Chapitre 38 - Eurydice [2/2]

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Le cœur au bord des lèvres, Yennaël voulut se redresser mais ses bras tremblants se dérobèrent sous son poids et il retomba durement contre son oreiller.
Il lui fallut plusieurs secondes pour retrouver la maîtrise de son corps agité de spasmes. Sa poitrine se creusait et se soulevait profondément au rythme de sa respiration erratique. Lorsqu'il y parvint, il essuya son visage trempé de sueur de la manche de sa tunique de nuit.
En se raisonnant et se focalisant sur la chambre autour de lui, il parvint peu à peu à dissiper les images ensanglantées qui s'attardaient sur ses rétines.
Prenant de longues inspirations, autant que le lui permettait son souffle désordonné, il se calma lentement après de longues minutes.
Il avait l'habitude de ces cauchemars qui peuplaient son sommeil depuis toujours, composés des souvenirs de Mirévoyk, mais, ces derniers temps, ils lui semblaient de plus en plus intenses. Les raisons qui auraient pu l'expliquer l'effrayaient mais il ne pouvait s'empêcher d'y songer de plus en plus alors que ces souvenirs paraissaient avoir de plus en plus d'emprise sur lui.
Mirévoyk semblait gagner en force dans son esprit et les maigres résistances qu'il s'était efforcé d'ériger durant son enfance ne le retenaient guère. Peut-être ne lui restait-il plus longtemps avant d'être écrasé par l'âme de Mirévoyk et de se retrouver enfermé dans un recoin de son propre esprit.
La renaissance et le retour de Mirévoyk tant attendus par sa famille n'allaient probablement plus tarder. Cette idée faisait remonter des frissons le long de l'échine de Yennaël. Ce n'était pas l'idée de ce qui s'apparentait à une mort qui le faisait ainsi trembler mais davantage celle que, prochainement, Mirévoyk pourrait agir librement dans son corps.
Les images qui hantaient sa mémoire lui confirmaient à quel point la chose aurait été terrible et les leçons de ses parents sur l'histoire de Mirévoyk ne venaient qu'appuyer cette certitude.
Toute sa famille paraissait vénérer cette figure emblématique de l'Enclave pourtant, Yennaël savait que le retour de Mirévoyk serait certainement la pire chose pour leur monde. Il était terrifié par cette possibilité qu'il était le seul à pouvoir empêcher de se réaliser. C'était de sa responsabilité en tant que réincarnation. Son devoir était de faire barrage au retour de Mirévoyk.
Les moyens de le faire ne semblaient cependant pas nombreux. Yennaël n'en entrevoyait guère. Sans compter que Mirévoyk paraissait toujours plus puissant.
Il devait agir avant. Il ne pouvait permettre à Mirévoyk de sévir à nouveau.
Presque dans un état second, guidé par sa détermination, il se leva, incertain sur ses jambes, et quitta sa chambre.
Dans les couloirs éclairés par la lumière du soleil, il se dirigea presque par automatisme vers la tour qui flanquait la forteresse. Pour ce faire, évitant les patrouilles de gardes, il passa par les quartiers des domestiques, où certains commençaient déjà à se lever en se préparant à leur journée de labeur.
Montant les escaliers en colimaçon, il atteignit le sommet de la tour où il sortit sur le chemin de ronde qui longeait le toit, qui le surplombait. S'appuyant contre le rempart, il observa la ville des mètres plus bas. Une chute de cette hauteur aurait été mortel, sans aucun doute.
Les membres encore tremblants de son cauchemar, il se hissa sur le rempart, le regard rivé sur le sol. Il avança d'abord un pied au-dessus du vide sans faire suivre le reste de son corps, non pas qu'il hésitait.
Prenant une profonde inspiration pour s'encourager, il s'apprêta à sauter mais une voix le retint soudainement en s'écriant :

« Arrête, Yennaël !

Surpris, le garçon se tourna vers Eurydice, qui se tenait sur le chemin de ronde, encore en tenue de nuit, les yeux exorbités fixés sur Yennaël. Ses paumes ouvertes étaient tendues vers lui en un geste d'apaisement et de calme mais également de supplique qui l'implorait de ne pas bouger.

– Que fais-tu là ? Demanda Yennaël.

– Je...j'allais me préparer quand je t'ai aperçu dans le couloir... Mais et...et toi ?

– Tu le vois bien, non ? Lança Yennaël avant de revenir faire face au vide devant lui.

– Yennaël, non ! Je t'en prie !

Le Souffle de Kaëv'ah - Tome 4 : L'Héritage du Sang [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant