Chapitre 16 - Rencontre royale

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Richa avait vu juste et Yennaël s'étonnait de n'avoir pas deviné qu'on pourrait à nouveau le confondre avec Mirévoyk, ou au moins remarquer son lien avec lui.
Ils ne restèrent que deux heures dans les geôles du palais à échanger des plaisanteries dans la lignée de la précédente, se séduisant à travers les barreaux, ou à observer les sphères lumineuses qui ressemblaient finalement davantage à des bulles de verre renfermant un petit brasier. Heureusement que leur enfermement ne se prolongea pas plus car, malgré son apparente décontraction qu'elle adoptait en taquinant son amant, ce dernier avait bien noté que l'impatience de Richa n'avait fait qu'augmenter et elle aurait probablement attaqué les barreaux en les rongeant. Jamais elle n'aurait tenu jusqu'au lendemain.
Des pas claquèrent sur le sol de roche. Richa compta trois démarches. A leur approche, la jeune fille se fit plus tendue, ne parvenant plus à camoufler sa fébrilité en la canalisant.
Comme évalué par Richa, trois gardes en uniformes arrivèrent face à leurs cellules, un satyre et deux femmes paraissant humaines. Le premier introduisit une clé dans la serrure retenant Richa pendant que l'une des deux femmes s'adressait à Yennaël qu'elle ne quittait pas de son regard miroitant :

« Yennaël Lanwil ? Certaines personnes souhaiteraient s'entretenir avec vous. Vous êtes attendu dans la salle du trône.

– Existe-il un endroit où je ne serais qu'un anonyme ? »

Soupira Yennaël, bien que son ton et sa gestuelle légèrement exagérés soient ceux de la plaisanterie, Richa remarqua qu'une certaine gravité imprégnait sin visage. Être perpétuellement associé à l'homme le plus haïs de l'Enclave devait être difficile à supporter.
Les gardes ne réagirent pas à la question du jeune homme. A la place, ils déverrouillèrent sa cellule pour l'en faire sortir, particulièrement attentifs au jeune homme alors qu'il franchissait la grille à présent ouverte. De toute évidence, ils pensaient que le principal danger provenait de lui, le descendant de Mirévoyk, et ils se désintéressaient donc de Richa, ce qui arrangeait bien cette dernière.
Le satyre, qui venait de la faire sortir, la tenait par le bras droit mais il fixait Yennaël que ses collègues encadraient, ne lui accordant que peu d'attention. Les circonstances étaient parfaites.
D'un vif mouvement, elle se dégagea et, enchainant, elle le poussa sur les autres gardes du plat de son pied. Déséquilibré, il s'affaissa sur l'une des des deux femmes.
Profitant de son effet de surprise, la jeune fille s'élança dans la portion du couloir qu'elle n'avait pas parcouru.
Couvrant ses arrières, Yennaël retint la deuxième garde, celle qui ne vacillait pas sous le poids du satyre.
Les escaliers furent aisés à trouver, le couloir n'étant qu'une ligne droite. Elle en atteignit le palier avant que les gardes ne se lancent à sa poursuite.
Le champ d'action des sorts inhibiteurs de magie s'arrêtant aux premières marches, Richa put générer une bourrasque suffisamment puissante pour arracher la solide porte de ses gonds. La forcer lui aurait pris trop de temps et elle aurait été rattrapée avant d'y parvenir.
L'action alerta certainement d'autres occupants du palais, domestiques, gardes, officiels et leur famille, mais Richa ne s'y attarda pas. Elle n'avait pas la moindre seconde à perdre si elle voulait trouver la salle du trône avant qu'on ne la stoppe.
D'après les informations qu'on lui avait fournies, son père potentiel travaillait au palais des Terres de Sang sans aucune précision supplémentaire. Rien n'indiquait qu'il évoluait dans les hautes sphères mais elle jugeait qu'interroger tous ces puissants étaient un bon début. Il lui semblait qu'ils auraient pu l'orienter plus facilement vers l'un ou l'autre de leurs employés, du moins, elle l'espérait. Par ailleurs, il lui serait plus simple de mener ses recherches au sein de la résidence royale avec la permission du Gouvernement. Certainement était-ce là la faille de son plan : elle allait devoir convaincre le Gouvernement de lui octroyer sa permission mais elle n'y songeait pas.
Actuellement, elle était totalement incapable de réfléchir. Tout ce qu'elle avait à l'esprit était qu'elle approchait d'une partie de la vérité, elle en était certaine, elle le pressentait. Plus rien d'autre ne comptait ou n'importait. Rien d'autre que cette idée ne parvenait à pénétrer ses pensées, qui la lui répétaient en l'obsédant.
Jugeant que ça aurait été logique de trouver la salle du trône dans les hauteurs du palais, Richa s'éleva dans les étages, s'engouffrant dans tous les escaliers qu'elle rencontrait et arpentant les couloirs en courant.
Sa course lui attirait évidemment les regards surpris ou inquiets des personnes qu'elle croisa mais elle s'en moqua. Ce qui l'entourait ne l'atteignait plus.
Des appels derrière elle lui indiquèrent que Yennaël n'avait pu retenir les gardes davantage de temps et ceux à sa poursuite étaient davantage que trois. Richa ne s'en soucia toujours pas. Elle avait suffisamment d'avance et de force dans les jambes pour trouver la salle du trône avant qu'on ne la rattrape.
Après avoir gravi sans ralentir un escalier en large spirales taillé dans du marbre noir incrusté de cristal transparent, elle déboucha dans un couloir plus grand que les précédents orné de fresques représentant certainement l'histoire des Terres de Sang mais sur lesquelles Richa ne s'attarda pas, focalisée sur autre chose.
Avec l'heure avancée de la nuit, il n'y avait que peu de surveillance, à moins que ce ne soit exceptionnel. Dans tous les cas, cela servait ses intérêts.
Une large porte à l'apparence proche de celle principale s'ouvrant à l'extérieur marquait le fond de ce couloir, la seule et unique. La taille de ce couloir, celle de la porte et le fait qu'elle n'avait aucune voisine semblaient prouver l'importance de la pièce derrière.
La salle du trône.
Se doutant que ses poursuivants allaient tout faire pour l'empêcher d'y arriver, Richa accéléra encore. Profitant de l'élan ainsi gagné durant sa course, elle se jeta contre l'un des deux battants qui ne résista pas.
La porte s'ouvrit violemment à la volée en allant brutalement cogner contre le mur. Toutes les personnes siégeant autour d'une table sursautèrent et le colosse se tenant en retrait porta la main à son épée.
Entrainée par son élan, Richa tituba de quelques pas en entrant dans la pièce, qui était effectivement bien la salle du trône, comme le confirmait le somptueux siège se dressant au-dessus de quelques marches.
Sous la stupeur, personne ne trouva le temps de réagir avant que Richa, encore accrochée à la poignée, ne s'exclame dans la langue que tous les Humcréas avaient en commun :

Le Souffle de Kaëv'ah - Tome 4 : L'Héritage du Sang [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant