Chapitre 42 - Les grands de ce monde

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Dans un soupir, Rafaël se laissa escorter à travers la Forteresse Blanche par un Homme Blanc.
Il se résignait à se faire accompagner, même si il avait insisté et répété qu'il n'avait pas besoin d'un quelconque garde, ça avait été en vain.
Le jeune homme se sentait assez offusqué qu'on accorde si peu d'intérêt à ce que dirait une personne de sang royal, un prince héritier qui plus était. Sans compter que, au cœur de la Forteresse Blanche dans les Iles Blanches, il ne risquait rien mais Rafaël se demandait si cette escorte visait à le protéger ou bien à le surveiller. Après tout, il savait que la Flamme Blanche s'était toujours méfiée de sa famille à cause des rumeurs lui prêtant une ascendance elfique et encore plus particulièrement de lui de par son positionnement ouvertement opposé à l'Alliance Blanche.
Dans tous les cas, Rafaël se retrouvait avec un Homme Blanc qui le suivait de près. Pour le moment, il le supportait mais dès qu'il aurait besoin de davantage de tranquillité, il trouverait le moyen de le renvoyer. En attendant, le soldat lui était utile pour atteindre les archives de la Flamme Blanche contenues dans l'édifice.
Rafaël ne devait qu'à son titre d'avoir eu la permission d'y accéder. Les documents qui s'y trouvaient étaient sensibles et l'organisation se montrait très prudente sur qui s'en approchait.
Guidé par l'Homme Blanc, le prince emprunta un escalier y conduisant aux sous-sols de la forteresse, éclairé par une lanterne tenue par le soldat. Les marches les amenèrent au palier d'une porte peinte en blanc gardée par deux autres Hommes Blancs. Ils échangèrent quelques mots avec l'escorte de Rafaël puis l'un des deux sortit une clé dont il déverrouilla la serrure de la porte, livrant le passage vers les archives.
Le prince les remercia d'un hochement du menton en entrant dans la salle.
Celle-ci était plus longue que large. Trois rayonnages étaient alignés dans le sens de la longueur et se prolongeaient sur des dizaines de mètres jusqu'à l'autre côté de la pièce. L'endroit était éclairé par des lustres pendant régulièrement du plafond et dont les chandelles allumées étaient protégées par des coques de verre transparent pour empêcher toute étincelle de voleter jusqu'aux bibliothèques et de tout enflammer.
Il devait y avoir des centaines et des centaines de documents réunis ici. C'était la première fois que Rafaël se rendait ici et il ignorait par où commencer. Il aurait pu se renseigner auprès de l'Homme Blanc qui l'accompagnait, que ce dernier ait une utilité autre que le contrarier, mais il préférait éviter que la Flamme Blanche ne connaisse dans les détails le motif de sa venue et le sujet sur lequel il venait de se renseigner. Il trouverait seul. Une chose que Rafaël devait reconnaître à la Flamme Blanche était son organisation. Les documents étaient parfaitement ordonnés.
S'engageant entre les rayonnages, il entreprit d'examiner les volumes d'archives, l'Homme Blanc à sa suite. Constatant que cette section semblait consacrée aux rapports d'arrestation et d'exécution d'Humcréas, il y passa rapidement pour poursuivre ses recherches plus loin, remontant l'allée tracée par les rayonnages.
Arrivant à un espace entre les bibliothèques, interrompant les rangs de documents, qui permettait d'accéder au couloir voisin, il y tourna. Ce que les hautes étagères lui dissimulaient se dévoila et Rafaël marque un temps d'arrêt sous le coup de la surprise.

« Que fais-tu là ? Lui demanda Ismène, visiblement aussi étonnée que Rafaël.

– Je te retourne la question, chère cousine. Répliqua Rafaël en se reprenant vivement.

– Je n'ai pas à me justifier devant toi. Rétorqua Ismène.

– De même pour moi.

Ismène haussa les épaules, signifiant à Rafaël qu'elle se moquait finalement bien de ses motivations, et se détourna du jeune homme pour se concentrer à nouveau sur les rayonnages face à elle. Rafaël haussa les épaules à son tour dans réellement s'attarder sur la présence de sa cousine qui lui importait peu.
Si les deux cousins ne se disputaient pas et restaient toujours courtois l'un avec l'autre, ils ne s'entendaient pas particulièrement bien et, lorsqu'ils n'étaient forcés de parler ou de se fréquenter, ils préféraient se taire. C'était un peu comme si chacun restait sur ses gardes face à l'autre.
Même si il n'accordait que peu d'intérêt à la présence d'Ismène aux archives de la Flamme Blanche, bien qu'il aurait été en droit de se demander ce qui pouvait bien conduire une princesse non-héritière jusqu'ici, Rafaël revint poser les yeux sur la jeune fille, quelque chose l'intriguant.
A la place de ses habituelles tenues riches et raffinées, elle portait un ensemble blanc cassé orné de broderies vertes et jaunes, qui se composait d'un pantalon large, qui passait pour une jupe lorsqu'elle serrait les jambes, et une longue veste légère tombant jusqu'à ses chevilles sur une simple chemise blanche. Il s'agissait d'une tenue de voyage, comme si elle arrivait directement des Terres de Fer et qu'elle s'était immédiatement rendu aux archives sans prendre la peine de se changer. Ses cheveux étaient coiffés en une simple queue de cheval haute et, pour tout bijou, elle arborait seulement un bandeau doré ceignant son front qui témoignait de son rang.
Ce devait certainement être la première fois que Rafaël la voyait aussi peu apprêtée. Quelle justification y avait-il à un tel empressement qui ne ressemblait pas à Ismène ?
Peut-être que la présence de cette dernière méritait que Rafaël s'y penche finalement.
S'attardant donc davantage à la jeune femme, le prince l'observa plus longuement. Comme lui, Ismène était escortée par un Homme Blanc, qui se tenait derrière elle. La coloration du visage du soldat ainsi que la façon dont il surveillait la princesse montraient qu'il n'était nullement indifférent à sa beauté, comme beaucoup.
Debout devant l'une des bibliothèques, la tête penchée sur le côté, elle étudiait le contenu du rayonnage. Son attitude semblait indiquer qu'elle ne s'arrêtait sur ces documents que par curiosité, jouant les ingénues mais, en avisant le sujet de cette section, Rafaël ne put croire qu'il ne s'agissait que d'une coïncidence.
Masquant sa surprise et sa soudaine fébrilité, le jeune homme attira l'attention d'Ismène en posant une main sur son épaule. La jeune fille se tourna vers lui dans un soupir avec une expression de lassitude sur ses traits. Apparemment, elle considérait avoir autre chose à faire que de répondre aux questions de son cousin, qui l'importunait.
En silence pour ne pas que les Hommes Blancs comprennent de quoi il était sujet, Rafaël accrocha le regard d'Ismène et indiqua le contenu de l'étagère d'un geste de la tête. Saisissant l'interrogation du jeune homme, Ismène leva sur les deux Hommes Blancs qui se tenaient en retrait.
Rafaël n'eut pas besoin de davantage de précisions pour comprendre que sa cousine lui signifiait qu'elle préférait ne rien dire en présence de représentants de la Flamme Blanche.
Au moins, ils étaient d'accord sur ce point : ils étaient bien mieux sans escorte susceptible de rapporter leur échange à quelqu'un, quelqu'un comme Blanche la Pure. De toute manière, Rafaël comptait se débarrasser de son accompagnateur à un moment ou à un autre et celui-ci semblait être approprié.
Fouillant dans la poche intérieure de sa redingote blanche et brune, le jeune homme sortit une bourse de cuir souple aux joues gonflées. Le son des pièces s'entrechoquant à l'intérieur se fit parfaitement entendre.
Lançant la bourse à l'un des deux Hommes Blancs, Rafaël lui proposa :

Le Souffle de Kaëv'ah - Tome 4 : L'Héritage du Sang [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant