Le Souffle de Kaëv'ah - Tome 4 : L'Héritage du Sang [Terminé]

Chapitre 35 - Prisonniers

« Tu aurais quand même pu me dire que tu avais un frère.

Dans un léger sursaut, Yennaël se retourna vers Richa à la remarque que formula cette dernière. Absorbé par le bruit dans son esprit, ses souvenirs, sa crainte et sa colère, qui agitaient ses épaules de frissons, il avait quelque peu oublié la présence de la jeune fille.
Se redressant dans un soupir – il ne s'était même pas aperçu que son dos s'était vouté sous le poids de ses pensées – il se dirigea vers l'espace chambre pour y ranger son sac, s'occupant pour que ses pensées aient moins de prises sur son esprit et répondit en feignant le désintéressement, comme si il n'était que peu affecté par tout cela :

– Je ne parle pas vraiment de ma famille, tu l'auras remarqué.

– T'as quand même déjà évoqué tes parents mais jamais ton frère. Insista Richa.

– Mon frère est une honte et une déception personnelles. J'étais l'ainé, j'aurais dû le protéger, de l'influence de nos parents comme du reste, j'aurais dû les empêcher de le briser mais je crois qu'on peut dire que j'ai lamentablement échoué. Au lieu de ça, je n'ai fait que fuir en l'abandonnant ici.

– Il t'aurait suivi ?

– Certainement pas. Il m'a toujours détesté.

– Pourquoi ça ?

– Je suis l'aîné, le plus puissant, celui sur qui nos parents se concentrent toujours et il m'en veut pour ça, il est jaloux de cette attention. Sans compter que nos parents ont toujours entretenu la compétition entre nous. Depuis notre plus jeune âge, ils ont toujours organisé des duels entre nous deux, que ce soit avec la magie ou à l'épée. Le vainqueur avait la permission de manger alors que le perdant restait enfermé à étudier. La plupart du temps, c'est moi qui gagnais. Je suppose que mes deux ans de plus m'aidaient à avoir le dessus sur Kaïn. Le pire dans tout ça c'est que, quand j'obtenais le droit d'apaiser ma faim pendant qu'il restait cloîtré durant des heures, je ne culpabilisais pas. J'étais soulagé de ne pas être à sa place et d'avoir un peu de répit.

– T'as pas à culpabiliser. Ce que tu me racontes, c'est dégueulasse mais les responsables, ce sont tes parents. Toi, t'étais qu'un gamin. Tu devais survivre, toi aussi. Ce dont tu me parles, c'est de la manipulation. On utilise la peur avec des menaces et des punitions qu'on équilibre avec la promesse de récompenses. On devient facilement manipulable, même malléable. Tu as eu de la chance que ta personnalité et ton égo n'aient pas été détruits.

– Oui, quelle chance ! Regarde où en est mon frère ! Il est plus endoctriné qu'un Homme Blanc ! Tout ce qu'il a toujours espéré, c'est d'avoir l'attention et l'affection de Tilith et Lazael. Il fait donc tout ce qu'il peut pour obtenir leur approbation. Même me ramener, c'était uniquement pour ça. Le plus triste, c'est qu'il ne comprend pas qu'il n'aura jamais ce qu'il recherche.

– Tu l'aimes, ton frère ?

– Nous n'avons jamais eu de relation fraternelle. Je te l'ai dit, nous étions des rivaux entre qui nos parents ont entretenu la haine. Lui, il me déteste, c'est certain. Moi, je m'en veux de ne pas avoir pu le protéger comme devrait le faire un frère ainé mais on ne peut pas dire que je ressens de l'affection pour ma famille.

– Le contraire aurait été surprenant. Mais pourquoi ? Pourquoi tes parents sont comme ça ? A quoi ça les amène de brimer leurs fils et d'enfermer leurs gens dans la terreur ?

– Tu le sais déjà, ma lignée descend directement de Mirévoyk. Les descendants de ce dernier ont estimé qu'il n'avait pas eu le temps d'accomplir ce qu'il devait unifier l'Enclave et les races sous sa dominance et que c'était donc à eux de terminer ça mais, relégués sur cette île, incapable de réellement reprendre le flambeau de Mirévoyk, amers de la défaite et frustrés que rien ne change, ils sont allés de plus en plus loin dans leurs méthodes et sont devenus de plus en plus cruels. Je crois qu'il n'y a rien qui rend plus mauvais qu'un espoir déçu. Il n'y a besoin de rien de plus.