Chapitre 18: Médecine

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Assis sur un banc, Shikaku attendait.

La muraille dans son dos projetait une ombre noire. En Nara qu'il était, le Jounin appréciait pleinement cette pénombre qui les dissimulaient, lui et son uniforme sombre ; il avait grandi au contact de l'obscurité et des secrets des Trois Clans et n'appréciait rien tant que ces endroits d'où il pouvait voir sans être vu. Ce lieu-ci était idéal : il pouvait voir la Porte de l'Ouest et la rue dégagée qui y menait, tout en restant si profondément enfoncé dans l'ombre que nul n'aurait pu le distinguer sans savoir qu'il était là. Or une seule personne le savait, ce soir, et elle n'était pas encore arrivée.

Elle n'était pas en retard, bien sûr. Haruno Sakura n'était tout simplement pas en retard – cela faisait partie des faits que Shikaku avait intégrés quand la jeune femme était passée Jounin. Uzumaki Naruto pouvait transformer l'équilibre politique d'une région à lui seul, Hyûga Neji travaillait mieux avec les femmes, Inuzuka Hana fonctionnait particulièrement bien en position de chef d'équipe avec un Aburame pour second ; c'était le genre de choses que le responsable des Jounins se devait de savoir. Non, Haruno n'était pas aveugle, Shikaku avait simplement voulu arriver en avance. Il était là depuis plus d'un quart d'heure, au jugé, et se demandait quelle heure il pouvait être.

Il avait bien une montre, une antiquité mécanique pour laquelle il avait une affection irrationnelle, mais elle était dans la poche de son pantalon et s'il voulait lire l'heure, il lui faudrait se pencher, la saisir, trouver son briquet et l'allumer pour faire un peu de lumière. Beaucoup d'efforts pour rien puisque Haruno Sakura n'était jamais en retard. Il serait donc onze heures vingt-deux quand elle arriverait, décida Shikaku, et il aurait perpétué la tradition Nara de l'effort minimal.

Ensuite, eh bien, il cesserait d'être un Nara pour devenir un Konoha-nin en mission secrète.

Et quelle mission. Shikaku savait parfaitement que le massacre Uchiha avait des dessous cachés ; n'importe qui doté d'une demi-cervelle aurait deviné que c'était trop pratique, ce clan aux nombreux ennemis annihilé par l'un des siens (ce qui le faisait s'interroger sur la quantité de neurones de certains de ses camarades – il avait entendu des Jounins soutenir dur comme fer qu'Uchiha avait simplement craqué). Mais la vérité qui lui été révélée n'était pas celle qu'il aurait favorisée s'il avait dû parier.

Il y avait d'abord ce coup d'Etat Uchiha, dûment documenté grâce aux rapports de réunion que Danzô avait conservés : les Uchiha y planifiaient leur prise de pouvoir dans le détail. Shikaku n'avait jamais été un admirateur fervent du clan au Sharingan mais il leur avait attribué jusque-là un peu de bon sens. Un coup d'Etat, vraiment ? A quel point s'étaient-ils isolés pour imaginer que Konoha accepterait un coup d'Etat ? A Kumo, à Kiri, oui : la mentalité là-bas était que celui qui réussissait à s'approprier le trône du Kage était assez puissant pour représenter le village. Konoha faisait les choses différemment. L'équilibre entre les clans était une caractéristique de la Feuille ; le rompre par la force, ce n'était rien de moins qu'un appel à la guerre civile. Croyaient-ils donc qu'ils pourraient subjuguer les shinobi par des promesses de pouvoir et les civils par leur prétendu lien avec le Sage des Six Chemins ? Tous les possesseurs de dôjutsu revendiquaient le Sage pour ancêtre – les Hyûga aussi pouvaient jouer de cette carte-là. Leurs yeux pouvaient bien voir l'avenir, ils avaient été tristement aveugles.

Shikaku avait soigneusement rangé dans un coin de son esprit les pistes qu'il devrait explorer dès qu'il aurait le temps : le pouvoir réel de Danzô, les liens que les Uchiha avaient dû nouer pour mettre en place leur traîtrise… Il y avait matière à réflexion. Dommage qu'il ne puisse mettre son héritier dans la confidence – Tsunade lui avait formellement interdit d'avertir Shikamaru. Aussi prometteuse soit la jeune génération, les situations aussi sensibles nécessitaient l'expérience de leurs aînés, avait-elle affirmé. (Shikaku aurait pu hausser les sourcils en évoquant la présence de Sakura, pas exactement une aînée, mais il n'en avait rien fait : l'héritière spirituelle d'une Sannin et Hokage avait plus de privilèges que le fils d'un chef de clan, tel était l'ordre du monde. Et puis Tsunade n'aimait pas qu'on pointe du doigt ses incohérences, or une Tsunade agacée tenait plus de la bombe à retardement que de l'adulte mature. Shikaku avait élevé au cours de son mariage l'évitement du conflit au rang d'art).

Pour Le Choix d' Itachi (Itachi x Sakura)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant