Chapitre 12 - Les Terres de Forêt

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Zachary Biliorre écarta le rapport qu'on venait de lui présenter pour le déposer sur la pile des documents déjà étudiés. Il n'y jeta qu'un regard rapide en le parcourant en diagonale. Il n'avait pas réellement besoin de le lire dans les détails pour savoir ce qu'il contenait, le ministre qui se chargeait de ce genre d'affaires terminait juste de le lui résumer. De toute manière, même sans qu'on le lui explique ou qu'il ne le lise attentivement, il savait déjà parfaitement ce que ces documents racontaient.
La situation du royaume n'évoluait pas ou, alors, elle ne le faisait qu'en se dégradant. Les Terres de Forêt plongeaient chaque jour un peu plus dans la désolation.
Tous les documents étalés devant lui sur la table de réunion présentaient l'état d'un aspect du royaume, financier, agricole, commercial, démographique ou encore en terme d'infrastructures. Tous ces indicateurs de la situation du pays étaient au plus mal et ce depuis des années.
Le problème n'était pas que la pauvreté rongeait le royaume, comme aux Terres d'Eaux. Au contraire, les finances de l'Etat restaient largement correctes malgré le fait que peu de gains venait les augmenter depuis des années. Les bâtiments des villes et les infrastructures ne souffraient pas d'avaries, tout fonctionnait normalement et rien ne s'écroulait ni ne menacer de le faire. Tout était entretenu autant que possible. Le royaume ne rencontrait pas non plus de pénuries particulières, pas davantage que ses voisins ou que durant des périodes plus prospères. Le manque de moyens ne causait pas de disette, de maladie ou de problèmes d'hygiène.
Ce qui préoccupait le Gouvernement était qu'il n'y avait plus personne dans ce royaume. Les Terres de Forêt ressemblaient de plus en plus à une Terre fantôme. On pouvait s'égarer durant des heures dans les rues de la capitale sans croiser personne ni maison habitée. Les fenêtres et les portes avaient été barrées par des planches de bois, rendant les bâtisses sourdes et muettes, pour éviter les pillages en attendant que les propriétaires reviennent, ce qui ne semblait pas être pour prochainement.
Zachary doutait de voir le retour des Foresiens durant son règne et de son vivant.
La majorité de la population s'était exilé vers les autres royaumes sous l'égide de la Flamme Blanche, y compris vers les Terres d'Eaux. Les citoyens foresiens préféraient la misère qui rongeait ce pays au danger des Terres de Forêt.
Au départ, lorsque le front contre les Terres de Sang s'était établi, tous pensaient, les autorités, les soldats ou les simples habitants ordinaires, que ce n'était l'affaire que de quelques mois, un et demi au maximum. Tout le monde s'était attendu à ce que la Flamme Blanche conquière les Terres de Sang très rapidement. Après tout, l'organisation avait été particulièrement efficace pour réunir les Terres sous sa tutelle et il n'y avait pas de raison pour que les choses se déroulent différemment avec cette opération. La désillusion avait été brutale.
La résistance qu'avait opposée les Terres de Sang avait surpris l'Alliance nouvellement née. Non seulement les Sanguiliens avaient repoussé les assauts des soldats en blanc mais ils avaient également lancé des attaques en représailles. Ce qui aurait dû être une ''purification'' générale ne dépassant pas les plusieurs semaines s'était transformé en une véritable guerre d'usure. Les deux lignes de front s'étaient instauré et les affrontements s'étaient multiplié.
Les premiers habitants à avoir fui le royaume avaient été ceux vivant à proximité de la frontière. Même si la ville la plus proche était Ikka, à quelques kilomètres, les dégâts dus aux combats s'étaient largement étendu alors que les affrontements gagnaient en intensité.
La région avait été ravagée dès les premiers mois à cause de la violence des offensives et des représailles. Les fermiers avaient rapidement compris qu'ils ne pourraient plus exploiter leur domaine, entre les champs dévastés et les troupeaux massacrés en dommages collatéraux. Certains des citadins avaient suivi le mouvement.
Plus cette guerre s'éternisait, plus les affrontements augmentaient en se faisant toujours plus sauvages, plus la désolation qui avoisinait la frontière gangrénait le reste du royaume. Certaines des incursions sanguiliennes avaient déjà dépassé le Hort. Heureusement d'ailleurs que les Terres de Sang n'entretenaient aucune ambition d'invasion, sinon, il n'aurait plus resté grand chose des Terres de Forêt très rapidement. Les troupes sanguiliennes se retiraient toujours sans s'emparer d'une partie du territoire.
Par crainte de ces ravages que provoquaient les combats réguliers, une grande partie de la population avait préféré s'exiler, poussée par la peur que le champ de bataille n'atteigne un jour Forèliore.
Pour l'instant, ce n'était pas encore arrivé mais ce n'était pas pour autant que la situation ne préoccupait pas le royaume.
Il restait encore quelques milliers de personnes qui s'accrochaient encore à leur pays natal, par loyauté, manque de moyens, courage ou inconscience. L'endroit qui souffrait le moins de ces fuites était le palais royal. Son personnel avait diminué mais il y avait toujours suffisamment de monde pour gérer le palais, politiquement et matériellement, même si certains membres du Gouvernement avaient envoyé leur famille en sécurité dans les autres royaumes.
Avec la forte chute démographique, il n'y avait plus grand monde pour cultiver la terre et produire les quelques ressources nécessaires à la survie du royaume.
Zachary songeait à envoyer les employés du palais pour aider les quelques fermiers qui luttaient pour s'occuper de leur exploitation de façon à obtenir le rendement suffisant à la bonne santé du royaume. Le palais se serait retrouvé sans domestique mais Zachary estimait que les membres de la noblesse qui y vivaient auraient dû être capable de s'habiller et de faire leur lit seuls. La survie du royaume lui semblait bien plus importante que le petit confort des nantis.
Dans cette optique, le souverain rédigea une ordonnance à ce propos et la confia au ministre chargé de la supervision de l'exploitation agricole du royaume, Karin Biliorre, le frère de son épouse, pour qu'il puisse étudier cette proposition et lui présenter la meilleure manière de l'appliquer.
La réunion s'achevant avec la soumission de ce projet, Zachary quitta la salle en saluant son gouvernement sans grande conviction, découragé depuis longtemps même si il cherchait encore des stratégies pour améliorer la situation de son royaume. Le menton bas et plongé dans ses réflexions, il se dirigea vers ses appartements et le petit salon où l'attendait son épouse.
Une démarche pressée derrière lui le fit se retourner et il stoppa pour laisser Karin venir à sa hauteur. Zachary pensait qu'il souhaitait lui demander des précisions sur l'idée qu'il venait de proposer mais, au lieu de cela, son beau-frère s'enquit sur un ton informel, s'adressant à lui en tant que membre de sa famille et non comme un ministre :

Le Souffle de Kaëv'ah - Tome 4 : L'Héritage du Sang [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant