Je suis à quelques mètres de franchir le sol de Craydon. Le vol a été long... Mad et Manu, j'arrive ! Ils sont supposés me retrouver sur le parking dès mon arrivé, à mon avis, ils seront en retard, me laissant du temps pour maquiller mes sourcils. Mes calculs, ne trompent pas, j'aurais de l'avance...
- Monsieur, encore un verre avant l'atterrissage ?
J'accepte, le champagne et moi ? Toute une histoire d'amour. Sans compter la nourriture. Quand ces milliers de petites bulles font leurs trajets dans ma trachée, je me sens heureux.
- Vos parents semblent déjà présents, d'après ce que j'ai entendu dans le cockpit.
Je manque de m'étouffer. Je savais bien au fond, qu'ils seraient là très rapidement, mais pas à ce point. En deux, trois mouvements, je me retrouve dans la cabine. Mon verre sera sûrement éclaté quand je retournerai au siège, juste penser une telle chose, m'énerve. L'endroit est étroit, d'un point de vue omniscient, je serais plutôt perçu, gros pour l'espace... Me répéter que c'est le lieu qui est problématique me rassure. Pourtant, je devrais être habitué à mon corps... Je respire un bon coup avant de colorier ce que j'ai sur le visage. Qu'est-ce que j'ai fait pour finir ainsi ? J'aurais clairement dû obtenir une compétence différente.
- Monsieur Ed, il serait préférable de retourner vous asseoir.
Je sors de la pièce en pas chassé. Ce n'est décidément pas avantageux... Retour à ma place, je suis intrigué par le paysage qui s'intensifie à travers le hublot que je ne sens presque pas les secousses, mon verre n'est plus là où je l'ai posé, sois il s'est fracassé ou bien on me l'a privé.
- Nous sommes arrivés.
Après six mois sans s'être vu, c'est aujourd'hui le moment de se retrouver. Je me détache, avant de quitter l'avion, je remercie chaque membre pour le vol passé. Puis très vite, je me retrouve face à deux énergumènes, enjoués de retrouver leurs fils uniques.
- Je m'attendais à ce que tu perdes beaucoup plus.
La durée de l'euphorie était aussi rapide qu'un train à grande vitesse. Je suis quand même passé de cent vingt kilos à quatre-vingts.
- A vu d'œil, je dirais qu'ils t'ont enlevé quarante et quelques.
C'est un peu près juste. Ils ne seront donc jamais satisfaits. Je ne peux pas les en vouloir d'avoir honte de mon poids quand eux, sont bien dans leurs peaux.
- Alors, ton travail ?
Ma mère m'aide à rentrer dans la voiture tant bien que mal, elle a tendance à croire que j'ai besoin d'aide pour chaque geste. Ça me rappelle Céleste, cette fille pète l'altruisme. Je suis un grand auto-entrepreneur, ce mot est bien constitué d'autonomie.
- J'ai eu une association avec la chaîne de restauration Quécois, ils sont très réputés.
- C'est bien mon garçon !
Tandis qu'ils parlent de mes progrès dans la vie, je ne cesse de débattre avec moi-même sur la façon d'annoncer mon déménagement.
- On te dépose chez toi ou tu veux venir chez nous ?
C'est une question à laquelle je m'étais préparé mentalement... Je laisse un silence pour simple réponse. Le regard de ma mère dans le rétro intérieur est court et intense, ça me transperce l'âme. À ce moment précis, je me dis « foutu maquillage » ... Elle l'a cramé, c'est sûr. La voiture s'arrête brusquement en pleine route.
- Chérie redémarre, tu es folle ou quoi ?
- Qu'est-ce, tu as ? Je ne suis pas dupe.
Les klaxons s'enchaînent, c'est la ville des gens pressés. Ça ne m'avait pas manqué.
- Reprends la route, direction ma maison.
Elle geint, marmonne plein de trucs incompréhensibles et ceux, jusqu'à chez moi. C'est qu'une fois garé que ma maman sort de son automobile. M'aide à sortir puis me gifle... Une première depuis mes quinze ans. Je suis estomaqué. Mon père l'est tout autant.
- On ne ment pas à sa mère, espèce de chenapan que tu es.
Pour couronner sa phrase à l'aide de son pouce, elle frotte mes sourcils un à un.
- Regarde-moi ça.
Elle expose dignement l'état de son doigt à son époux, l'air de lui dire « tu as vu, je ne suis pas cinglée », j'avoue que ce fut un sacré coup d'œil. Je ne souhaiterais pas m'éterniser dans la rue...
- Rentrez, qu'on parle à l'abri.
Quand je mets les pieds dans ma maison, j'examine le peu de photos qui s'y trouve. Chacune a son vécu, depuis l'âge ingrat je n'ai qu'un seul rêve ; celui de maigrir par je ne sais quel moyen. Je peux remercier la chirurgie pour les kilos en moins. En deuxième position, j'aimerais grandir, je suis conscient que prendre des centimètres est improbable... Je ne cesse d'y croire, j'ai l'argent de côté pour une quelconque intervention sur ce niveau-là.
- Raconte.
Ils n'ont jamais été mis au courant de ma seconde hospitalisation due au coup d'éclair reçu.
- Il y a eu une sorte de cyclone à Ayan-City... Attendez !
Je fouille dans ma valise afin de leur tendre le journal de ce jour « miraculé ». Je l'ai gardé pour me rappeler par quoi je suis passé. Comme ces quelques images de moi...
- Tu as peut-être vingt-trois ans, mais la moindre des choses, c'est de téléphoner à un parent dans ce genre de situation !
- Mad, avant de gueuler, le plus important serait de savoir comment il se porte depuis... N'est-ce pas mon fils ?
- À part mes sourcils, je vais bien. Je profite pour vous annoncer que je vais partir vivre là-bas.
Ils sont ahuris face à mon annonce. Manu digère doucement, je vois ses traits se relâcher...
- Tu es revenu pour m'annoncer que mon seul enfant ne me reviendra jamais ?
Elle est trop dramatique... Mon père tente de la calmer, faisant ce fameux tic que j'ai hérité de lui ; mettre la langue sur le nez. C'est difficile pour ma mère de le faire alors que nous le faisons les yeux fermés d'une facilité qui la déconcerte. Il la prend dans ses bras, puis me regarde.
- Je reviendrais demain pour t'aider dans tes démarches. Ne t'inquiète pas, je lui parlerais et on en reparlera.
Ils partent, me laissantseul entre mes quatre murs que je n'avais plus vus. Je n'ai pas de balcon,juste un vaste jardin. Ma cuisine est la pièce que j'affectionne le plus, lescouleurs sont monotones. J'adore y faire des plats, pour les déguster devant lesinformations. Ce sont ces habitudes basiques qui me manqueront, néanmoins j'enai fait de nouvelles à Ayan.
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Antinomique Power
Science FictionQuatre individus ont été frappés par la foudre et sont désormais connus sous les surnoms de "miraculés" et "sacrés foudroyés". Ils font face à un défi extraordinaire : s'adapter à leurs opposés. Leur vie a été totalement perturbée par un coup du des...