CHAPITRE CINQ.

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Sept jours. Voilà une semaine que cette scène aussi ahurissante qu'irréelle avait eu lieu entre M. Baker et moi. Une semaine qu'il m'avait menacée en utilisant les mots de mon frère. Une semaine que j'avais la boule au ventre en y repensant et la nausée en me rendant en cours. Sept jours que la peur me rongeait de l'intérieur.

Je ne comprenais pas encore ce qu'il me voulait. Ni ce qu'il sous-entendait. Mais une chose était sûre, il connaissait Nathan. Ou du moins, il l'avait connu. Sinon, pourquoi tout cela ?

Je me posais un milliard de questions sur lui et sur la situation.

Que me voulait-il ?
Que voulait-il à Nathan ?
Qui était-il ?
Est-ce-qu'il était réellement professeur ?

Tout se mélangeait dans ma tête. Je n'arrivais plus à penser correctement et je frôlais la crise d'angoisse à chaque fois que je repensais au son de sa voix rauque. Tout cela ne m'indiquait rien de bon. Le danger semblait couler dans ses veines et je savais que je devrais le dénoncer et l'éviter à tout prix pour ma sécurité. Mais, une petite voix intérieure ne cessait de me crier « et s'il était le moyen de me ramener à mon frère ? ».

Nathan était parti il y a un-peu plus de deux ans. Du jour au lendemain, il s'était barré sans se retourner. Et sans prévenir personne. Pas même moi.

La relation entre mon frère et mes parents n'était pas simple, et elle ne l'avait jamais été. Donc je n'étais pas vraiment surprise qu'il ne leur ai rien dit. Mais en revanche, lui et moi étions très proches. Il était mon pilier et il disait de moi que j'étais sa motivation pour être une bonne personne. Il savait que, plus jeune, j'avais tendance à le prendre comme exemple.

Environ un an avant sa disparition jugée volontaire, Nathan avait rencontré des gens qui deviendront rapidement les personnes avec qui il passera le plus clair de son temps. Il en était même venu à ne plus aller en cours et avait l'air défoncé tout le temps. Il ne me parlait jamais d'eux. Et il ne voulait pas que j'en parle non-plus. Comme si évoquer le sujet percerait cette bulle de protection imaginaire qu'il s'était efforcé de construire autour de moi depuis ma naissance, en prenant soin de moi et en me préservant de tout mal.

Mais, le coup de grâce avait été quand mon père avait reçu un appel du commissariat. Nathan était en garde à vue pour complicité de trafic de stupéfiants. Mes parents étaient hors d'eux. Après avoir payé sa caution, ils avaient pu le faire sortir et ils étaient rentrés à la maison en hurlant. Ils lui faisaient la morale et Nathan était d'un calme absolu. D'un calme résigné et je voyais bien, ce soir-là, dans son regard, qu'il était dans la merde. Il n'avait rien répondu à nos parents et était monté dans sa chambre, sans m'adresser un seul regard.

Et le lendemain, lorsque je m'étais réveillée, il n'était plus là. Sa voiture n'était plus garée devant la maison. Ses affaires n'étaient plus dans sa chambre. Il était parti pendant la nuit, sans un mot pour personne.

Alors, j'étais déterminée à découvrir qui était ce foutu Baker, ce qu'il me voulait et ce qu'il savait à propos de mon frère.

*

- Nous allons commencer notre section sur l'époque ancienne, qui regroupe les mondes romains et grecs, et on continuera sur l'Egypte ancienne. Expliquait M. Baker, le visage partiellement caché derrière son ordinateur. On va commencer par le monde romain.

Il levait les yeux vers nous et esquissait un petit sourire en coin, avant de lâcher sa bombe :

- Et je vous conseille d'être attentifs parce que dans deux semaines vous aurez une dissertation sur l'intégralité de mes cours portant sur cette période.

Nous fîmes tous scotchés face à son annonce. La rentrée n'avait eu lieu que trois semaines auparavant, il ne pouvait pas déjà nous coller une dissertation. Et alors que je croyais être au bout de mes peines, il reprit malheureusement la parole pour lâcher sa deuxième bombe.

- Et votre note comptera pour cinquante pour-cent de votre moyenne du premier trimestre.

Je pouvais jurer que ce mec était sadique. Il prenait très clairement plaisir à nous voir paniquer.

- Monsieur... Habituellement nous n'avons pas de devoir si important aussi tôt dans l'année-

- Rien à foutre. Il plantait ses iris perçantes dans celles de l'étudiante qui avait pris la parole. Mon cours, mes règles.

J'étais bouche-bée face à son comportement. Il était définitivement la pire personne que j'avais rencontré. Et probablement aussi la pire de celles que je rencontrerais. Je le détestais.

- Commençons le cours. Vous avez une dissertation à préparer. Lâchait-il avec un sourire mauvais sur les lèvres.

Puis, il commença son cours, comme si de rien n'était, en jetant de temps à autre un coup d'œil à son ordinateur portable.

Je prenais le plus de notes possibles pour avoir suffisamment de contenu à réviser en vue de cette foutue dissertation. L'ambiance qui régnait dans l'amphithéâtre était studieuse et seule la voix de M. Baker résonnait dans l'habitacle. Nous étions certainement tous aussi stressés les uns que les autres face à ce devoir qui représenterait la moitié de notre moyenne en histoire. Subitement, une voix éraillée chuchotant me tirait de mes pensées.

- T'as intérêt à prendre soin d'écrire tout ce que je dis. Parce que j'ai une fâcheuse tendance à saquer certains élèves. Je levai les yeux vers lui et je fus immédiatement glacée par son regard. Et je ne compte pas te rater, Arabella-bella.

Je le détestais. Je le détestais. Je le détestais. Je le détestais. Je le détestais. Je le détestais. Je le détestais. Je le détestais. Je le détestais. Je le détestais. Je le détestais. Je le détestais. Je le détestais. Je le détestais. Je le détestais.

Je le haïssais.

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Et voici le cinquième chapitre posté.
J'espère que vous l'apprécierez.
On en apprend un-peu plus sur Nathan et son départ...
Et M. Baker... est ce que, comme moi, vous adorez le détester ?
On se retrouve bientôt pour un prochain chapitre.
Prenez soin de vous.
Alicia

ARABELLAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant