Chapitre 2 - La vérité au temple

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Sa main encore serrée dans celle d'Anna'ën, Richa fixa ce dernier sans parvenir à croire ce qu'elle venait d'entendre.
Lorsque le prêtre l'avait contactée pour la prévenir qu'il avait une information à lui communiquer, elle avait pensé qu'il avait une piste qu'il lui faudrait creuser, comme celles qu'elle remontait en vain depuis son arrivée dans l'Enclave. En vérité, elle n'en attendait pas grand chose et ça avait davantage été un prétexte pour qu'ils s'éloignent de la Flamme Blanche vers un lieu où elle se sentait en sécurité que pour la certitude de découvrir quelque chose.
Jamais elle n'avait envisagé une annonce pareille. D'ailleurs, elle doutait d'avoir correctement compris les paroles d'Anna'ën. Sa surprise était telle que sa confiance en lui s'en trouvait ébranlée. Comment aurait-il pu apprendre le moindre élément à son sujet en restant cloîtré dans l'enceinte du temple ? Se moquait-il d'elle ?
A la recherche de précisions supplémentaires et de la confirmation qu'Anna'ën n'exagérait pas, se tourna vers les autres prêtres et prêtresses présents mais tous semblaient aussi surpris qu'elle, échangeant des regards interrogatifs et froncements de sourcils perplexes.
Visiblement, Anna'ën n'avait partagé à personne ce qu'il savait et il avait réservé ces révélations à la principale concernée. Ce secret autour de cette information pouvait sembler étrange lorsque l'on savait que les prêtres et prêtresses de ce temple partageaient tout dans leur quotidien. L'information qu'Anna'ën détenait devait vraiment être particulière et sensible pour qu'il juge nécessaire de la garder secrète.
Un nœud d'appréhension se forma dans la gorge de Richa à cette idée. Elle n'était pas certaine que tout ce mystère soit de bonne augure.
Cette nouvelle connaissance qu'avait le prêtre sur son identité était probablement à l'origine du changement de comportement de ce dernier à l'égard de la jeune fille. Quelle découverte justifiait de passer de l'amitié teintée d'un certain désir au respect exagéré ? L'angoisse de Richa augmenta.
En quête de soutien, elle attrapa le regard de Yennaël derrière elle. Le jeune homme roux haussa les épaules, lui signalant qu'il peinait à deviner ce que le prêtre avait à lui révéler mais il lui sourit pour la rassurer.
A travers ce sourire, Richa comprenait également qu'il lui disait que le seul moyen d'en avoir le cœur net était d'écouter Anna'ën mais que, si la crainte se faisait trop grande, rien ne l'obligeait à récolter cette information. Si elle le désirait, ils pouvaient repartir immédiatement.
Réconfortée par la présence de Yennaël, elle lui rendit son sourire et, sans réellement s'en apercevoir, elle glissa sa main hors de celle d'Anna'ën pour la loger dans celle de Yennaël qui s'avança à sa hauteur. Relevant leur échange, Anna'ën fixa leurs doigts entrelacés avec un froncement de sourcils désapprobateur. De toute évidence, il n'appréciait pas la proximité que les deux jeunes gens manifestaient l'un envers l'autre.
Puisant du courage dans le contact avec Yennaël et son impatience se faisant plus forte que son appréhension alors qu'elle se faisait mentalement la remarque qu'ils n'allaient pas rester ainsi durant des heures, elle pressa Anna'ën :

« Bon alors ? Dis-moi qui je suis ! Tu vas pas faire durer le suspens. A moins que tu ne veuilles une annonce avec des trompettes et tout le tralala.
- Bien sûr que non. C'est juste que je préfèrerais t'en entretenir en privé. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut annoncer comme ça d'un coup...

Cette précision, qui sous-entendait le caractère sensible de la révélation, fit paniquer Richa. Ses yeux affolés se tournèrent vers Yennaël par réflexe. Lui servant d'ancrage, le jeune homme pressa ses doigts avec encore plus de force.
Elle-même ne comprenait pas les raisons d'une telle anxiété. Peut-être que son instinct lui soufflait que cette révélation n'allait pas lui plaire. D'où cette désagréable intuition lui venait-elle ? Et cela pouvait-il réellement être pire que lorsqu'elle avait envisagé être l'enfant d'une elfe séquestrée et que son possible père voulait faire d'elle sa concubine ? Elle ne le pensait pas.
Depuis son arrivée dans l'Enclave, elle avait affronté tellement de choses, la dernière en date étant la torture, elle aurait dû être capable de supporter les révélations à son sujet. Sans compter que la question de qui elle était l'avait hantée durant des années, son obsession de le découvrir avait grandi en apprenant sa nature d'Humcréa, et, à présent que la vérité se trouvait à portée, elle n'allait certainement pas reculer car elle appréhendait. Après toutes ces épreuves, elle était capable de tout surmonter.
Prenant une profonde inspiration pour se donner du courage, elle acquiesça à l'adresse d'Anna'ën, lui signifiant qu'elle se sentait prête à l'accompagner dans un lieu plus approprié pour l'écouter. Le prêtre lui répondit d'une révérence, qui fit écarquiller les yeux à Richa. Il n'aurait plus manqué qu'il lui annonce que ses désirs étaient des ordres pour que la mascarade soit complète.
A côté d'elle, Yennaël ne put ravaler l'expression entre la perplexité et la surprise qui marqua ses traits face au comportement d'Anna'ën. Lorsque Richa lui avait parlé du temple, il n'avait pas imaginé qu'elle y était considérée comme une personnalité presque sacrée et il n'avait pas pensé que son statu de supposée fille de Kall'ghan la transformait en objet de vénération.
La profonde circonspection qu'affichait Richa lui apprit qu'il n'en était rien et que cette déférence était nouvelle. Jamais Anna'ën n'en avait montré une pareille auparavant et elle n'appréciait pas vraiment ce changement.
Yennaël lui renvoya une moue navrée de compassion. Lui aussi connaissait le sentiment d'inconfort devant un respect exagéré, surtout lorsqu'on jugeait ce respect immérité ou incompréhensible.
Constatant que le jeune homme comprenait parfaitement réconforta Richa et elle se demanda comment elle aurait abordé toute cette situation si il ne l'avait pas accompagnée. Certainement ne se serait-elle pas laissé aller à se montrer si vulnérable.
Après avoir donné quelques directives aux autre prêtres et prêtresses, Anna'ën amena Richa et Yennaël jusqu'au bâtiment qui accueillait les différentes salles communes, le même que celui où la jeune fille avait écouté l'histoire de l'ordre de Kall'ghan.
Le regard éloquent qu'Anna'ën posa sur Yennaël suffit pour dire qu'il aurait souhaité être seul à seule avec Richa pour lui parler mais la jeune fille le tira à sa suite. Il n'était pas question qu'elle demeure seule face aux révélations d'Anna'ën, pas alors que l'angoisse revenait comprimer sa poitrine. De toute manière, Yennaël ne comptait pas laisser Richa seule, avec ou sans l'avale du prêtre.
Se résignant donc à faire avec la présence du jeune homme, Anna'ën leur fit signe de prendre place sur les coussins entassés au sol. L'elfe ne s'installa cependant pas avec eux. Demeurant debout face à eux, il effectua les cents pas en se tordant nerveusement les mains, tout en jetant régulièrement des regards en coin à Richa.
Ce comportement se rapprochait beaucoup de celui qu'il avait eu lors de leur première discussion, lorsqu'il peinait à choisir ses mots et hésitait, retenu par la honte. La découverte qu'il avait faite provoquait donc chez lui le même genre de réaction que lorsqu'il était sujet de l'ordre de Kall'ghan.
Les regards qu'il adressait sans cesse à Richa s'avéraient cependant légèrement différents. Plutôt que de gêne, ils étaient chargés de doutes, de respect, de dévotion, d'incompréhension et d'un peu d'incrédulité.

Le Souffle de Kaëv'ah - Tome 4 : L'Héritage du Sang [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant