La gorge soudainement nouée, Richa passa le doigt sur le nom qui venait de l'interpeller en faisant s'accélérer son rythme cardiaque : Aymerikk.
Richa revoyait le vampire dont l'arrogance dissimulait la blessure causée par son amour perdu et la jalousie que d'autres aient pu vivre une relation inter-espèces.
Les images du massacre de sa famille d'adoption se rejouaient également dans son esprit, provoquant les tremblements qui agitaient ses épaules et ses mains sur le papier de l'ouvrage. Cela faisait quelques temps maintenant que ces scènes ne hantaient plus ses jours et les cauchemars qui dérangeaient ses nuits s'étaient fait moins réguliers mais ses traumatismes ne la quittaient visiblement pas.
Evidemment, il devait bien y avoir plusieurs vampires portant le nom d'Aymerikk à travers l'Enclave et le fait que celui inscrit sur cet arbre généalogique soit le même que celui qu'elle avait rencontré dans la forêt au-dessus de Plainiore aurait été une incroyable coïncidence mais certains éléments revinrent à la mémoire de Richa, semant le doute dans son esprit.
Pour commencer, l'uniforme qu'elle avait trouvé dans les affaires d'Aymerikk en était un d'apparat des Terres de Sang et le vampire lui-même lui avait raconté avoir vécu dans ce royaume, plus particulièrement à Joyaux-sous-Mer, où il avait croisé le chemin de Sonja.
Ensuite, il avait évoqué la puissance de sa famille sans rien préciser de plus et beaucoup d'indices laissaient supposer de son haut rang, comme ses manières, ses vêtements ou tous les objets qu'il conservait avec lui. Par ailleurs, le refus du métissage et des couples inter-espèces étaient probablement dans la philosophie de la famille Vervaïl, du temps de Rekliar. L'histoire d'Aymerikk s'insérait bien dans ce que Richa imaginait être la vie aux Terres de Sang avant le règne de Sarrion.
Pour terminer, l'élément certainement le plus probant était qu'il lui semblait qu'Endam avait dit qu'Aymerikk était affilié à la famille royale des Terres de Sang.
Tous ces indices faisaient naître l'incertitude en Richa, augmentant la sensation que tout tanguait autour d'elle. Si cela continuait, elle craignait de vomir au milieu de la bibliothèque.
Elle avait besoin de savoir sans le moindre doute possible si le Aymerikk qu'elle avait connu appartenait, comme elle, à la famille Vervaïl ou si il s'agissait de quelqu'un sans le moindre rapport.
Espérant trouver dans le recueil un arbre généalogique illustré des portraits des différents membres de la famille, elle le feuilleta fébrilement, presque avec panique, jusqu'à s'arrêter sur ce qu'elle cherchait.
Un nouvel arbre généalogique s'étalait devant ses yeux et, au lieu d'un saule, il était très simple dans sa composition avec des lignes qui reliaient chaque membre de la famille. Son originalité résidait dans les portraits qui illustraient les noms de chacun, enfermés dans des cadres ovales dessinés sur le papier, tout en couleurs.
En ayant donc l'occasion, elle détailla l'image de Silars pour pouvoir mettre un visage sur cet oncle sur qui tous gardaient le silence.
Sa peau était encore plus pâle que celle de Sarrion, ses pommettes étaient hautes, les mêmes que celles de Sarrion ou Richa, celles de la famille Vervaïl apparemment. Sa bouche, plutôt larges, avait les lèvres fines. Son était nez droit et légèrement épaté sur les côtés. Son visage avait une forme plus douce, légèrement arrondie, que celui de Sarrion. En revanche, ses yeux avaient exactement la même forme que ceux de son cadet mais, au lieu d'être vairons, ils étaient d'un rouge extrêmement foncé. Pour terminer, ses cheveux noirs retombaient souplement sur ses épaules en mèches plus courtes sur son front haut.
Il se dégageait de son visage quelque chose d'effrayant. Certainement tenait-il de son père, mais, au moins, elle savait à quoi ressemblait cet oncle, à défaut de connaître les raisons de son bannissement.
Elle refusa cependant de regarder le portrait de Rekialr, ne souhaitant pas voir le visage de ce grand-père qu'elle haïssait déjà. Pour être certaine de ne pas le regarder, n'aurait-ce été que par accident, elle plaqua sa paume sur l'emplacement de Rekialr et se concentra plutôt que le portrait d'Aymerikk.
Son cœur se bloqua dans sa poitrine. C'était bien Aymerikk, le vampire qui restait dans sa cabane à l'écart dans le village camouflé dans la forêt de Plainiore, dont le portrait était peint sur l'arbre généalogique.
Cette constatation lui donna envie de hurler. Le même tourbillon d'émotions indéfinissables que lors de son retour de son petit-déjeuner avec Sarrion se déchaina en elle.
Avant de céder à ses sentiments, elle suivit les lignes qui relaient Aymerikk à Sarrion.
Sa place, en haut à gauche, paraissait signifier qu'il n'était apparenté aux Vervaïl qu'indirectement. Le confirmant, Richa constata qu'il était le fils du cousin de l'époux de la sœur de Rekialr, Damisska. Si il appartenait à la famille royale des Terres de Sang, c'était seulement par alliance mais il avait néanmoins un lien fort avec elle.
D'un geste brusque, elle referma le volume, tirant à nouveau Yennaël de sa lecture. Le jeune homme ouvrit la bouche pour lui demander ce qu'il lui arrivait mais elle secoua négativement la tête avant qu'il ne formule sa question. Si elle se retrouvait à devoir expliquer ce qu'elle avait découvert et ce qu'elle en ressentait, elle allait exploser au milieu de la bibliothèque.
Le crâne bourdonnant, elle se leva en faisant signe à Yennaël qu'il pouvait rester pour étudier ces grimoires. Elle n'avait pas besoin qu'il l'accompagne. Pour l'instant, il lui fallait digérer ce qu'elle venait de découvrir.
A pas pressés, elle quitta la bibliothèque et se dirigea vers ses appartements, n'ayant aucun autre endroit au palais où se réfugier. Elle souhaitait rester un peu seule pour retrouver son calme.
C'était sa deuxième crise émotionnelle de la journée et la matinée n'était pas encore achevée. Cette journée était déjà beaucoup trop longue.
Il semblait cependant qu'elle ne faisait que commencer.
Sarrion, accompagné d'Okda, l'attendait devant la porte de ses appartements.
Un soupir de lassitude gonfla la poitrine de Richa. Après les révélations que lui avaient apporté les ouvrages de la bibliothèque, elle ne se sentait pas d'humeur à voir son père. Sans compter que, comme bien souvent, elle manifestait son trouble par de la colère qu'elle dirigeait vers lui qu'elle pouvait tenir pour responsable, même si, objectivement, il n'y était pour rien. Ses émotions déchainées avaient besoin d'un coupable sur qui se concentrer mais elle ne souhaitait pas se montrer si odieuse avec le souverain pourtant, soumise à cette tempête émotionnelle, elle ne parvenait pas à faire autrement.
Les ignorant, elle poussa la porte pour pénétrer dans son salon. Face à l'indifférence qu'elle affichait, Sarrion pinça les lèvres en détournant le regard, peiné.
Malgré l'opposition qu'elle manifestait envers leurs présences, Okda et Sarrion la suivirent dans ses appartements.
Comprenant qu'elle ne pourrait les éviter seulement en feignant de ne pas les remarquer, Richa soupira de nouveau et, se tournant vers eux avec les bras serrés autour d'elle, elle s'enquit :
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Le Souffle de Kaëv'ah - Tome 4 : L'Héritage du Sang [Terminé]
FantasiLa quête de Richa sur ses origines l'emmène jusqu'aux Terres de Sang, seul royaume libre de l'influence de la Flamme Blanche mais sous le règne de Sarrion Vervaïl, vampire à la réputation inquiétante. Les découvertes qui attendent la jeune fille ris...