Chapitre 20 - Jenny

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Après le silence de la nuit, le brouhaha du commissariat est presque assourdissant.

Assises sur une chaise, Val et moi attendons le verdict des policiers, penaudes. Après qu'ils nous aient ramassés, ils nous ont ramenés à leur base sans nous poser de questions. Le fait de nous ignorer pendant tout le trajet nous a mis sur les nerfs au lieu de nous rassurer, peut être était-ce une tactique de policier.

J'aurais bien aimé pouvoir en discuter avec mon amie, mais ni elle ni moi n'osons ouvrir la bouche. Devant nous, plusieurs fonctionnaires de police font les cent pas, nous fixant. Certains sont debout, bras croisés. Je ne peux m'empêcher de penser au fait que tous les policiers font ça dans les séries et films policiers. Sur une table en bazar, j'aperçois même une tasse de café. La légende ne mentait donc pas. 

Je m'esclaffe le plus silencieusement possible, malheureusement un policier me repère et immédiatemment annonce, avec un sourire sadique à concurrencer Perez: 

— Vos parents sont arrivés. On va vous les emmener. Restez là, ne bougez pas. On vous a à l'oeil. 

J'échange un regard dubitatif avec Val. Où veulent-ils qu'on aille? Nous venons de nous faire courser au beau milieu de la nuit par un fou furieux armé juste après avoir découvert le cadavre de la personne qui devait nous donner des informations cruciales. Mon coeur bat encore fortement de la course-poursuite. Dans l'état actuel, je ne pense pas débuter un road-trip à travers la Réunion. 

Mon organe vital entame d'ailleurs une virée dans une montagne russe à la vue de mes parents fraîchement débarqués. Ils franchissent la porte d'un pas décidé. Mon père me fusille du regard, furieux, tandis que ma mère se prend le visage dans les mains. Ils sont vêtus à la va-vite, et Haylee semble encore endormie. Un soupçon de honte me saisit en voyant son air hagard, tout juste sorti du lit, mais il est aussitôt remplaçé par la familière colère lorsque mon père lui fait signe de se ressaisir. Si les yeux pouvaient tuer, lui et moi serions morts en même temps. 

Je remarque que James n'est pas avec eux. N'étant pas mon responsable légal, il n'a pas dû avoir le droit de venir lui aussi. J'aurais aimé qu'il soit là pour me soutenir, mais il le fera sûrement à la sortie. 

— Jenny Mikkaelson, vos parents sont arrivés, déclare une policière.  

Merci, j'ai vu, je me retiens d'ironiser. Contrairement à Val, je sais la fermer quand il le faut. 

Cette dernière demande, d'un ton peu assuré:

— Et moi? Personne ne vient? 

Au moment où elle pose la question, la porte s'ouvre de nouveau, cette fois sur Perez et une autre policière. Notre prof principal paraît curieusement bien plus alerte que mes parents. Il est tiré à quatre épingles, sa chemise pourpre parfaitement repassée. Seule sa démarche peu assurée et ses pupilles légèrement vitreuses attestent du fait qu'il dormait profondément quelques minutes plus tôt. 

Je me recentre sur ma famille. Mon paternel croise les bras comme les policiers et grogne, d'une voix peu aimable:

— Bien. Puisque nous sommes tous présents, pouvez vous nous expliquer pourquoi nous avons été convoqués à une heure si matinale?

Valencía baisse la tête. Je peux sentir sa gêne à un kilomètre aux alentours. Même dans l'éclairage faiblard du poste, on peut voir que ses joues ont pris la couleur d'une tomate. Pour ma part, je pris pour que ni la colère ni la honte ne se voient sur mon visage. 

— Vos filles ont décidées d'aller cambrioler le lycée cette nuit. Heureusement, le détecteur de mouvements s'est enclenché lorsqu'elles ont franchis le portail. 

Éducation mortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant