Chapitre 17 - Sarrion Vervaïl

24 6 0
                                    

Dès que les gardes escortant cette surprenante jeune fille eurent refermé la porte de la salle du trône, un brouhaha de protestations et d'incompréhensions envahit la pièce. Toutes ces exclamations étaient évidemment adressées à Sarrion.
Ses ministres voulaient comprendre ce qui avait motivé cette décision apparemment insensée ou bien tentaient de le dissuader de s'y tenir, jugeant cela bien trop risqué. Même si les formulations étaient différentes, tous s'opposaient à cette conversation et cherchaient à comprendre pourquoi il avait donné un tel ordre.
Les seuls qui demeuraient silencieux sans s'emporter étaient les deux hommes en uniforme encore présents. Ils l'étaient déjà avant l'irruption de la jeune femme, Okda et Lycien. Le premier se tenait là en tant que garde du corps personnel de Sarrion, dont il ne s'éloignait jamais de beaucoup, et il ne parlait déjà que rarement à l'accoutumée. Entendre sa voix était quelque chose d'assez exceptionnel pour le signaler.
La présence de Lycien était davantage atypique. Le général de brigade avait été convié à cette réunion pour parler des connaissances qu'il avait pu récolter sur Yennaël Lanwil dans les autres royaumes. Il n'était revenu des Terres de Fer que depuis peu et se retrouvait convoqué au milieu des ministres.
Entre sa timidité et sa tendance à se réduire face à l'autorité, il n'y avait rien de surprenant à le voir garder le silence lui aussi. Sans compter qu'il ne se serait jamais permis de s'adresser directement à son souverain sans y avoir été invité, surtout pour critiquer l'une de ses décisions.
Certainement était-ce car ils se taisaient que les ministres s'emportaient autant, pour compenser leur silence.
Plutôt que de répondre à toutes ces interrogations ou de se justifier, Sarrion y mit fin d'un geste vif de la main. Avant que toutes les exclamations ne reprennent en lui provoquant un début de migraine, les voix se confondant à l'intérieur de son crâne alors qu'il entendait également les paroles de la jeune fille et qu'il revoyait de vieux souvenirs pas suffisamment enfouis, Sarrion congédia tout le monde, exceptés Okda et Lycien.
Sans toujours prononcer un mot, le colosse se plaça devant la porte pour s'assurer que personne ne viendrait importuner le souverain, ayant deviné qu'il ne souhaitait pas être interrompu par quelqu'un d'autre que ceux qu'il avait priés de rester dans cette pièce.
Dès que son Gouvernement eût quitté les lieux, Sarrion perdit son calme et sa retenue qui le caractérisaient. Ses mains s'agitèrent de tremblements nerveux, son visage se crispa, il se mordilla la lèvre inférieure, exposant une canine acérée, et il regard anxieusement autour de lui, comme si il recherchait désespérément quelque chose en vain.
Okda arqua un sourcil, surpris de ce comportement. Depuis plusieurs années qu'il travaillait au plus près du roi, il ne l'avait jamais vu dans un tel état. Même face à une situation particulièrement complexe ou lorsqu'il devait gérer la sécurité de tout son royaume, compromise par les attaques de la Flamme Blanche, il ne laissait transparaître aucune manifestation de panique. Quelles que soient les circonstances, il restait toujours assuré et réfléchi. Il réglait tous les problèmes, même les plus épineux et compliqués, avec la même attitude posée et décontractée avec recul et sérénité. Rien ne semblait pouvoir être capable d'entamer sa tranquillité paisible et imperturbable, pourtant, il était plus que perturbé car une jeune fille avait soudainement interrompu la réunion en hurlant qu'elle voulait voir son père.
La raison aurait pu être aisée à deviner et l'hypothèse ne paraissait pas des plus difficiles à construire mais ni Okda ni Lycien ne se permettait de l'établir. Le premier ne réussissait pas suffisamment à maîtriser les relations humaines et peinait trop à les comprendre pour imaginer ce qu'il se passait dans l'esprit de Sarrion, même en le connaissant depuis longtemps.
Quant à Lycien, il n'aurait jamais pris la liberté de supposer quelles étaient les pensées de Sarrion. Il osait tout juste le regarder en face alors il n'aurait pas l'audace de se projeter dans son esprit, même si ça n'aurait pas dépassé le stade de la supposition puisqu'il ne possédait pas le moindre don de télépathie.
L'espion aurait pourtant souhaité comprendre ce qui bouleversait son souverain pour l'aider à le surmonter mais, même si il avait su, il n'aurait rien fait, il n'en aurait jamais eu le courage. Même actuellement, il ne trouvait pas la force de faire seulement un pas en direction de Sarrion et encore moins de lui poser une main sur l'épaule pour le soutenir ou l'apaiser, ni de le questionner sur ce qu'il lui arrivait.
Tout ce qu'il faisait était de garder les yeux bas, en silence, alors que Sarrion semblait s'affoler davantage, traversé de tremblements et son regard reflétant une multitudes de doutes.
Ne s'embarrassant guère des convenances ni ne se laissant enfermer par la timidité – si il se taisait perpétuellement, c'était seulement qu'il n'avait rien à dire – Okda s'enquit sans que son visage n'exprime autre chose que son impassibilité coutumière :

Le Souffle de Kaëv'ah - Tome 4 : L'Héritage du Sang [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant