Chapitre 25 - Opération aux Terres d'Eaux

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L'humidité qui régnait presque perpétuellement aux Terres d'Eaux se faisait encore plus pénétrante avec la tombée de la nuit et la montée de la brume qui rampait dans les rues de la capitale.
Frissonnant, Liam resserra autour de lui les pans de la courte cape qui camouflait sa silhouette et dont la capuche rabattue dissimulait ses traits.
A la suite d'Esadd, il s'engouffra dans une ruelle isolée depuis laquelle ils pouvaient apercevoir les lumières du palais.
Depuis le départ de Yennaël pour les Terres de Sang, leurs activités de résistance avaient ralenti, comme c'était à prévoir, mais le rouquin s'efforçait néanmoins de garder le contact avec ses compagnons de lutte, que ce soit pour leur communiquer les dernières informations et découvertes ou pour leur donner ses directives.
Ainsi, Liam et Esadd savaient que Richa avait retrouvé son père en la personne de Sarrion Vervaïl, le souverain des Terres de Sang. Tous deux en étaient demeurés tout aussi stupéfaits que les principaux intéressés puis Esadd s'était finalement réjoui pour la jeune fille, qui s'était enfin rapproché de la vérité sur ses origines.
De son côté, Liam émettait davantage de réserves. Ce n'était pas à cause de la jalousie qu'il continuait à ressentir malgré lui mais car il était préoccupé par cette histoire et se demandait comment tout cela allait pouvoir évoluer et durer.
Il pouvait néanmoins être rassuré par le fait que Yennaël lui assurait qu'ils se portaient aussi bien que possible dans ces circonstances, Yennaël plus que Richa. Le jeune homme avait cependant confié à son meilleur ami qu'il n'était pas totalement serein. Certainement était-ce à cause de sa présence aux côtés de la fille du roi récemment découverte ou à cause de son tristement célèbre ancêtre mais il avait la sensation d'être surveillé, probablement par les gardes du palais qui s'assuraient de sa sécurité et plus particulièrement de celle de Richa.
Même si il n'y avait donc pas de raison de réellement s'inquiéter, il peinait à se concentrer sur son objectif et à se concentrer sur ses plans, ce qui expliquait pourquoi Liam et Esadd n'avaient pas eu d'indications véritablement précises sur que faire avant la veille. D'après les échanges de Liam et Yennaël, ce dernier se trouvait à Joyaux-sous-Mer où il avait accompagné Richa et, s'y sentant moins épié, il avait réussi à réfléchir, d'où la présence de Liam et Esadd à Eaufline en cette nuit.
Ils ne venaient pas pour piéger le poste de la Flamme Blanche de la ville. Tous ceux des Terres d'Eaux l'avaient déjà été, le groupe ayant depuis longtemps profité de la sécurité plus laxiste dans ce royaume que dans les autres à cause du manque de moyens. Leur présence avait cependant bien un rapport avec leur combat contre la Flamme Blanche, évidemment.
La destruction qu'ils cherchaient à apporter à l'organisation était matérielle mais également sous l'aspect de son influence, qu'ils tentaient de réduire. Leurs intentions étaient d'affaiblir les soutiens dont jouissait l'organisation. Elle aurait ainsi été isolée et d'autant plus simple à anéantir.
Pour cette nouvelle opération, Yennaël avait décidé de s'en prendre au lien qui unissait la Flamme Blanche aux Terres d'Eaux, le plus urgent mais aussi le plus difficile à briser. Urgent car la proposition de mariage faite par les Terres d'Eaux aurait pu être acceptée par Withèr à tout instant, bien qu'ils n'aient rien entendu en ce sens, et difficile car les Terres d'Eaux étaient le pays le plus dépendant à la Flamme Blanche. Sans aide extérieure, le royaume aurait sombré et disparu sous les coups de la misère depuis longtemps déjà, or, seule l'organisation consentait à la fournir.
Pour l'instant, la survie des Terres d'Eaux restait secondaire aux yeux de Yennaël. Le principal pour lui était de fragiliser cette alliance.
Après quelques réflexions, il avait jugé que le meilleur moyen pour commencer était d'annihiler toute chance de voir cette union se concrétiser, quelque chose à la fois très aisé et très difficile à accomplir. Aisé car il suffisait de faire croire que les Terres d'Eaux ne souhaitaient plus un tel mariage et retiraient leur proposition. Difficile car ils devaient justement réussir à faire croire cela à la Flamme Blanche. Une missive aux allures officielles ferait l'affaire mais, pour ce faire, il fallait certains objets, comme le sceau de la famille royale ou le papier à lettre aux armoiries du royaume. C'était ce que Liam et Esadd venaient chercher au palais.
Cette opération ne devrait pas s'avérer particulièrement difficile. Ils connaissaient le fonctionnement du palais, comment et où se répartissaient les tours de garde, les itinéraires des patrouilles et toutes les autres informations nécessaires à une infiltration sûre grâce aux repérages qu'ils avaient déjà effectué il y avait quelques temps.
Qui plus était, une partie des habitants du palais ne s'y trouvait pas car le roi ainsi que son frère et conseiller, Iphranys, avaient gagné la modeste ville, d'ailleurs davantage considérée comme un village, de Zanbo, seule autre zone urbaine du royaume. Une délégation les y accompagnait par les aider à distribuer les vivres à la population. Celle-ci était dans une situation encore plus précaire que les habitants de la capitale mais, même si le Gouvernement ne pouvait réellement la changer par manque de moyens, encore et toujours.
En revanche, il y avait quelques personnes supplémentaires par rapport à l'accoutumée car Ismène Créonne était en visite à Eaufline depuis quelques jours pour voir son fiancé et sa suite l'accompagnait évidemment mais Liam et Esadd ne pensaient pas cela risquait de changer quelque chose pour eux. Du moins, Liam ne le pensait pas car Esadd ne s'encombrait pas l'esprit en réfléchissant à ce genre d'éléments.
Ils ne comptaient pas s'approcher de l'aile des invités où logeaient logiquement la princesse des Terres de Fer et sa suite et le palais demeurait moins fréquenté qu'à l'accoutumée.
Un éternuement tira Liam de ses pensées. Tout en reniflant et grommelant, le jeune homme balafré resserra encore les pans de sa cape autour de son corps frissonnant. Il craignait l'humidité qui régnait eux Terres d'Eaux, même avec une enfance passée sur l'Ile de Mirévoyk. Il se tenait tout simplement loin de la zone d'humidité que comportait l'île lorsqu'il y vivait encore.
En charge de l'opération, Esadd se disant lui-même incapable de gérer un plan autrement qu'en l'expliquant, Liam vérifia l'heure grâce à la position des astres sur le ciel pour décider qu'il valait mieux pour eux d'attendre encore pour être sûrs que les habitants du palais soient plongés dans le sommeil tout en s'assurant que leur infiltration correspondait bien au changement de gardes.
Ils patientèrent donc dans cette ruelle dans les plaintes de Liam, qui grommelait contre l'humidité du lieu, puis ils la quittèrent pour s'engager dans le cœur du palais.
Y pénétrer n'était pas des plus difficiles malgré le mur d'enceinte qui le ceignait. Il suffisait de l'escalader sans se faire repérer et un manque de moyens signifiait également des effectifs réduits, surtout la nuit, ce qui minimisait fortement leurs risques de se faire surprendre.
Liam gravit le mur en quelques minutes pour ensuite sauter souplement de l'autre côté. En revanche, Esadd eut besoin d'un peu plus de temps, moins à l'aise que son camarade dans ce genre d'exercices. Avec sa taille et sa carrure, il était forcément moins agile que Liam. D'ailleurs, il atterrit plutôt lourdement à côté de ce dernier, qui l'attendait plaqué contre le mur pour se fondre dans son ombre.
Une fois que le colosse à la peau ébène eût retrouvé son équilibre, les deux hommes gagnèrent les écuries qui s'élevaient dans la cour du palais parmi d'autres bâtiments en regardant prudemment autour d'eux et se déplaçant de zone obscure en zone obscure.
Empruntant les portes qui n'étaient jamais fermées, ils y entrèrent. L'odeur du foin et crottin les saisit à la gorge et la poussière de paille leur brûlèrent les yeux.
Faisant fi de ces désagréments mineurs, ils se déplacèrent dans les écuries, dérangeant les chevaux dans leur sommeil. Certains redressèrent la tête sur leur passage en poussant des soupirs sonores mais, habitués à voir des inconnus déambuler entre leurs stalles et parfaitement dressés, ils ne dénoncèrent pas leur présence en paniquant.
Dans le silence, ils gagnèrent la porte de bois qui s'ouvrait dans le mur à côté des râteliers sur lesquels attendaient tout le matériel pour prendre soin des chevaux ainsi que des selles et des longes.
Elle permettait aux palefreniers et aux domestiques travaillant dans les écuries d'y accéder sans avoir à passer par l'extérieur où la pluie et les températures négatives régulières rendaient le trajet pénible. Cette attention envers le confort des domestiques du palais facilitait l'infiltration de Liam et Esadd.
Ce dernier tenta d'abaisser la poignée mais elle résista. Donnant un accès direct à l'intérieur du palais, il semblait logique que la porte soit verrouillée mais cela ne se posait cependant pas comme un obstacle pour eux.
Les doigts entrecroisés posés sur la poignée, Liam usa de sa modeste magie pour déverrouiller la serrure. Même si il était un magicien médiocre, il était capable de réaliser ce sort sans s'écrouler d'épuisement.
Y parvenir exigea néanmoins de lui de longues secondes qui angoissèrent Esadd car demeurer immobiles augmentait dangereusement les risques pour eux de se faire repérer.
Heureusement, un son de mécanique résonna, indiquant que la serrure venait de céder sous l'effet du sortilège. Liam se relâcha dans un soupir, rassuré de pouvoir continuer sans encombre et soulagé de ne plus avoir à contracter son corps sous la concentration.
S'assurant néanmoins que son sort avait fonctionné correctement, il abaissa la poignée qui s'actionna. La porte pivota lentement sur ses gonds, dévoilant un escalier en colimaçon.
Sans attendre, Liam et Esadd s'y engagèrent en refermant la porte derrière eux mais sans la verrouiller, se gardant une sortie sûre au cas où.
Montant les marches à tâtons dans l'obscurité, ils gagnèrent les quartiers des domestiques auxquels les écuries étaient reliées. C'était certainement le secteur du palais le plus sûr pour eux comme, à cause de leurs horaires, ceux qui l'occupaient devaient se lever aux aurores et dormaient donc profondément à cette heure avancée de la nuit. Aucune personne au sommeil léger ne risquait de les entendre et de les surprendre.
Les laissant derrière eux, ils arpentèrent les couloirs et montèrent les escaliers jusqu'à arriver aux quartiers royaux, là où se situaient le bureau du souverain et tous les éléments dont ils avaient besoin pour réaliser un faux convainquant.
Après encore un peu d'exploration, ils trouvèrent cette fameuse pièce.
Utilisant à nouveau ses pouvoirs, Liam déverrouilla la porte et ils entrèrent sans davantage de difficulté que précédemment. Le jeune homme balafré perçut néanmoins la tête lui tourner mais il se pressa de se reprendre. Il ne pouvait se permettre la moindre faiblesse tant qu'ils se trouvaient au cœur du palais. Cette détermination lui suffisait pour ignorer la fatigue qui le gagnait lentement suite à l'utilisation de sa magie.
Ce qui lui évita probablement de défaillir lorsqu'il en usa une troisième fois pour les doter, Esadd et lui, d'une vision nyctalope. Allumer des lanternes ou une quelconque source de lumière les aurait rendu bien trop repérables, surtout alors qu'ils se tenaient dans le bureau du roi.
Cette fois, Liam vacilla et il eut besoin de se rattraper au mur à côté de lui. Un voile noir, qui n'était pas dû à l'obscurité ambiante, descendit sur son regard un court instant mais il parvint une fois encore à refouler cet épuisement qui montait en se focalisant uniquement et totalement sur sa mission, comme toujours.
Esadd avait déjà commencé à fouiller le bureau sans grande minutie ni beaucoup de logique. Il paraissait pourtant évident que le premier endroit où chercher du papier à lettre et un sceau était dans les tiroirs du large bureau en bois précieux au verni usé par manque d'entretien qui trônait dans la pièce mais Liam peinait parfois à saisir les cheminements qu'empruntaient les réflexions de son camarade à la peau ébène.
Ne perdant pas de temps en pensées à présent que ses jambes le soutenaient à nouveau parfaitement, Liam s'attaqua à ces tiroirs qu'Esadd négligeait.
Les forcer ne fut pas des plus compliqués, même sans magie. Plutôt que de consumer toutes ses forces ainsi, le jeune homme préféra utiliser les crochets qu'il gardait dans sa poche. La simplicité des mécanismes permettait qu'il le fasse manuellement en se passant de ses pouvoirs.
Il parcourut les documents qu'il découvrit à l'intérieur. La majorité parlait de la situation financière préoccupante du royaume sous tous les aspects possibles. Ne s'y attardant pas, Liam ouvrit les tiroirs les uns après les autres jusqu'à dénicher une boite renfermant un nécessaire d'écriture avec du papier à lettre dont les armoiries l'ornant ne suffisaient pas pour dissimuler la qualité tout à fait moyenne du papier, un bâtonnet de cire granuleuse, une plume, un encrier et un sceau sous forme de tampon en bronze. Ils avaient de la chance que le souverain des Terres d'Eaux ne porte pas son sceau sur une chevalière comme c'était assez courant dans la royauté.
Signalant à Esadd qu'il avait trouvé ce qu'ils cherchaient, Liam émit un court et léger sifflement. Esadd le rejoignit immédiatement.
Ne trainant toujours pas, Liam sortit une feuille et déboucha l'encrier qu'il déposa sur le bureau à côté du papier.
Plutôt que de se risquer à imiter l'écriture de Terrond Ennabraüs et ses mots, le jeune homme ensorcela la plume, comme il comptait le faire depuis le départ. Ce sort était cependant bien plus exigeant que les autres mais Liam ne s'en apercevait pas réellement, la détermination qui le contrôlait l'aveuglant toujours.
Quelques minutes s'écoulèrent sans que rien ne se produise. Esadd se posta à côté de la porte pour faire le guet mais Liam ne le remarqua pas, tout à sa concentration.
Des gouttes de sueur perlèrent sur son visage depuis son front plissé et son corps commença à trembler alors que ses épaules se contractaient de plus en plus sous l'effort.
Après quelques minutes supplémentaires de cette lutte acharnée, la plume se souleva seule et dansa au-dessus du papier pour y rédiger la missive.
Lorsqu'elle retomba sur le bureau en s'immobilisant, Liam chancela et il se serait certainement affaissé si Esadd ne l'avait pas retenu d'un bras solide dans le dos. Cette fois et malgré toute sa volonté, il ne pouvait résister à la fatigue qui le gagnait.
Appuyé contre Esadd, Liam désigna la lettre d'un bras pesant en marmonnant qu'il fallait la terminer. Tout en lui faisant baisser son bras pour ne pas qu'il gaspille ses forces, Esadd lui assura qu'il savait et qu'il s'en chargeait.
Soutenant Liam d'un côté, il fouilla dans son sac pour en sortir la lanterne qu'il emportait toujours lors de ce genre d'opérations. Libérer le morceau de chandelles de la gangue de cire fondue qui l'entourait l'obligea à user de sa force musculaire, la raison pour laquelle il pouvait être utile à Yennaël dans son projet.
Allumant la mèche, il approcha le bâtonnet de cire de la flamme pour le faire fondre et goutter au bas de la lettre en un cercle imprécis. Il se pressa d'y presser le sceau avant qu'elle ne se solidifie à nouveau puis il ferma et scella la missive d'une manière identique.
En attendant que la cire refroidisse, il rangea le bureau pour effacer toute trace de leur passage sans lâcher Liam.
Dès que ce fut possible, il glissa la lettre dans son sac, dont il réajusta la bandoulière sur son épaule, chargea Liam sur son dos puis quitta le bureau. Il aurait fallu reverrouiller la porte mais Esadd n'avait pas la clé et il ne pouvait demander à Liam de s'en occuper. Ça aurait pu devenir pour le jeune homme balafré.
Il se contenta donc de refermer la porte en espérant qu'on ne mettrait le fait qu'elle était ouverte sur le compte d'un oubli puis il s'empressa de se diriger vers les quartiers des domestiques et leur issue.
Après quelques mètres, Liam reprit lentement conscience et quelques forces.
Leur fuite fut cependant freinée avant même qu'ils n'aient quitté les quartiers royaux. Une patrouille se dirigea vers eux depuis l'autre bout du couloir, annoncée par des lumières vacillantes et des pas cadencés.
Ils avaient trop tardé, Liam avait eu besoin de plus de temps qu'ils ne l'avaient prévu et ce moment où ils s'extirpaient du palais coïncidait avec le passage d'une patrouille qu'ils avaient pourtant souhaité éviter.
Le seul moyen pour eux de ne pas se faire repérer et de sauver l'opération était de trouver un endroit où se dissimuler des regards des gardes.
Ne réfléchissant pas mais réagissant dans l'urgence, Esadd se rua sur la première porte non-verrouillée qui se présenta à lui pour trouver une cachette. Si il n'avait pas agir précipitamment, il aurait probablement remarqué la faible lueur qui filtrait sous la porte mais il ne comprit que le salon dans lequel ils venaient d'entrer était occupé que lorsqu'il entendit des cris de surprise étouffés qui s'élevèrent.
Esadd alla pour lâcher un juron en se sermonnant mentalement pour son imprudence mais il oublia totalement ces réflexions sous le coup de la stupeur qu'il éprouva en découvrant la scène devant lui.
A la faible lueur orangée émise par les trois chandelles posées dans une coupelle sur le manteau d'une cheminée, Ténériss Ennabraüs et Ismène Créonne étaient encore étroitement enlacées et partiellement dénudées.
Visiblement, ce n'était pas réellement son fiancé que la princesse des Terres de Fer était venue visiter.
Pour beaucoup, cette relation était inconvenante au plus haut point et pas seulement car elle contrariait les plans de deux des familles les plus puissantes de l'Enclave. Si elles étaient découvertes, les deux jeunes femmes risquaient d'être reniées, et c'était dans le meilleur des cas. Certainement était-ce pour cela qu'aucune des deux n'appela la garde, bien que ce fut probablement leur premier réflexe.
S'assurant néanmoins qu'elles ne le feraient pas, Esadd chercha à les rassurer. Déposant Liam contre la porte derrière eux, il dressa les mains devant lui, paumes ouvertes, en un signe d'apaisement.
Bien loin de manifester une quelconque frayeur, Ismène se leva en réajustant ses vêtements pour couvrir son corps et, se piquant face aux deux intrus, elle leur demanda dans un sifflement bas :

« Que faites-vous là ? Qui êtes-vous ?

– Calmez-vous ou vous risquez d'attirer la garde et je crois que ni vous ni nous n'aimerions ça. Lança Liam d'une voix lourde de fatigue.

– Vous êtes des voleurs ? Continua Ismène.

– Vous êtes au service de Yennaël Lanwil, non ? Devina Ténériss. Rafaël m'a parlé d'un homme balafré qui travaillait avec lui.

– Depuis quand mon cousin et toi menez de telles conversations ? Demanda Ismène avant de se tourner à nouveau vers Liam et Esadd. Et vous ? Que venez-vous manigancer ici ? Que veut Yennaël Lanwil ?

– Disons que vous ferez comme si vous n'aviez rien vu et nous ferons comme si nous n'avions rien vu. Proposa Liam.

– Comme si nous allions... Commença Ismène.

– Même si vous alliez raconter que des complices de Yennaël Lanwil sont venus ici, ça sera bien vite oublié lorsque tout le monde saura ce que vous êtes toutes les deux, l'interrompit Liam. De toute manière, personne n'écoutera deux saphistes comme vous.

– Liam... Intervint Esadd, jugeant qu'il allait trop loin avec ses paroles.

– Tout ça pour dire que vous avez sûrement encore plus intérêt que nous à ce que chacun se taise, reprit Liam en fixant les deux jeunes femmes. C'est à vous de choisir. On veut juste repartir d'ici et que vous oubliez nous avoir vus. C'est pas grand chose.

Ismène serra les poings et contracta les mâchoires.
De toute évidence, elle n'appréciait pas de se retrouver ainsi soumise à des conditions qui ne convenaient absolument pas à son orgueil de personne royale, surtout alors qu'elles émanaient de hors la loi, mais elle ne pouvait donner tort au raisonnement de Liam. Pour se protéger et protéger Ténériss, elle devait céder à ce chantage.
Requérant l'avis de Ténériss, comme elle était également plus que largement concernée, Isème se tourna vers elle et la questionna d'un regard. Depuis le temps, elles n'avaient plus besoin de mots pour communiquer.
Se rangeant également à l'avis d'Ismène et préférant éviter tout risque de faire éclater le scandale de leur relation, la jeune femme acquiesça en réponse à la question silencieuse de son amante.
Les dents serrées à se les briser, Ismène accepta donc à contrecœur pour elles deux :

– Très bien. Disparaissez et nous ferons comme si nous ne nous étions jamais rencontrés mais jurez d'en faire de même.

– Non. Ça pourrait nous être utile. Avoir de l'aide dans deux palais peut toujours s'avérer utile.

– Vous êtes...

– En position de force, termina Liam et elles ne purent s'opposer. Bien, tout est donc réglé. Vous avez eu de la chance que ce soit nous qui soyons entrés mais, sérieusement, vous deux, c'est quoi votre problème ? Faire ça, comme ça, vous êtes complètement folles ! C'est vraiment injuste et...et...ignoble !

– Liam, on y va. »

Ordonna Esadd et, appuyant son ordre, il abattit sa paume sur l'épaule du jeune homme balafré en la lui broyant à moitié.
Profitant du fait qu'il était encore faible, il le traina à sa suite hors du salon après avoir salué les deux princesses d'un hochement du menton.
Ils refirent en sens inverse le chemin qu'ils avaient parcouru pour venir ici et Esadd ne relâcha pas Liam de tout le trajet, lui serrant le poignet à le blesser.
Il était vraiment déçu par le comportement de son ami qu'il désapprouvait mais ne comprenait pas. Ces paroles ne ressemblaient pas à Liam, avec cette colère et cette intolérance.
Liam s'en voulait également mais, contrairement à Esadd, il savait pourquoi il avait réagi de la sorte. Si il ressentait effectivement de la colère, ce n'était, en revanche, pas de l'intolérance mais sa jalousie qu'il ne contrôlait pas, comme avec Richa.
Il ne pouvait s'empêcher d'être furieux en voyant le couple que formaient Ismène et Ténériss car il était jaloux. Jaloux que, malgré le fait qu'elles soient toutes les deux des femmes et soient forcées de se cacher, elles puissent s'aimer. Leur amour trouvait le moyen de se réaliser. Elles vivaient leurs sentiments l'une pour l'autre alors que lui-même ne se permettait pas d'espérer que le sien se concrétise. Pourquoi avaient-elles la possibilité de s'aimer alors que, lui, il culpabilisait uniquement pour être amoureux d'un homme ? C'était injuste.
Tout en s'éloignant du palais royal à la suite d'Esadd, qui continuait à lui broyer le poignet, Liam soupira en se passant une main sur le visage. Il se sentait particulièrement éreinté et ce n'était pas dû à l'utilisation de sa magie.
Au moins, ils avaient réussi leur mission et avaient en leur possession le moyen de fragiliser le lien entre la Flamme Blanche et les Terres d'Eaux.

Le Souffle de Kaëv'ah - Tome 4 : L'Héritage du Sang [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant