3

1 0 0
                                    

D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours vécu ici. Entourée de gens éphémère, de parents autant présents qu'absent. J'ai ma propre « suite » dans l'hôtel où je travaille. J'aurais préféré avoir mon indépendance dans un coin de la ville, mais ils ont tenu à me léguer cet endroit, le « dernier étage » ; « la suite de luxe », la vue est splendide, je ne vous le cache pas, c'est juste trop pour moi. Il ne faut pas être devin pour comprendre que mes géniteurs ne sont pas que ça, c'est mes voisins, mes patrons et c'étaient mes instituteurs personnels. Ils m'ont fait l'école à la maison, donc je n'ai pas d'amis, ceux qui étaient en séjour dans notre établissement ne restaient jamais assez longtemps pour jouer ne serait-ce qu'à chat. Alors, je ne me suis pas attardé sur ce sujet, j'ai grandi en relativisant.

- Madame Ness, heureuse de constater votre retour. Nous vous apportons un repas. Pouvons-nous entrer s'il vous plaît ?

Ce sont mes collègues basés à la même échelle que moi, à cause de mon nom, ils se sentent obligés d'agir avec moi, comme ils agissent avec eux. Ils ont dû me voir au rez-de-chaussée, c'était l'heure de l'ouverture quand je suis rentrée incognito. Après avoir donné mon autorisation, deux personnes déposent un chariot rempli d'aliments dans mon hall, rien qu'à l'odeur, j'en salive.

- Souhaitez-vous quelques plats en plus ?

- Non, remerciez le chef de ma part.

- Très bien Madame.

- Appelez-moi Céleste.

Je ne cesserai de le répéter... Que ce soit à eux, ou aux autres. Avant qu'ils ne partent, je les demande poliment de ne pas avertir mon retour aux gens. Je souhaiterais esquiver mes parents encore quelques heures... Ils ont l'air de compatir, ils sortent, je ne peux m'empêcher de me hâter vers la nourriture. Rien qu'une bouchée suffit pour me sentir apaisé. Ça a toujours été « on mange au Paname Quécois » midi et soir. Le restaurant étoilé étant fermé le matin, mon père sortait son tablier quelques fois, pour préparer des pâtisseries afin qu'il n'en manque pas. C'était devenu une routine, je n'ai pas connu mieux, ni pire.

-Cécé ? Cécé ! Cécé.

Oh non... J'entends mon surnom résonner, ça devient de plus en plus proche. Je sais très bien que ma mère arrive, sans y réfléchir, je me cache sous la nappe du chariot. Pitié, qu'elle ne me trouve pas. Quand j'entends la porte s'ouvrir suivit de ses pas, je retiens mon souffle.

- Jeune fille, je sais que tu es ici. Tu ne trouves pas ça dépasser de se cacher à ton âge ?

Bizarrement, vingt-deux ans est un âge qui me semble adéquat. Faîtes qu'elle part...

- Tu aurais pu prévenir ta vieille mère que tu rentrais aujourd'hui. Nous t'aurons préparé un retour qualitatif.

Je suis sortie de l'hôpital assez tôt pour éviter les paparazzis. J'ai signé des papiers puis j'ai apprécié ma balade jusqu'ici. Pour ma génitrice, ce retour se résume en événement, c'est l'une des raisons qui explique pourquoi je ne l'ai pas averti. Bien que je ne la réponde pas, ce chariot me trahit. Que je le veuille ou non, il y aura un banquet ce soir....

- Tu n'as pas le choix.

Je n'ai pas vraiment mon mot à dire dans cette famille.

- Céleste, si tu ne te montres pas, j'appelle ton père qui viendra transformer l'espace en champ de bataille.

Je sors timidement ma tête. Ma mère ne peut s'empêcher de sourire. Le moment la ramène sûrement à mon enfance. Ou à sa jeunesse...

- J'ai rendez-vous, je souhaiterais que tu assistes à cet échange. Fais descendre ce chariot garni en salle de réunion.

Antinomique PowerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant