Chapitre 34: Guerre

222 15 1
                                    

Quand on passait trop de temps avec la douleur, on finissait par oublier ce que c'était que de vivre sans. On commençait à parler moins, bouger moins, car la douleur est comme un prédateur qui n'attend qu'un mouvement brusque pour attaquer ; on regardait le monde avec distance, à travers un voile de brume.
Pour la première fois depuis des années… Il se sentait libre. Il était le corbeau prenant son envol, la forêt paisible entourant Konoha, le calme de l'obscurité avant l'aube – la douleur n'était plus. Pendant une seconde – une minute – un siècle – Itachi oublia jusqu'à son nom pour ne plus faire que ressentir. Son corps-arme, aiguisé si finement qu'il menaçait de se briser à tout instant, était devenu le tronc d'un jeune chêne, solide, résistant, lançant ses branches vers le ciel. Il n'avait plus mal : ce simple fait était comme une révélation.

Puis il ouvrit les yeux, et un monde de beauté se révéla à lui.

Dire que le plafond était blanc aurait été comme de dire que le Soleil brillait : véridique, et pourtant loin de retranscrire la splendeur qui vous prenait à la gorge quand vous le contempliez dans toute sa gloire.

Itachi baignait dans cette paix soudaine, mais il le faisait à la manière d'un enfant apprenant à nager : prudemment, conscient au fond de lui que s'il s'agitait trop, les remugles ramèneraient à la surface une chose horrible, terrible, atroce qui n'aurait jamais dû arriver, une absence qui faisait comme un trou béant en lui, comme le trou dans la poitrine de Sakura…

Trop tard.

Sasuke.

Il voyait mieux qu'il n'avait jamais vu. Ce fut le dernier sacrifice d'Izuna : protéger son frère des ténèbres.

- Sharingan, murmura-t-il d'une voix sans timbre.

Son chakra refusa de répondre. Une chaleur soudaine au niveau du cœur lui indiqua la présence d'un sceau.

- Itachi.

Itachi tourna la tête, conscient que le vide qui l'envahissait avait un prix, qu'il ne pouvait pas repousser ses émotions indéfiniment. Cela ne l'empêcherait pas d'essayer.

Sasuke.

- Sakura.

Il la vit comme il ne l'avait jamais vue. Chaque cheveu rose se détachait clairement, chaque fil de son uniforme propre – elle a eu le temps de se changer, nota le shinobi en lui –, chaque pore de sa peau livide. L'appréhension, la résignation, le deuil se lisaient sur ses traits et dans la courbe de son sourire forcé. Pendant un instant, elle lui fit penser au chef de la Racine.

- Sasuke, dit-il simplement.

C'était stupide. Il savait très bien que son frère était mort – l'expression de Sakura le lui hurlait. S'accrocher à un espoir vain ne lui ressemblait pas.

Mais Sasuke était… tout, absolument tout pour lui, depuis le jour où il avait quitté Konoha. Sasuke était la raison pour laquelle il avait accepté le plan fou de Madara, pour laquelle il était devenu un monstre, un paria, un déserteur ; Sasuke était ce qui lui permettait de tenir quand Kisame torturait une femme dans la pièce d'à côté, quand lui torturait un innocent sur les ordres de Pein. Sasuke était la force qui lui avait permis de repousser sa maladie si longtemps. Sasuke était la lumière dans les ténèbres, deux grands yeux noirs et innocents et une voix enjouée lui souhaitant un bon retour de mission. Sasuke était l'avenir du Clan Uchiha…

Sasuke n'était plus.

Itachi réalisa qu'il pleurait.

Otouto, appela ce qui restait d'humain en lui. Otouto, otouto, otouto…

Un sanglot lui échappa. Itachi s'immobilisa, choqué par ce son étrange.

Sasuke. Pourquoi es-tu mort ? Tu n'aurais pas dû mourir. Mes yeux étaient à toi, ma vie était à toi, stupide petit frère. Je devrais être mort de ta main. Quel dieu cruel t'a tué pour me laisser en vie ?

Pour Le Choix d' Itachi (Itachi x Sakura)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant