 

Éducation mortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant