13. Des choix, un regret
« Tu sens l'amour »
Idriss
18 février
Je rentre dans le bus et la cherche. Où est-elle ? Pourquoi n'est-elle pas là ? J'appuie le prochain arrêt et descends pour attendre le prochain bus espérant qu'elle y est.
Est-ce à cause de ce qu'il s'est passé vendredi et samedi ? Serait-elle gênée à l'idée de me voir ?
Son père l'aurait encore frappé ? Se trouverait-elle à l'hôpital ?
Non, elle est tenace. Nous parlons tout de même de Yasmina. Mais chaque être vivant a sa limite. L'aurait-elle atteinte ? Non. Impossible.
Je n'ai ni son numéro, ni celui de Jules pour les contacter.
Peut-être que je m'inquiète pour rien. Peut-être qu'elle commence plus tard que d'habitude.
Je ne sais pas. Ce n'est pas censé autante travailler. Je sais que pour elle, elle ne pense pas autant à moi.
J'ai grandit avec cette image, un homme doit être fort, grand et insensible. Finalement, je ne rempli que deux conditions pour rentrer dans les critères. La sensibilité est mon défaut. Peu sont ceux qui m'apprécie pour ça, la plupart des personnes qui me parlent sont là pour devenir célèbre.
« Puisque tu es journaliste, tu peux m'interviewer pour que je puisse devenir célèbre ? »
« Si je passe à la télé, je pourrai être célèbre, non ? »
« Tu es beau, c'est pour ça que tu peux être journaliste si jeune. »
« Profite, peu de personnes ont cette chance. »
« Tu es une star et tu ne profites même pas. Donne moi ta chance. »
Sont-ils seulement au courant que j'ai fait des études pour avoir pu être ce que je suis aujourd'hui ? J'ai travaillé, jour et nuit, tout en m'occupant de mes sœurs qui doivent avoir une présence masculine.
Sont-ils seulement au courant ce que c'est de devoir remplacer la figure paternelle et en plus de ça assurer son rôle de grand frère et de fils ?
Seuls ceux qui le vivent peuvent savoir ce que c'est. Pour l'instant, en vingt-quatre ans, bientôt vingt-cinq, je n'ai jamais vu quelqu'un avoir les mêmes rôles que les miens. J'ai grandi sans présence paternelle. J'ai ce qu'on appelle un père présent mais absent.
Il travaille, son argent nous nourrit, mais une fois à la maison, que fait-il ? Où est-il ? Il ne connait ni nos dates de naissance, ni nos âges, ni nos classes, ni rien. Il confond nos prénoms et oublie même celui de Lyna. Il a tendance à l appeler Sylla, je ne sais pas d'où ça sort. Alors avec maman, qui en souffre, nous enlevons tous les deux Lyna et Noëlla.
En grandissant, j'ai appris à ne pas le détester, il est mon père et à la moindre parole j'arrive à le pardonner contrairement à Lyna qui lui vout une haine profonde. Je n'y arrive pas personnellement. Je m'en veux de ne pas réussir.
Étant jeune, papa a toujours voulu me façonner, me rendre comme lui l'était alors toutes les fois où nous nous parlions ou traînions ensemble étaient simplement pour me rendre moins sensible. Moins chouineur.
« L'amour ne sert à rien, Idriss »
« Tu sens l'amour, Idriss »
« Chouineur »
Mon enfance est bercé par ce surnom. Petit, je pensai que c'était affectif mais en grandissant j'ai compris que ce surnom était présent seulement pour m'humilier.
Yasmina me voit-elle comme un chouineur ?
J'aimerai tellement être dans sa tête. Savoir ce qu'elle pense. Tout le temps. J'ai l'impression de devenir obsédé par elle.
Se sent-elle comme moi ? Comme je me sens en sa présence. Lorsqu'elle est là, j'ai du mal à parler, je suis intimidé par elle et ça devient bizarre, étrange. J'ai vu les regards que Jules me lance. Je pense qu'il a compris mais pour Yasmina je ne sais pas encore.
Je rentre dans le train et sors mon ordinateur. Je vais sur Netflix et regarde la série que Yasmina regarde lorsqu'elle me demande de lui faire un partage de connexion. J'ai vu certains passages et ça me plaisait.
Je tape dans la barre de recherche le nom. « Les Demoiselles du téléphone ».
Je n'arrive pas à rester concentrer et un appel entrant de Papa me perturbe encore plus. Après une longue hésitation, je décide d'y répondre.
« Papa — Allô, Idriss ?
— Oui, papa. Ça va ?
Papa — Tu es où ?
— Dans le train.
Papa — Donc tu as une voiture mais tu prends le train ? Tu es bête ou quoi ?
— Non, seulement il y a trop de bouchons et je ne supporte pas.
Papa — Je n'ai plus d'argent et je vais vendre la maison. Déménage, tu es trop grand. Tu as plus besoin de vivre sous mon toit.
— Quoi ? Mai–
Papa — Tais toi. J'ai perdu beaucoup d'argent et mon travail fait faillite. Je suis obligé. »
Il raccroche sans me laisser répondre. Que faire ?
Connaissant papa et sa seule parole, je vais sur un site et regarde les offres les plus intéressantes. J'aimerai ne pas vivre dans un studio. Je ne sais même pas combien j'ai de temps pour pouvoir trouver un appartement. C'est si soudain. Mais c'est papa. Et papa est impressionnant et il est impossible de savoir ce qu'il pense ou prépare.
Lorsqu'il fait des choix, il est impossible de le faire changer d'avis. C'est la personne la plus bornée que je connaisse.
Mais a-t-il des regrets face à ses choix ?
Les êtres humains peuvent faire des choix, nous ne sommes pas des animaux, pourtant, beaucoup font des mauvais choix et regrette.
Le regret vient toujours après les choix que nous faisons et pourtant peu sont ceux qui vont rattraper les choix qui sont devenus des erreurs. Papa fait parti de cette catégorie, seulement, c'est dur de connaître et vivre avec une personne comme ça.
J'aimerai seulement qu'il regrette. Un jour, j'espère.
Excusez-moi pour ce chapitre court.
VOUS LISEZ
- 𝕯𝖊𝖘𝖎𝖑𝖑𝖚𝖘𝖎𝖔𝖓𝖘 -
RomanceL'amour. Ce mot. Ce sentiment. À la fois détesté et adoré. 𝕴𝖉𝖗𝖎𝖘𝖘, l'adore. 𝖄𝖆𝖘𝖒𝖎𝖓𝖆, le déteste. Mais ces deux là vont y succomber mais de quel manière ? 𝖄𝖆𝖘𝖒𝖎𝖓𝖆 a toujours vécu au cœur de conflits familiaux et de la violence. ...