Chapitre 36 - La visite d'un ancêtre

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Cherchant à se libérer, Richa tenta de se débattre et de desserrer la main de Yennaël, qui comprimait de plus en plus sa trachée, mais en vain. Le jeune homme cilla à peine sous ses ruades. Il semblait plus fort qu'à l'accoutumée, même si il n'avait jamais été faiblard. Sans compter que Richa n'osait pas se montrer plus violente qu'avec ces tentatives. Même si il n'était pas dans son état normal, il s'agissait toujours de Yennaël.
L'oxygène commençait vraiment à lui manquer, sa poitrine la brûlait et la tête lui tournait alors que sa vision se brouillait. Les coups de genoux dont elle frappait le dos de Yennaël faiblirent.
Alors qu'elle se sentait lentement sombrer dans l'inconscience, Yennaël commenta :

« C'est tout ? Sérieusement ? Avec l'image que le gamin se fait de toi et le peu que j'ai pu apercevoir, je m'attendais à davantage de résistance de ta part. Que se passe t-il ? Aurais-tu peur de blesser ton petit Yen ? Enfin, je ne vais pas m'en plaindre. Je n'avais pas spécialement envie de me battre avec toi. Lorsque je te regarde, ce sont bien d'autres idées que tu m'inspires. Ça, je ne peux que le lui reconnaître : il a du goût...

Sans cesser de l'étrangler d'une main, Yennaël libéra ses bras, trop lourds à cause de l'asphyxie, pour glisser une paume contre le ventre de Richa.
Un sursaut saisit cette dernière aux insinuations sans équivoque de Yennaël, qui ne lui plaisaient absolument pas. Ce n'était pas car ils étaient amants qu'il pouvait passer outre son consentement.
Poussée par un regain de force provoqué par l'affolement, alors que le visage de Jonathan se fondait dans celui de Yennaël, elle dressa soudainement ses bras et frappa le jeune homme au front de ses mains jointes.
Cette fois, il fut sonné et déséquilibré. Sa prise sur la gorge de la jeune fille se relâcha et elle put se dégager. Le repoussant, elle le fit basculer hors du lit puis elle se pressa de bondir sur ses jambes.
L'oxygène qui s'engouffra à nouveau dans ses poumons la fit grimacer mais, au moins, elle était à nouveau pleinement consciente et en possession de toutes ses capacités, exceptés ses pouvoirs. Elle était actuellement privée de sa magie. Le simple fait qu'aucun souffle de vent n'ait repoussé Yennaël pendant qu'il l'étranglait suffisait à le prouver.
Aucune arme conventionnelle n'était à sa portée non plus.
Le seul avantage était que Yennaël se retrouvait tout aussi désarmé qu'elle et que, au corps à corps, elle aurait le dessus, si elle ne se laissait pas retenir par ses scrupules à se battre contre Yennaël.
Plus que la volonté de l'épargner, elle souhaitait surtout comprendre ce qu'il se passait avant de le neutraliser.
Prête à agir, elle recula de quelques pas, les bras dressés en une posture de défense, alors que Yennaël se redressait en prenant appui sur le lit à côté de lui. Une main à son front, là où Richa l'avait frappé, il pesta en insultant la jeune fille avec des termes que cette dernière n'avait jamais entendus dans la bouche de Yennaël, même pour qualifier une ennemie.
La certitude qu'il ne s'agissait plus réellement de Yennaël la gagnait de plus en plus, ce qui soulevait de nombreuses questions et inquiétudes. Malgré l'évidence, la jeune fille peinait encore à se résoudre à attaquer Yennaël. C'était toujours son corps et donc lui, en un sens.
Ses scrupules s'envolèrent néanmoins lorsqu'elle fut violemment projetée à l'autre bout de la pièce sans toucher le sol par une force brutale. Elle heurta l'une des bibliothèques avant de retomber à terre. Le choc lui coupa le souffle et les volumes qui chutèrent sur son dos ne l'aidèrent pas à reprendre sa respiration.
Etourdie, elle se redressa sur ses coudes et remarqua les doigts encore croisés de Yennaël. Aucun doute qu'il était responsable de ce subit déplacement.
L'utilisation de ses pouvoirs lui était impossible mais Yennaël pouvait faire usage des siens sans rencontrer la moindre difficulté et, apparemment, il comptait bien s'en servir contre elle.
Sans arme et sans magie face à Yennaël dont les pouvoirs n'étaient pas entravés, ses chances de victoire diminuaient grandement.
Se relevant prestement malgré son équilibre précaire, elle se précipita vers la porte. Fuir lui coûtait mais elle comptait surtout trouver de quoi se défendre pour que l'affrontement soit un peu moins à son désavantage. Il y avait des gardes donc des épées devaient bien se trouver quelque part dans la forteresse.
Ce plan fut cependant contrecarré par la serrure verrouillée. L'action de la poignée n'ouvrit pas la porte. Elle était enfermée dans cette chambre. Certainement était-ce un effet d'un autre sort de Yennaël.
Il allait falloir qu'elle déniche une arme dans cette chambre qui n'en recelait aucune.
Profitant du fait que Yennaël paraissait encore se remettre, une grimace tordant ses traits et le crâne dans les mains – Richa n'avait pourtant pas l'impression de l'avoir frappé avec tant de force – elle s'empara de la chaise poussée sous le bureau et la fracassa contre le sol. Parmi les éclats, elle ramassa l'un des pieds qui, se prolongeant pour former le dossier, faisait un peu plus de la longueur de sa jambe. Il s'agissait d'une arme de fortune mais elle ferait l'affaire.
Entendant Yennaël grogner en se déplaçant, elle se pressa de se dissimuler dans l'angle d'une des étagères à proximité de l'arche, les mains serrées autour du morceau de bois.
Dès que Yennaël la déposa, elle lui asséna un coup derrière la nuque. Elle l'aurait certainement assommé sur le coup si elle l'avait frappé de toutes ses forces mais, toujours inconsciemment retenue par le fait qu'il s'agissait toujours plus ou moins Yennaël, elle se brida.
Au lieu de s'écrouler, le jeune homme tituba de plusieurs pas vers l'avant en étouffant un râle de douleur.
Visant l'arrière de ses genoux d'un mouvement latéral, elle lui faucha les jambes en le jetant à terre. L'y maintenant en appuyant son pied contre son dos, elle abattit à nouveau son arme de fortune sur le genou de Yennaël.
Le jeune homme poussa un cri dans un craquement d'os. Avec une rotule brisée, le danger qu'il représentait devenait plus simple à gérer, même si Richa en éprouvait un certain remord.
Au sol, Yennaël grogna une série d'injures dirigée contre Richa et, si elle ne s'était pas sentie totalement dépassée par cette situation qu'elle ne comprenait pas, cette dernière s'en serait vexé.
Raffermissant sa prise sur son bout de bois, elle s'apprêta à lui porter un nouveau coup au crâne pour, cette fois, l'assommer, mais elle marqua inconsciemment un léger temps d'hésitation, sa résolution à se battre contre Yennaël vacillant à nouveau.
Ces quelques secondes suffirent à Yennaël pour entrecroiser ses doigts contre les pierres du sol.
Le bâton tomba soudainement en cendres entre les mains de Richa, lui brûlant les paumes. La jeune fille poussa une exclamation de douleur et de surprise mêlées mais elle n'eut guère le loisir de s'interroger sur ce qu'il venait de se produire.
Elle se retrouva projetée contre le mur le plus proche, écrasée contre la pierre, la poitrine et les membres comprimés par la force qui la paralysait. Contrairement aux fois précédentes où elle avait subi les effets d'un sort du genre, elle ne parvint même pas à résister ou à lutter, comme si les pouvoirs de Yennaël avaient gagné en intensité.
Dans un juron supplémentaire, le jeune homme se retourna sur le dos pour ensuite se redresser en position assise, son genou blessé serré contre son torse. Entrecroisant à nouveau ses doigts contre sa rotule brisée, il effectua un autre sortilège, probablement de guérison à en juger par le soulagement qui passa sur son visage.
La douleur ne l'handicapant plus, il se releva et lança à Richa :

Le Souffle de Kaëv'ah - Tome 4 : L'Héritage du Sang [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant