Prologue

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San Francisco – Aujourd'hui


Charlie


Bip... Bip...Bip... Bip...Bip... Bip...

Bip... Bip...

Ces bruits, ces bips, je les reconnais, entre mille. Je les ai entendus et subis pendant des jours, des semaines, des mois quand ma mère était allongée sur un de ses lits à lutter pour sa propre vie. Sans compter sur cette odeur bien typique, un mélange entre les produits d'entretien et la mort qui flotte dans les couloirs, qui se promène de chambres en chambres pour savoir qui sera la prochaine âme à être cueillie auprès d'elle.Aujourd'hui, c'est mon tour. Je suis allongée sur ce lit, entre ses draps blancs aussi rêches que les cheveux de mamie Rosy. Je suis incapable de bouger, je n'arrive pas à ouvrir les yeux ni même parler ou crier.Mon corps ne m'obéit plus, il me tient prisonnière au fond de ce putain de lit d'hôpital.

J'ai mal, terriblement mal au ventre qui me tiraille mais également aux jambes aussi raides que des poteaux, mais rien n'est aussi comparable que mon mal de crâne. Mes oreilles bourdonnent, j'ai l'impression d'être au fond d'un puit où chaque bruit résonne et fait écho dans mon crâne. Je suis dans mon pire cauchemar, celui où je suis poursuivi par quelqu'un et je suis incapable de bouger ni même de courir pour m'échapper.

Je ne sais pas depuis combien de temps, ni pourquoi et encore moins comment je suis arrivée ici mais je suis bel et bien entre la vie et la mort.

- Son état est stable.


Cette voix aussi je la reconnais, du moins je commence à la connaître. Je reconnais aussi son parfum qui vient agresser mes narines à chaque fois qu'elle met un pied dans cette foutue chambre. Aux vues de ses goûts en matière de parfum je dirai qu'elle a plus de cinquante ans si ce n'est plus, sans vouloir vexer qui que ce soit, bien-sûr. C'est peut-être le troisième ou quatrième jour consécutif que cette infirmière s'occupe de moi. Elle prend avec minutie mes constantes trois fois par jour et comme elle le dit si bien, je suis stable mais sans pour autant pouvoir me réveiller.

Pas encore. Tu dois te reposer.


Mais pourquoi ? Que s'est-il passé ? Pourquoi ai-je besoin de me reposer ? Pourquoi mon corps ne m'obéit plus ?


- Je suis désolée je suis incapable de vous donner ce genre de réponse.


A qui s'adresse-t-elle ? Jenna, ma meilleure amie vient me voir plusieurs fois par jour. Elle passe son temps à s'excuser sans en dire plus. Elle me raconte ses journées de travail, elle m'a ramené des affaires pour « quand je me réveillerai » parce qu'il faut que je sois « canon en toutes circonstances » selon elle.Mais aujourd'hui, en ce moment même ce n'est pas Jenna qui est présente. Jenna n'est pas aussisilencieuse, je l'aurais reconnu depuis longtemps. Alors qui est-ce ? Max serait là ? Mon frère est au courant, Jenna l'a prévenue et il a sauté dans le premier avion pour me rejoindre. Il est à mon chevet tous les jours. Mais encore une fois ce n'est pas sa présence que je ressens. L'atmosphère de la pièce est pesante, menaçante, inquiétante... La voix de l'infirmière n'est pas aussi assurée que lorsqu'elle s'adresse à ses collègues ou encore à Max.

Aurait-elle peur de son interlocuteur ? Et si la personne dans cette chambre était celle qui m'avait envoyé dans ce lit ? Un meurtrier qui viendrait finir le travail ?

Mon cœur commence à s'emballer, il frappe contre ma cage thoracique, la panique s'empare de moi. C'est douloureux, j'ai mal au ventre, j'ai mal à la gorge. Il faut que je me calme, je suis dans un hôpital, il ne peut rien m'arriver, si ?

« Plus tu t'agites, plus ce sera douloureux. »


Un brin de souvenir me percute alors que ma respiration accélère à son tour. Le temps d'une seconde je me retrouve au fond de cette rue, sombre. La fraîcheur de la nuit et l'humidité couvre mon corps à moitié vêtu. Où est ma chemise ? La bretelle de mon soutien-gorge est coupée, nette. Tout est flou autour de moi, mes oreilles bourdonnent et si je tiens encore debout ce sont grâce aux grandes mains rugueuses et sales qui me serrent si fort que j'en ai des fourmillements dans les doigts. Ce sont des mains d'hommes, abîmés par le froid et salis par la rue. L'homme est si près de moi, son corps maintient le mien contre le mur et son visage effleure le mien. Son souffle chaud vient se mêler au mien et un mélange d'odeur me donne soudain la nausée. De l'alcool, de l'alcool fort, du tabac ou même de la drogue.


« Personne ne viendra t'aider. »


Cette voix grave, cassée, usée par l'alcool et la drogue. Ai-je été agressée ? Mais pourquoi ? Qui est cet homme en face de moi ? Pourquoi je n'arrive pas à me souvenir de son visage ? Un millier de frissons me parcourent, je suis terrifiée et pourtant j'ai besoin d'en savoir plus, de le revivre. Putain mais Charlie réveille-toi ! Crie ! Bouge ! Fais quelque chose bordel !


Bip bip bip bip...Bip bip bip bip...


- Sortez s'il vous plaît ! Tout de suite !

Non ! Non ! J'ai besoin de savoir qui tu es, il faut que j'entende ta voix, que je te sentes, je veux être sûre que la personne présente dans cette pièce n'est pas la cause pour laquelle je suis ici aujourd'hui car une chose est sûre, je ne te connais pas. Les machines s'emballent, je sens plusieurs mains s'enroulaient autour de mes bras, de mes jambes si douloureuses. Ils essayent de me maintenir mais mon corps se débat, seul. Je ne maîtrise rien.


- Elle convulse. Faites-le sortir ! Immédiatement ! hurle l'infirmière.


Le ? Tu es un homme. Et tu es resté. Pourquoi ? Etais-tu inquiet ou savourais-tu ta victoire ? Laisse-moi te promettre une chose, je te retrouverai.

Laisse-moi sortir de ce lit et je viendrai te poser moi-même la question.

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