CHAPITRE SIX.

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Il paraît que la vie mérite d'être vécue. Pour ma part, j'avais l'impression de la subir plus que de la vivre. Je n'avais pas demandé à venir au monde, et pourtant je devais y endosser toutes les conneries qui allaient avec.

Ma naissance n'avait eu pour but que de venir compléter l'image faussement parfaite de notre famille. Vous savez, le père et la mère acharnés de travail pour subvenir aux besoins de leur famille, avec leur fils et leur fille bien élevés. Parfait pour les cartes de vœux et pour les discutions lors des soirées importantes. A base de :

« Oh, tu sais, ils étudient à la Clyde Hill University. Nathan deviendra avocat et Arabella étudie la finance. »

J'avais dû tenir ce rôle pendant la majeure partie de ma vie. J'écoutais mes parents et ne faisais pas de vagues. Mais peu de temps après que Nathan ait disparu, j'ai commencé à entendre cette petite voix en moi. Cette partie de moi, franche et rebelle qui voulait envoyer au diable toutes ces merdes. Je la gardais du mieux que je pouvais enfouie en moi, mais elle hurlait intérieurement pour exprimer son besoin de liberté.

La liberté d'être qui j'étais et de devenir celle que je voulais être. La liberté de m'exprimer sans avoir peur de décevoir ceux qui m'entouraient.

J'étouffais. J'étouffais sous ce masque de fausse perfection. J'avais été façonnée et modelée depuis mon plus jeune âge. Je n'en pouvais plus.
Je savais que tôt ou tard, cette petite voix se ferait entendre.

J'y comptais bien.

*

J'entrai dans le réfectoire, mon plateau à la main, et me dirigeai vers la table à laquelle se trouvaient mes amis. Arrivée devant eux, je leur adressai un sourire avant de m'asseoir à côté de ma meilleure amie. J'écoutai silencieusement leur discussion tout en commençant à manger ma salade. Sofia et Chloé discutaient de la nouvelle saison d'une série Netflix, tandis que Sam pianotait sur son téléphone. Alors que je triturai mon repas avec ma fourchette, un plateau se posa près du mien. Je levai les yeux et vis Jake, tout sourire.

- Bonjour toi, me dit-il en s'asseyant à mes côtés.

- Bonjour, lui répondais-je en prenant une fourchette de salade.

Jake avait toujours été adorable avec moi, et j'avais beaucoup d'affection pour lui. Il avait toujours été attentionné et gentleman, et c'est pour toutes ces qualités que j'aimais passer du temps avec lui. Il était simple, et j'aimais la simplicité. Une relation agréable et sans embûches.

- Tu as passé une bonne matinée ? Je tournais la tête vers lui et lui souris.

- Et bien, si deux heures de maths contribuent à passer une bonne matinée... alors disons que oui. Il rit, avant de remettre une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.

- Et toi, tu as passé une bonne matinée ? Lui demandais-je à mon tour.

- Une heure de droit et une heure d'histoire avec cet idiot de prof remplaçant... J'ai cru que cela ne se terminerait jamais.

Instantanément, mon estomac se noua. Mais je fis comme si de rien était et passais le reste de notre pause déjeuner à les écouter discuter, tout en leur esquissant quelques sourires de temps en temps.

*

J'hésitais très sérieusement à sécher ce cours d'histoire. Ou même à le remplacer par une autre matière. Mais cela m'était impossible car l'histoire faisait partie des matières appartenant au tronc commun. Donc ma dernière option était de m'échapper discrètement de l'université et de rentrer chez moi. Je savais déjà que mes parents ne seraient pas à la maison à cette heure ci. En revanche, je ne savais pas si je supporterais une énième fois de les entendre me dire qu'ils étaient déçus de moi, cette fois-ci car ils auraient reçu une lettre de mon école suite à cet élan de rébellion de ma part. Mais je savais que je ne me sentais pas capable de supporter ne serait-ce que le son de la voix du démon-psychopathe qui répond aussi sous le pseudonyme de M. Baker, professeur remplaçant d'histoire.

ARABELLAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant