La frontière entre la haine et la souffrance était très fine. Et Caleb Baker l'avait franchi, et aucun retour en arrière n'était possible. Je n'en autoriserais aucun. Il m'avait jeté en pleine figure mes maux les plus douloureux, ceux les plus enfouis en moi-même. Il les avait crachés à mes pieds, avant de quitter la pièce en claquant la porte.
Faire souffrir quelqu'un : synonyme : blesser, étreindre, meurtrir, oppresser, transpercer, ulcérer.
Je vouai désormais une haine si intense envers lui qu'elle semblait brûler mes entrailles. Je ne pouvais même plus poser mes yeux sur lui sans ressentir une profonde douleur dans la poitrine, accompagnée d'une folle envie meurtrière. Je le détruirai. La vengeance est un plat qui se mange glacé, chez les Remington.
*
Les bras d'Eli m'entourèrent et je ne dis rien. Je le laissai m'étreindre, le regard dans le vide et le cœur serré, puis adressai un regard à Isaac. Nous étions de retour en Californie. La veille, je m'étais endormie d'épuisement à force de pleurer. Je m'étais réveillée à l'aube après seulement quelques heures de sommeil, et avais découvert Caleb endormit dans le fauteuil dans lequel il s'était soigné plusieurs heures plus-tôt. J'avais décidé de faire semblant de dormir en tentant de calmer mon mal de crâne, jusqu'à ce qu'il se réveille à son tour, peu de temps après. Sans étonnement, le voyage s'était déroulé dans un silence de mort.
Je m'en voulais. Atrocement. D'avoir succombé aux envies folles et insensées qui m'avaient tant torturée. D'avoir baissé ma garde, et d'avoir voulu lui faire confiance. D'avoir pu le trouver à peu près sympathique à certains moments. De l'avoir laissé me toucher, et surtout d'avoir aimé ça. Et de l'avoir laissé prendre de l'avance sur moi. Je n'oubliais pas notre pari. Je comptais bien le gagner, perdre n'était pas envisageable. D'une certaine façon, je le remerciais intérieurement de m'avoir tant blessée avec ses mots, car à présent, j'étais prête à le détruire sans aucune once de compassion.
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La Jeep noire dans laquelle je m'étais assise bien trop de fois se garait devant un entrepôt en dehors de la ville. Je quittai la banquette arrière, le regard figé sur le bâtiment face à moi. Le QG. Eli se postait à mes côtés, tandis que Caleb filait droit vers l'entrée du bâtiment, sans nous accorder aucune attention. Eli me lança un regard suspicieux accompagné de sourcils froncés avant de m'entraîner jusqu'à la grande porte en métal gardée par plusieurs agents de sécurité. Ces derniers adressèrent un signe de la tête au blond avant de nous laisser pénétrer à l'intérieur. Caleb avait déjà disparu de notre champ de vision, et je suivais tant bien que mal Eli, qui marchait à grandes enjambées. J'étais si angoissée que je pouvais sentir le stresse me bouffer de l'intérieur. J'allais me retrouver face à cet homme qui, depuis le début, ne m'inspirait absolument rien de bon. Avec Caleb. Et vu la situation entre nous, il allait très certainement me jeter dans la gueule du loup. En l'occurrence, ce loup-là portait le prénom de Gabriel et avait promis de me faire subir les pires atrocités s'il apprenait qu'on ne lui disait pas la vérité me concernant.
Nous avançâmes plus encore au sein de ce qu'ils appelaient le QG, jusqu'à ce que des voix firent presser le pas d'Eli, et donc le miens aussi. Une dispute. Je ne mis pas longtemps à reconnaître la voix rauque et légèrement éraillée de Caleb. Eli adressait un regard entendu à un nouveau garde du corps posté devant une porte, puis le grand baraqué en costume l'ouvrit devant nous et nous n'attendîmes pas plus longtemps avant d'entrer.
-Je vous attend dehors, me chuchota Eli avant de me quitter rapidement et mon sang se glaça.
J'avais un infime espoir pour qu'il reste avec moi, et ainsi j'aurais eu l'impression qu'au moins une des personnes présentes dans cette pièce ne voulait pas me voir morte. Je sursautai lorsque Caleb abattait son poing sur le large bureau en chêne posté au centre de la grande pièce aux murs blancs. Le contraste entre l'extérieur et l'intérieur du bâtiment m'intrigua quelques instants. Tout comme au Vyne, ils ne voulaient pas attirer l'attention des gens sur leurs affaires.
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ARABELLA
RomanceLorsque son grand frère disparaît deux ans plutôt, le monde d'Arabella se fige. Contrainte par ses parents à faire bonne figure, elle se noie petit à petit dans un océan de questions et de ressentis vis à vis de cet événement bouleversant. Alors qu'...