Le Souffle de Kaëv'ah - Tome 4 : L'Héritage du Sang [Terminé]

Chapitre 1 - Chasseurs et Humcréas

Les derniers flammes du brasier venaient d'être éteintes. L'odeur de fumé et de brûlé flottait encore dans la rue, l'eau dont on avait généreusement arrosé le bâtiment dégouttait des plafonds et se répandait en flaques sur le trottoir et le parking. Les pompiers terminaient d'éloigner les curieux qui s'attardaient encore devant les lieux du sinistre.
Cathleen observait l'édifice noirci qu'était le commissariat de la ville en cherchant à évaluer les dégâts causés par l'incendie de l'extérieur mais elle peinait à se forger une idée réelle. Elle espérait seulement qu'ils ne s'avéreraient pas trop important et qu'ils pourraient récupérer leurs dossiers et tous les éléments des différentes affaires.
Assise à l'arrière d'une des deux ambulances arrivées avec les pompiers, sur le marche-pied, elle demeurait plongée dans ses pensées en examinant le bâtiment.
Mentalement, elle dressait une liste des suspects éventuels qui auraient pu provoquer cet incendie mais, sans aucun indice sur lequel s'appuyer, la réflexion se compliquait grandement. Sans compter que son esprit était embrouillé par le choc. Même si elle avait adopté les bonnes réactions sous le coup de l'adrénaline, se retrouver au milieu des couloirs en proie au feu l'avait secouée. Heureusement, elle n'avait pas été blessée. Contrairement à Vinciane.
La jeune fille se trouvait dans l'ambulance voisine et un secouriste terminait de bander sa cheville foulée contre laquelle elle appuyait une poche de glace. Ses épaules continuaient à trembler et son regard restait voilé par le choc.
Ces derniers temps, la vie semblait s'acharner sur Vinciane alors qu'elle traversait épreuve sur incident traumatisant. Cathleen aurait souhaité lui présenter ses excuses pour tout cela, s'en jugeant partiellement coupable, surtout car elle était incapable de découvrir ce qu'il était arrivé à Richa Todh.
La petite ville avait pourtant été toujours plutôt paisible. Comment et pourquoi les choses avaient-elles dégénérées pour que le commissariat soit incendié, qu'on retrouve une fosse remplie de squelettes et qu'une jeune fille de la région disparaisse sans laisser la moindre trace ?
Dans un soupir, Cathleen se passa une main sur le visage.
C'était la première fois que son emploie d'inspecteur lui pesait tant. Habituellement, elle n'envisageait son métier que comme une succession de défis à relever dont triompher, ce qui la stimulait et la motivait. Jamais elle ne l'avait envisagé autrement, ce qui expliquait certainement la froideur et la dureté qu'on lui reprochait parfois.
Cette conception de sa tâche commençait à changer après les derniers mois. Cette métamorphose s'était probablement enclenché lors de la disparition de Richa. A moins que la frustration provoquée par son incapacité à résoudre le mystère autour de la jeune fille n'en soit la cause. Pourquoi tout paraissait devenir soudainement si compliqué ?
Une subite agitation émanant de la foule de curieux maîtrisée par les agents en uniformes l'extirpa de ses pensées et attira son attention. Un homme cherchait à franchir le barrage érigé par les policiers et les pompiers, qui le repoussaient malgré son insistance.
Peut-être était-ce un journaliste souhaitant s'approcher au maximum du sinistre pour nourrir un article, à l'avis de Cathleen mais elle en changea bien rapidement en identifiant l'homme à la lumière des gyrophares.
Certainement avait-il été averti par les ambulanciers ou bien l'un des agents.
Se levant en poussant un appel qui fit se tourner les regards de ses collègues vers elle, elle leur ordonna de laisser cet homme passer d'un geste. En ayant à présent l'autorisation, il se pressa de rejoindre les deux ambulances en courant presque.
Vinciane était tellement choquée qu'elle ne réagit même pas à l'approche de son oncle et elle demeura tout aussi apathique lorsqu'il l'appela.
L'ambulancière qui veillait sur la jeune fille lui expliqua qu'elle avait été grandement affectée par l'incendie et qu'elle encaissait encore le choc. Pour ne pas risquer de la brusquer, il devait lui parler doucement et lentement sans élever le ton.
Suivant ces conseils, l'oncle de Vinciane s'agenouilla face à cette dernière, les mains sur ses genoux, en prononçant à nouveau son nom à quelques reprises. Après plusieurs secondes, les yeux de la jeune fille reprirent l'éclat de vivacité qui leur manquait alors qu'ils restaient vitreux et elle les posa sur son oncle.
Reconnaissant ce dernier, elle éclata en sanglots en se jetant contre lui. Avec une attitude purement paternelle, il étreignit sa nièce en lui frottant doucement le dos tout en lui soufflant de paroles de réconfort. A les voir ainsi, n'importe qui aurait cru qu'il était bien davantage que l'oncle de Vinciane.
Sans cesser de bercer cette dernière pour l'apaiser, il riva un regard hostile sur l'inspecteur Aciari à côté de lui, la jugeant visiblement responsable de l'état de sa nièce. Dans un soupir, la jeune femme se détourna, fuyant ces yeux accusateurs.
Elle-même se reprochait le nouveau traumatisme dont venait d'écoper Vinciane, elle n'avait pas besoin qu'on le lui signale davantage. Elle s'estimait déjà suffisamment fautive et trouvait être une forte mauvaise détective sans qu'on en insiste sur le sujet.
Détachant délicatement Vinciane de lui en la tenant par les épaules une fois que l'ambulancière lui ait assuré que sa santé n'était pas en danger, son oncle s'enquit auprès d'elle :