Chapitre 23 - Généalogie

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Déambuler librement dans le palais sans être accompagnée d'un soldat aurait normalement dû permettre à Richa de se sentir moins oppressée, moins à cran et de s'aérer un peu l'esprit mais il n'en fut rien. A cause des commentaires et des regards qui l'accompagnaient, elle se sentait tout aussi enfermée que dans ses appartements. Une migraine commençait même à poindre à cause de cela.
Heureusement que Yennaël était là, sinon, elle se serait probablement jeté sur un homme qu'elle surprit à utiliser le mot bâtarde.
Elle aurait souhaité ignorer tous ces gens qui alimentaient ces rumeurs et s'en repaissaient pour leur montrer à tous l'étendue de son mépris mais elle n'y parvenait pas. Ses poings se serraient, ses mâchoires se contractaient et la colère chauffait ses veines. Elle avait toujours trouvé plus évident de s'emporter plutôt que d'assumer les effets des autres émotions. Seul Yennaël l'empêcha d'y céder.
Le pire fut qu'elle dut se résoudre à demander à un domestique où se diriger pour trouver la bibliothèque. La femme, une satyre, examina Richa de haut en bas, les yeux légèrement écarquillés. De toute évidence, elle connaissait déjà son identité et les rumeurs qui couraient sur elle depuis la veille mais elle ignorait comment réagir. Après tout, la jeune fille n'avait pas été officiellement reconnue comme l'enfant du souverain et ne le serait probablement jamais comme elle était illégitime, et elle ne faisait donc pas partie de la famille royale. La domestique ignorait donc si elle devait s'adresser à elle comme à une égale ou bien faire, au contraire, preuve du respect qu'elle devait aux personnes de haut rang.
Hésitant, elle effectua une semi-révérence sans s'incliner entièrement et elle s'enquit de ce qu'elle pouvait faire pour être utile avec une courtoisie habituelle. Elle leur expliqua où trouver la bibliothèque en quelques mots et Richa put quitter ce couloir où des curieux commençaient à s'agglutiner pour la détailler. Evidemment, tous s'efforçaient de feindre de ne pas la fixer mais elle savait parfaitement pourquoi tout le monde ralentissait subitement autour d'elle. Ne pas leur crier de s'occuper de leurs affaires devenait de plus en plus difficile.
Avant qu'elle ne craque, Yennaël l'entraina dans la direction indiquée par la domestique.
Ils quittèrent l'aile résidentielle pour gagner la principale. Même avec son sens de l'orientation aiguisée, Richa devait avouer qu'elle se perdait un peu parmi tous ces couloirs, ces étages et ces ailes mais peut-être était-ce davantage la traduction de son impression d'être dépassée par toute la situation qu'un réel problème face à la taille du palais, qui demeurait tout de même impressionnante.
La bibliothèque était précédée par un modeste hall de marbre gris clair veiné de blanc éclairé par des niches vitrées d'un épais verre opaque d'où filtrait la lumière. La porte à doubles-battants en bois sombre située dans un léger renfoncement en arrondi ne semblait guère différente de celles qu'ils avaient déjà pu voir pourtant, l'odeur du papier et de reliures en cuir flottait dans le hall. Elle se fit encore plus puissante lorsque Richa et Yennaël poussèrent les battants.
La bibliothèque était à l'échelle du palais : impressionnante.
La superficie de la salle était immense mais, en plus, elle s'élevait sur cinq étages, en plus du rez-de-chaussée. Le sol de chacun des étages supérieurs était percé par de larges puits de lumière qui tenaient davantage des vitraux. Les figures qui y apparaissaient étaient probablement les divinités liées au savoir ou à l'apprentissage des différents panthéons humcréas
Les escaliers en colimaçon, du même bois sombre aux reflets orangés que tout le reste, qui menaient aux autres étages, s'élevaient en leur centre.
L'intégralité de la bibliothèque, murs, sol, plafond et étagères, était de ce bois sombre aux reflets orangés.
Les immenses étagères, aussi hautes que larges, se croisaient et se côtoyaient en un labyrinthe d'ouvrages de toutes sortes. Le sujet de chaque section était indiqué par une peinture le représentant sur le flanc es rayonnages.
Aux tournants de certains angles ou au détour de quelques recoins, on découvrait des tables, circulaires ou rectangulaires, différents supports, des fauteuils ou des divans.
Au premier regard, Richa crut que les parois étaient seulement nues mais, en les observant plus attentivement, elle constata qu'il n'en était rien et que toutes sans exception étaient gravées de toutes sortes de symboles et de caractères en des citations ou des extraits de textes dans toutes les langues possibles.
Richa effectua un tour sur elle-même pour tout détailler, impressionnée par cette salle. De son côté, Yennaël était légèrement moins subjugué que la jeune fille. Plutôt que de se laisser aller à l'admiration du décor qui les entourait, il fixait les milliers d'ouvrages alignés sur les rayonnages en songeant à toutes les informations que cela représentait.
Cette bibliothèque était certainement la dernière grande réserve et source de savoir humcréa non-détérioré. Ici, on pouvait tout apprendre et découvrir, il suffisait de se plonger dans les pages de tous ces livres. Certaines rumeurs affirmaient même que cette bibliothèque contenait des ouvrages légendaires, probablement cachés à l'étage secret, le sixième situé en sous-sol, dont l'existence était également alimentée par ces mêmes rumeurs.
Cela faisait déjà longtemps que Yennaël souhaitait l'explorer, même si il ne lui restait plus grand chose à découvrir au sujet de l'Enclave et des Humcréas.
Son idée en accompagnant Richa aux Terres de Sang, en plus de soutenir la jeune fille en s'assurant qu'elle supporterait la situation, était de pouvoir y accéder. Être intéressé le faisait légèrement culpabiliser mais pas davantage et ne lui ôtait pas le sommeil. De toute manière, Richa savait parfaitement qu'il ne l'avait pas suivie par amour pour elle ni quelque chose d'aussi sentimental. Après tout, ils s'étaient accordé sur le fonctionnement de leur relation dès son commencement : ils parcouraient le même chemin ensemble tant que leurs objectifs concordaient mais ils se sépareraient si jamais leur situation évoluait en ce sens.
Yennaël fut extirpé de ses pensées par Richa qui fit quelques pas entre les étagères, les doigts suivant les veinures d'un des rayonnages.

Le Souffle de Kaëv'ah - Tome 4 : L'Héritage du Sang [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant